Soirée d’élection au PS

Double première pour le militant que je suis : j’ai participé ce soir à ma première élection de congrès et j’ai été du coup à ma première réunion de section après mon déménagement au bout de la Bretagne.

Le but de la soirée était donc de procéder au vote de sa motion préférée. Rien que de très banal en somme. Petit tableau de la soirée.

D’abord, comme je suis rattaché à une petite section, pas de lieu théâtral avec décorum et flonflons républicains, ce soir c’est vote chez l’habitant, en l’occurrence habitante puis ma nouvelle secsec (secrétaire de section pour les intimes) est une femme. Dans un post précédent,  je vous avais parlé du féminisme au PS, pour le coup j’ai gagné le gros lot, je suis le seul homme. On ne parlera donc pas foot ce soir… Ambiance décontractée, le vote a lieu autour d’un apéritif.

Quand je dis vote, c’est surtout pour les autres parce que moi je n’y ai pas droit. En effet, l’administration du PS étant à refonder au moins autant que son idéologie, même si je suis arrivé depuis 2 mois en Bretagne, techniquement je ne suis pas sur la liste de ma section. Ce n’est pas grave, j’étais prévenu. Au passage, je ne suis pas le seul dans ce cas puisqu’une de mes camarades n’a elle pas le droit de vote non plus, cette fois parce qu’elle est inscrite à un endroit et paie sa cotisation à un autre et que le secsec qui l’a inscrite l’a radiée. Au moins voilà un chantier prioritaire pour la prochaine direction parce que sans administration efficace il est difficile d’avoir des relais entre la tête et la base.

Vient le moment du dépouillement. Avec 8 votants, c’est rapide et si comme l’électorat féminin le laissait prévoir la motion E arrive en tête, elle ne récolte que 3 voix, les autres se répartissant harmonieusement sur A, C, D et F, cette dernière, utopia réalisant même une percée décoiffante avec deux voix. Ceci m’inspire d’ailleurs une réflexion en phase avec l’atmosphère de la soirée. Il y avait peu d’enthousiasme et les militants présents donnaient l’impression d’être entre deux eaux sans croire à une perspective claire, ce qui expliquerait qu’utopia recueille des voix. Si c’est bien le cas, on pourrait avoir un résultat de défiance exprimé à travers une motion qui n’a pas vocation à diriger le PS, ajoutant un peu plus au malaise…
La soirée se clôt sur une discution autour de DSK et de l’intérêt ou pas qu’il soit au FMI (j’ai bien fait de venir), organisme qui est toujours perçu comme une institution qui sème le malheur. J’espère que mes quelques explications sur l’apurement de la dette du Libéria, sur la Palestine et sur le rôle que va jouer le directeur du FMI dans la reconstruction du système financier auront permis de comprendre qu’il est infiniment mieux d’avoir un social-démocrate pour réformer une institution dont les actions peuvent être terribles si elles sont mal inspirées, et en particulier inspirées par les néo-libéraux qui ont mis à sac la planète, plutôt que de leur laisser cela comme dans le passé. Ce fut au moins ma contribution politique à ma soirée électorale du bout du monde.

Le PS expliqué à ceux qui ne le comprennent pas (plus ?)

En cette semaine de congrès socialiste, tout devrait aller pour le mieux au pays de la rose.

Electoralement, le PS a surmonté sa défaite des présidentielles en enchainant une législative qui corrigeait l’impression de raclée présidentielle puis une municipale / cantonale qui aurait regonflé le poitrail de n’importe quel militant asthmatique.
Par ailleurs, après un triomphe néolibéral en trompe l’œil, c’est l’approche social-démocrate qui est plébiscitée par les conséquences des crises actuelles : oui il faut un Etat régulateur, oui il faut aborder les problèmes économiques et sociaux par le contrat, oui il faut présenter des solutions fondées sur l’analyse, la réflexion et la raison. Les français en sont convaincus, le monde aussi.

Mais voilà, les socialistes pas franchement, comme ils ne sont pas franchement convaincus d’avoir été sanctionnés par les électeurs à la présidentielle et comme ils ne sont pas franchement pressés de se trouver une direction clairement et radicalement réformiste basée sur l’histoire socialiste et social-démocrate certes, mais surtout tournée vers l’avenir et la refondation, du parti d’abord, de la France ensuite.

Que lit-on en ce moment sur le oueb ? Que le pacte présidentiel était formidable, que la social-démocratie ne vaut pas tripette, que Mitterrand cela reste une référence. Et sans oublier bien sûr qu’au pays des camarades il en est qui ne manquent pas une occasion de dézinguer les autres, y compris lorsque les autres en questions sont attaqués pour des raisons très fumeuses sans aucun rapport avec l’intérêt général.

Mais alors pourquoi diable ne sommes-nous pas fichus d’être clairs et en phase avec les français. En fait, il faut utiliser une double grille de lecture pour comprendre certaines choses.

Lorsque je suis arrivé au PS pour soutenir DSK lors de la primaire socialiste, deux choses m’avaient à l’époque frappé : l’âge moyen des militants et un malaise que j’ai mis du temps à comprendre.

Le militant socialo a une furieuse tendance à avoir du kilométrage ce qui anime les soirées de récits de moult batailles mais cela a également pour conséquence de freiner largement les vélléités de changement idéologique, sans même parler de la refondation du parti qui apparaît si nécessaire. Alors oui il y a un attachement profond à ce que fut le PS, et en particulier celui de l’union de la gauche. C’est tout à fait compréhensible, et dans une certaine mesure fort sympathique, mais c’est surtout en déphasage total avec notre époque qui a commencé à exploser tous ses repères. Voilà donc pourquoi aujourd’hui, des gens comme Royal n’hésitent pas à faire quelques appels du pied au passé ou d’autres comme Fabius ne reculent pas devant un galurin et une écharpe rouge pour commémorer la mort du commandeur.Ceci explique aussi l’attitude plus qu’ambigüe envers la social-démocratie, jadis représentée par Delors ou Rocard puis Jospin et qui ont, surtout pour Rocard, largement fait les frais d’une hostilité marquée envers cette orientation politique.

Deuxième élément, ce fameux malaise. Il semble exister un très vieil antagonisme hommes/femmes au PS et au contraire d’autres éléments idéologiques tout aussi conflictuels, cet antagonisme ne s’exprime pas du tout clairement. Lorsque je suis arrivé avec ma virginité citoyenne, j’avais parfois l’impression d’assister à une querelle recuite d’un vieux couple qui ne manquait jamais de s’envoyer quelques vannes sans pourtant aller jusqu’à la querelle. Je ne sais pas quand est née cette situation, et même si l’égalité hommes/femmes est un vrai combat de société, mais je suis persuadé que cette espèce de querelle des mégères et des machos socialistes n’a aucune chance de produire quoi que ce soit de bon, tout simplement parce que la façon de voir ce problème est totalement déphasé avec la réalité des rapports hommes-femmes des nouvelles générations (avant 50 ans).

A l’arrivée, quel problème entraine cette querelle recuite ? Le phénomène Royal. Pourquoi quelqu’un qui a été rejetée sans ambiguïté par une nette majorité de français alors que ceux-ci voulaient voter à gauche, pourquoi cette personne fait-elle encore la une alors que dans tout autre parti elle aurait pris quelques temps de recul ? Tout simplement parce qu’elle est l’incarnation parfaite de cette querelle. Royal c’est la femme qui “doit” se battre contre Hollande, le mari socialo et forcément macho. Désir d’Avenir c’est le courant qui veut s’émanciper du PS tout en y restant, c’est le courant qui est censé porter le débat féministe que le parti n’est pas en mesure d’aborder sainement. Et c’est totalement idiot. Il existe parmi toutes les contributions, une contribution thématique “les égales” qui défend certains aspects de l’égalité des sexes. Après quelques vifs échanges, j’ai fini par la signer non pas parce que j’adhère aux choses telles qu’elles sont dites, mais parce qu’il me semblait indispensable d’introduire une vision masculine affirmée et moderne à quelque chose qui recuisait sans aboutir depuis une éternité. Humble contribution que la mienne mais qui je l’espère laissera espérer que les choses peuvent enfin évoluer plus sainement.

Voila donc un éclairage sur ce congrès. Le PS peine à se réformer parce que sa démographie ne l’aide pas à aller dans ce sens, et il peine à se mettre en cohérence idéologique avec les français et l’époque parce qu’il est parasité par un clivage fait de rancœurs et de non-dits.

Enfin, pour être un brin plus complet, il souffre aussi du défaut d’une des qualités de l’esprit social-démocrate. Les sociaux-démocrates sont très attachés à la réflexion collective, au débat, au consensus et au contrat. Pour l’heure nous constatons surtout des velléités de putsch en face d’une scission, que je crois temporaire, en deux approches (les motions Delanoë et Aubry). Les choses seraient curieusement plus simples si nous étions moins démocrates… Cependant, je suis certain que notre qualité démocratique finira par avoir le dessus et que nous rallierons une majorité par la raison et non par un coup de force.

Si nous devions échouer, novembre 2008 marquerait la mort du parti socialiste français. Mais surement pas de nos idées.

Choix des armes au PS

Doit-on aller jusqu’à présenter notre motion découlant de Besoin de Gauche ? En l’absence de choix décisif, que nous présentions ou pas cette motion, oui.

Une telle motion a des spécificités qui ne se retrouvent ni chez Delanoë, ni chez Aubry, et encore moins chez Royal : la démarche de refondation, la non-présidentialisation, le non-recours aux courants.
Elle a bien sûr des points communs avec les deux autres routes social-démocrates : volonté de dépasser le socialisme, attachement à l’héritage rocardien, référence à la pensée de DSK.
Elle rejette clairement l’illusion d’une continuité bureaucratique du PS, totalement incarnée par la direction sortante qui s’est hélas alliée à Delanoë, hypotéquant ainsi pour lui l’espoir d’un changement radical de gouvernance du PS autant que de politique.
Enfin, elle acte clairement de l’échec des deux présidentielles. C’est évident en ce qui concerne la douloureuse expérience du royalisme, mais c’est aussi vrai de la tentation d’une revanche du gouvernement Jospin : ce gouvernement a été objectivement bon, mais il a eu sa chance en 2002, n’a pas pu la saisir pour un certain nombre de raisons et nous n’avons pas à remettre le couvert d’une façon détournée. Même cette expérience social-démocrate positive doit être dépassée car l’époque l’exige.

En ce qui me concerne, le mandat que nous devons donner à Pierre Moscovici est clair : nous présentons notre motion et à “l’entre deux tours” du congrès, nous défendrons la motion social-démocrate majoritaire, la nôtre, celle d’Aubry ou encore de Delanoë.

Cela peut-il entraîner l’explosion du PS ? La charge explosive est depuis longtemps dans le bâtiment, le détonateur est prêt et les candidats pour appuyer sur le bouton sont légion. Seule la certitude collective de l’imminence de la catastrophe est à même de transformer l’explosion probable en refondation fantastiquement créatrice et positive.
Il est plus que temps de sortir de nos habitudes et de nos certitudes. Le monde du XXème siècle est en phase terminale (crise énergétique, crise financière, crise climatique), la Vème République est à l’image du Sénat une aristocratie bedonnante et auto-satisfaite même lorsqu’elle foule au pied les plus élémentaires règles démocratiques. L’immense trouble ressenti au sein du PS n’en est qu’un symptôme qui touche nos consciences.
Quoi qu’il arrive, Reims sera un nouveau départ vers un avenir qui nécessitera des convictions et du courage.

Congrès du PS : débats et des hauts

Septembre 2008. J’étais hier soir à un débat départemental destiné à présenter les différentes contributions générales en vue du congrès de Reims. Petite explication organico-lexicale pour les non-initiés à la démocratie socialo.

Le but du congrès de Reims est en gros de choisir une ligne politique, de dégager une majorité sur cette ligne puis d’en déduire un exécutif, premier secrétaire en tête. La ligne politique sera celle décrite dans la motion majoritaire, cette motion étant elle-même construite à partir de contributions. Pour l’instant, nous en sommes au stade où l’on regarde quelles contributions peuvent se rejoindre dans des textes qui seront les futures motions. Cela peut paraître un peu lourdingue au citoyen qui ne s’intéresse à la politique que de façon épisodique, mais c’est tout à fait représentatif du PS, un parti qui se veut démocratique (d’où les débats et les engueulades), réformistes (d’où les textes à la pelle dont certains valent leur pesant de cacahuètes) et qui a des difficultés à dégager un chef (les socialistes aiment tellement les chefs qu’ils ont inventé les courants pour en avoir plein). Hier soir, une réunion était donc organisée au niveau du département pour présenter 14 de ces motions, donc a priori 14 courants de pensée du PS (comme quoi, nos journalistes apparaissent comme des Jiravos lorsqu’il réduisent le PS à un combat entre quelques têtes médiatisées) ; 14 contributions défendues avec en particulier deux orateurs de poids, Alain Bergougnioux et Pierre Moscovici. Voilà qui avait motivé les foules, il a fallu rajouter des chaises et faire de la place aux caméras. Au-delà du contenu politique inégal des contributions présentées, qu’en dire ? Côté contribution Hollande, il se dégage une forte expression d’injustice, voire de ressentiment, qui à mes yeux n’est d’ailleurs pas tout à fait infondée. De fait, l’ère Hollande s’est soldée sur un échec, électoral et idéologique. Le reproche principal qui lui est fait est de n’avoir pas réussi à faire entrer le parti dans la réalité de ce siècle : reproche justifié, au détail près qu’il avait surtout mandat d’arrondir les angles et pas de révolutionner le PS. Hollande a échoué parce qu’il a très bien fait ce qui était attendu de lui. Côté contribution Delanoë, le message n’invite pas au décoiffage général. Présentation présidentialiste mais ouverte à des primaires qui désigneront le candidat en 2011, rejet d’un exécutif mou, explications défensives sur le reproche de n’avoir pas été assez travailleur et imaginatif ces dernières années, puis intervention ultérieure de Catherine Tasca dans une recherche finalement assez maternelle visant à rassembler les militants sous la bannière du tous socialistes. Je respecte beaucoup Catherine et Alain, mais je vois ici l’expression parfaite du déni de changement : le PS d’après Reims ne sera plus jamais celui d’Epinay, et non, tous les socialistes d’aujourd’hui ne sont pas tous pareils et ne ressemblent pas non plus à ceux d’après Reims. Contribution Aubry. Manifestement, l’expression est un peu gênée aux entournures et le message est plus technique que militant, ce qui n’était pas de nature à faire chavirer un auditoire peu favorable à Martine Aubry ou Laurent Fabius (la fédération était encore royaliste il n’y a pas si longtemps). Nous restons là dans une logique d’alliance de courants, sans dynamique politique apparente. Contribution Fabius justement. L’exposé donne une impression de retrait sur les fondamentaux, l’Etat républicain, laïc, fort, comme une sorte de ligne Maginot à ne pas franchir si on veut éviter les hostilités ouvertes. Je ne perçois pas de volonté de changer ou de s’opposer au changement du PS, juste une sorte de « nous sommes là et nous comptons ». La blessure infligée au parti lors du TCE est toujours palpable dans la salle. Côté orientation politique, je ne suis pas fichu de dire si les fabiusiens de Reims sont toujours à gauche-gauche ou s’ils sont revenus au centre du terrain de jeu. Mystérieuses brumes en Fabiusie… Contribution Royal : sentiment d’étrange décalage entre un discours bien rodé et séduisant, ouvert, et les pratiques plus rugueuses constatées sur internet ou dans les médias, courant peu perméable à la critique et adepte de mesures dirigistes qui sont régulièrement avancées. En tout cas, l’exposé n’a pas versé dans l’affectif ou la complainte, ce qui aurait tendance à confirmer l’impression de La Rochelle : ce courant ne se voyant plus majoritaire semble prêt à composer pour exister de façon minoritaire. Le spectre de l’explosion s’éloigne un peu. Contribution Ayrault : plus légitimiste que moi tu meurs, le parti est le projet, un parti en ordre de marche sert la France. Au moins c’est simple. Reste juste à refonder le parti. Contribution Moscovici. Je savais Pierre bon orateur (et la contribution top…), mais après l’épisode de La Rochelle, je ne m’attendais pas à ce que la salle lui fasse un si bon accueil. La dynamique qui s’exprime avec Montebourg, Collomb, Guérini se retrouve effectivement au sein des militants, et dépasse les clivages habituels. Je pronostique même un rapprochement avec la contribution de Larrouturou. Mosco a de plus en plus la tête d’un 1er secrétaire… Les contributions de la gauche du PS : la gauche radicale est à la fois la plus claire, la plus combative et la plus déphasée, celle qui aura le plus de mal à changer. Les démonstrations sont construites sur un ensemble de faits, de statistiques, de propositions ponctuelles, mais l’on cherche la refondation, utopique ou pas, l’idéal qui pourra remplacer papy Marx, le grand mouvement d’ensemble. Nous avons là la gauche qui conteste et se révolte, mais difficile finalement d’y voir un projet capable d’entraîner une adhésion qui aille au-delà des petits jeunes tout feu tout flamme. Cela ne semble cependant pas non plus être l’improbable gauche-Besancenot, celle des « antis » peu aimables. Leur trouver une place cohérente et constructive dans le futur PS ne sera pas facile. Leur enthousiasme sincère le mérite pourtant. J’ai finalement trouvé dans cette réunion, les ingrédients que j’ai pu décrire ces derniers temps : résistance au changement différente en fonction des courants, le PS des courants et des présidentiables mais aussi celui des militants qui n’ont pas l’intention d’être de simples spectateurs. La conscience de la nature particulière de Reims est également très grande. Le parti socialiste va mourir à Reims, la question est de savoir s’il renaîtra. Finalement, cette réunion me laisse assez optimiste.

Manager le changement au PS

La Rochelle a été orageuse, riche en images relayées avec gourmandise, mais politiquement peu significative. Reprenons les choses en essayant de les décrypter autrement que par l’image.

J’avais proposé dans ce post une grille de lecture en trois blocs politiques : la gauche du PS, les lambeaux de la présidentielle, la social-démocratie.
Une autre grille de lecture, cette fois centrée sur les contributions, faisait apparaître trois futurs possibles pour le PS, présidentialiste, parti de courants, parti de contributions militantes.

Que dire de La Rochelle si l’on reprend ces grilles ?

Les lambeaux de la présidentielle (Royal d’un côté, Hollande de l’autre) et l’aspiration à une présidentialisation du PS (on ajoute Delanoë) se retrouvent en retrait prudent, peut-être tactique ; il apparaît acté que le choix de la présidentialisation du parti n’est pas l’avenir le plus probable du PS alors même que c’est celui qui est porté par les médias avec le fameux duel Royal / Delanoë. Tout peut être résumé dans l’attitude de Royal, pour une fois élégante et finalement subtile, qui après avoir lancé son «aimez-vous les uns les autres ou disparaissez » s’est éclipsée de La Rochelle. La relative discrétion de Delanoë peut également s’expliquer ainsi. Ceci dit, même en retrait, ces deux là ne sont pas hors jeux et leur retour est toujours possible dans le cas où le PS serait menacé d’une explosion totale : la situation serait alors en phase avec la nature césariste de la présidentialisation du parti. Le PS aurait recourt au mythe du sauveur.

Mais La Rochelle, cela a surtout été la mise en image de l’opposition entre les courants (rapprochement Aubry / Fabius sous la houlette de Cambadélis) et d’un PS, plus exotique et fragile mais sans doute plus prometteur, pour le coup incarné par un homme seul à la terrasse d’un café : Moscovici, l’individu incarnant le collectif se heurtant aux courants. Symbole paradoxal intéressant… mais probablement excessif.

Relisons maintenant ceci avec les yeux du manager qui doit gérer un changement fondamental dans une organisation. Nous sommes tous réfractaires au changement, peu ou prou, et quand c’est un changement majeur comme celui que doit affronter le PS, c’est de toute façon une crise majeure. Dans un tel cas, un manager doit s’attendre à passer un certain nombre d’étapes : le déni, le deuil et l’abattement, puis le processus de reconquête. Il était illusoire d’espérer que la mutation du PS en fasse l’économie.

On trouve les symptômes du déni les plus nets à la fois chez les Royalistes (souvenez-vous de l’image « triomphale » de Royal à la fenêtre de Solférino au soir de la défaite) mais aussi au sein des cadres les plus impliqués dans la technostructure (Hollande en est le paradigme même s’il a plus avancé que les autres parce qu’il sait que son départ est inéluctable).
La recherche d’alliances de courants me semble également symptomatique d’un déni : les courants sont le fonctionnement « normal et historique » du PS ; pourtant ils sont presque unanimement rejetés au point même de faire apparaître la sondocratie comme une solution préférable !
Ce qui s’est passé à La Rochelle apparaît donc tout à fait normal et même, du point de vue management du changement, positif :

– En se mettant quelque peu en retrait, Royal, Delanoë et Hollande sont en position de dépasser la phase de déni.
– En affichant clairement leur position, les tenants des courants du PS se voient renvoyer l’image très négative qu’ils inspirent à l’extérieur et je sais qu’ils sont suffisamment intelligents pour comprendre qu’ils doivent évoluer, d’une façon ou d’une autre.
Dans un changement d’ampleur, on ne peut jamais faire l’économie d’une crise majeure. Jamais.
Autre point positif de cette crise, Moscovici qui joue en fait le rôle « du porteur d’eau du changement », peut maintenant plus librement servir de catalyseur du changement, mais doit veiller à ne pas couper à ce stade le fil du dialogue. Il est possible, voire probable, qu’une partie des militants socialistes actuels ne restera pas dans le futur PS, mais la séparation, si elle doit avoir lieu, doit se faire naturellement lors du processus de reconquête, chacun choisissant alors son nouveau destin. Si les étapes ne sont pas respectées, si les choses vont trop vite, si la crise ne peut être exprimée, il y aura une scission irréparable entre ceux qui resteront scotchés sur le déni, ceux qui ne pourront pas se remettre de la perte de l’ancien PS et ceux qui galoperont avec enthousiasme vers de nouveaux horizons.

Si tout va bien, La Rochelle aura été la crise du déni, le deuil aura lieu entre maintenant et Reims et le congrès lancera le processus de reconquête pour un PS cohérent, uni et heureux de l’être.

Pour renaître, le PS devra-t-il exploser à la Rochelle ou à Reims ?

Août 2008.

Car pour le moment, on voit mal comment il en serait autrement. De quelque façon que l’on prenne le problème, il y a au sein du PS trois blocs.

Un bloc pour l’aile gauche qui ne peut réellement s’exprimer aujourd’hui faute d’avoir retrouvé une alternative au modèle radical qui l’a inspiré jusqu’à la fin du siècle dernier. Par défaut d’une vision refondée forte, l’aile gauche du PS en est réduite à peser sans exister, c’est-à-dire à choisir le moins pire pour elle, même si elle n’approuve pas les outils qui seront employés (je parle d’outils car la divergence ne porte pas sur les finalités : que l’on soit strauss-kahnien ou emmanuelliste, le but ultime est bien le même, égalité, émancipation de l’individu, recherche d’un monde plus juste et solidaire). Même si je n’appartiens pas idéologiquement à ce groupe, j’espère qu’ils trouveront eux-aussi la voie de la refondation car je suis fondamentalement attaché au débat contradictoire fondé, au questionnement, et même si la social-démocratie porte aujourd’hui tous les espoirs, elle doit continuer à être questionnée pour elle aussi progresser.

Le deuxième bloc est constitué par les lambeaux de la campagne présidentielle, bloc fait d’abord d’émotion, d’affectif, mais hélas aussi de ressentiment et de besoin de revanche sinon de vengeance (créée de toute pièce par les fantasmes véhiculés lors de la campagne et le déni de la défaite). L’offre politique est un peu particulière pour la gauche, sorte de séguinisme mâtiné de féminisme (sur ce dernier point, les anciens conflits homme / femme du PS alimentent de façon sourde le désir de revanche cité plus haut alors que la problématique homme / femme au sein de la société française est fort différente). La finalité politique m’apparaît toujours obscure, les outils trop violents et coercitifs à mon goût.

Enfin, le dernier bloc est social-démocrate, héritier de Michel Rocard et aujourd’hui inspiré par DSK, toujours intellectuellement très présent malgré son « exil » au FMI, utile à l’économie du monde bien que pour l’heure son éloignement soit préjudiciable au PS. Etrange facétie de l’histoire : celui qui est le plus à même d’éviter le chaos au PS est celui-là même que les militants ont rejeté imprudemment à la primaire… Mais, de la social-démocratie sur le modèle actuel européen à la réinvention d’une nouvelle social-démocratie, il y a là tout un panel qui a du mal à être définitivement refondé tant le débat sur le fond est parasité par les batailles de personnes venant de l’extérieur de ce courant. La plus efficace des méthodes utilisées par le noyau d’activistes du deuxième bloc est d’ailleurs de polluer le débat idéologique en ne parlant que de personnes ; la réflexion tourne alors rapidement court.
C’est au sein du groupe social-démocrate que j’essaie de faire avancer la réflexion parce que c’est ici que je trouve la plus grande ouverture d’esprit, les approches les plus novatrices, la plus forte volonté de réforme cohérente.
Pourquoi est-ce que je pense que l’existence même du parti socialiste est menacée ? Parce que le deuxième bloc ne peut exister que par l’écrasement ou la capitulation des deux autres, le compromis est par nature impossible : pour eux, il faut soit adhérer, soit se taire… soit partir. On le voit actuellement sur le web, tout contradicteur est soit un droitier suppôt de l’UMP, soit un sectaire, après avoir longtemps été taxé avec mépris « d’éléphant machiste ». Le seul espoir pour ce deuxième bloc est que le sous-ensemble des militants qui subissent en silence l’activisme outrancier d’une poignée d’individus, ces derniers leur portant un très grand tord, tant du point de vue de l’image que de celui des idées, que ces militants donc reprennent la parole et portent le débat, non sur les personnes, mais bien sur le choix des outils politiques, la refondation idéologique. S’ils n’y réussissent pas, leur échec entraînera peut-être le PS dans la tombe.

Les blocs de la gauche radicale et de la social-démocratie pourraient-il s’entendre ? Dans le combat, sans aucun doute. D’expérience, je me suis retrouvé plus d’une fois à combattre avec des militants de cette gauche radicale. L’exemple le plus éminent a sans doute été le combat contre l’idée sarkozyste de faire assumer la culpabilité de la Shoah à des enfants du CM2. Sans aucune concertation préalable, je me suis retrouvé dans la bataille côte à côte avec eux, alors que du côté royaliste on en était alors à peser le pour et le contre et de considérer que tout n’était pas mauvais. Mais à terme, soit la gauche radicale évolue profondément pour accepter les orientations sociale-démocrates (ce qui est peu probable), soit nous devrons nous en tenir à des contrats de gouvernement pour constituer des majorités électorales (ce qui sur le principe n’est pas forcément un handicape).
Ces deux blocs peuvent-ils constituer une majorité contre le deuxième ? Cela n’aurait aucun sens idéologique, cela n’irait pas dans l’intérêt de la France et je ne crois pas que c’est ce qu’attendent les français. Fondamentalement, ils se moquent de savoir quel courant du PS est le plus beau, le plus fort ! Ils attendent, je crois, seulement, surtout, un parti politique cohérent, force de propositions et d’alternative, un parti crédible sur le fond idéologique autant que sur les compétences de ceux qui devront mettre en œuvre les réformes indispensables pour vaincre les dangers qui menacent notre pays. Trouvez 100 militants socialistes capables de relever et d’incarner ce défit et les français en feront le premier parti de France, et je ne doute pas que le PS en compte plus que 100 !

J’aimerais sincèrement qu’il en soit autrement, mais à la vitesse où montent les stériles batailles de personnes à l’approche du congrès, je crois que le risque d’éclatement du PS est effectivement énorme, soit par l’éjection de l’ensemble des militants du deuxième bloc (si la scission était limitée au noyau d’activistes on pourrait limiter la casse), soit par le départ des éléments les plus réformateurs de la social-démocratie et de la gauche radicale.
J’espère pour une fois me tromper, mais à défaut d’être sûr de l’avenir, je veux être clair et sincère dans mon combat.

Droit de la vie, Droit de la mort : II

J’ai déjà exprimé mon avis sur la redéfinition du droit de la vie à travers par exemple l’évolution du droit sur la Gestation Pour Autrui. Deux actualités nous invitent à réfléchir sur son pendant, le droit de la mort, à travers l’actualité de la tragique guerre d’Afghanistan (que j’ai traité dans un post précédent) et sur un point d’aspect assez différent découlant de la parution au journal officiel de deux textes de loi permettant de donner une identité à des enfants mort-nés.

Il est en effet désormais possible d’inscrire un enfant mort-né sur le livret de famille, et donc de reconnaître son existence et sa mort, même si cette loi ergote encore sur l’existence « légale » de cet enfant. Pour les familles, c’est sans doute un vrai progrès car cela permet de « matérialiser » le deuil, ce qui est une réelle aide psychologique pour eux. Jusqu’à ce jour, un enfant-mort né était une perte, pas toujours visible, dérivant sur deuil généralement impossible, non dissible. Pas de corps à enterrer, pas de recueillement formel, rien en support d’une parole qui ne pouvait se libérer. Il était donc parfois difficile, voire impossible de passer le cap et l’enfant mort rejoignait alors le tiroir des lourds secrets de famille quand ce n’était pas celui du déni qui ronge et détruit.

Pour le processus de deuil, ce nouveau droit est donc un réel progrès. Il existe cependant une difficulté, qui est celle de se reposer la question du droit à l’avortement.

Je défends sans condition le droit qui est donné par la loi de choisir, même si je dois bien confesser que je ne sais pas ce que je ferais dans un tel cas. Il n’empêche qu’aux yeux de la loi, l’avortement est maintenant un acte qui conduit à la mort, et plus un acte qui stoppe une potentialité de vie. Dit autrement, c’est un acte d’euthanasie. J’avais déjà exprimé ma position sur l’euthanasie en général il y a quelques temps : pour moi, elle doit être reconnue par la loi mais sa mise en œuvre doit prendre en compte trois composantes, l’avis libre et éclairé de l’individu concerné, l’avis de l’entourage proche (mais quel en est la définition ?), l’aval de la société. Ici, par définition, l’individu concerné ne peut donner son avis. A moins de considérer que le fœtus et la mère sont un seul et même individu endosymbiotique. La gestation pourrait être vue comme une symbiose temporaire, l’avortement serait alors un acte de séparation anticipée du symbiote, donnant naissance à un individu non viable. L’acte de séparation doit alors être justifiable du point de vue de l’intérêt de la mère, en accord avec l’entourage proche, dans le respect du cadre fixé par la société. J’ai conscience de la particularité de cette vision de la maternité, mais à défaut d’être sûr de sa justesse, je pense qu’elle permet au moins d’aborder le problème de la définition légale de la vie sous un jour différent, plus rationnel et scientifique, et donc de sortir éventuellement du blocage entre pro et anti-avortement et de son imbroglio juridico-religieux. On voit ici que le droit de la vie et celui de la mort sont directement liés par un choix qui doit être encadré, réfléchi, éclairé.
Je  ne prétends évidemment pas à moi seul résoudre ce difficile problème humain, éthique et juridique, mais je pense qu’il est important de continuer à réfléchir sur le droit de la vie et celui de la mort pour un jour aboutir à une société juste et apaisée. Le progrès proposé par cette loi peut nous y aider.Pour une fois, ce gouvernement a réussi à proposer une loi potentiellement source de progrès.

Droit de la vie, Droit de la mort : I

Deux actualités nous invitent à réfléchir sur des questions de droits essentielles à l’identité de notre société : le droit de la mort, à travers la tragique guerre d’Afghanistan qui a tué ces derniers jours dix de nos militaires et la parution au journal officiel de deux articles permettant de donner une identité à des enfants mort-nés (que je traiterai dans un second article).

Sur la guerre d’Afghanistan d’abord, à travers nos morts, la légitimité de leur action et du fait qu’une action militaire en terre étrangère n’est jamais un acte anodin se résumant à quelques décisions prises par un myope trop pressé.

Grâce à la détermination de Robert Badinter la France fait partie des pays qui peuvent s’enorgueillir d’avoir aboli la peine de mort pour les actes commis par des individus en temps de paix sur son sol.  Même si à quelques occasions, l’actualité traitée de façon émotionnelle fait ressurgir le débat pour telle ou telle catégorie de criminels, une grande majorité des citoyens réussit à faire la part des choses entre une pulsion immédiate de vengeance qui peut saisir tout un chacun suite à un acte au-delà du dramatique, et les principes qui doivent guider les juges pour construire une société cherchant à contrôler ses démons pour se construire un avenir de progrès. Nobles sont les principes de l’abolition de la peine de mort même si je jugement a parfois du mal à passer.

Mais il serait un peu rapide en besogne de s’arrêter à ce point de satisfaction, car si nous reconnaissons effectivement l’abolition de la peine de mort pour nos criminels, nous passons sous silence d’autres cas. Le droit français et international ne statue pas par exemple sur la mort donnée en service commandée par les services secrets (là cela tient du « droit coutumier ») et ne statue que faiblement sur le droit de tuer dans une opération militaire.

Comment faire évoluer le droit sur ces points ? La nature extranationale de ces cas impose de disposer à la fois d’un organe législatif et d’un tribunal mondial. Si les TPI ,TCI, CIJ font l’affaire pour ce qui est du tribunal (encore faudrait-il qu’ils soient reconnus par tous), on a plus de mal à trouver une assemblée législative votant les lois du monde de façon démocratique et représentative. Par ailleurs, le cas des opérations de guerre pose un problème particulier dans le sens où la responsabilité est celle d’un pays (ou d’un groupe sociologiquement cohérent) sur un autre ; si l’on veut être cohérent, il faut juger la culpabilité d’un ensemble et pas des individus pris séparément, en général le chef et ses adjoints directs. Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’en droit international, nous sommes loin de cela et que nous avons généralement droit à la justice du vainqueur vis-à-vis de ceux qui sont considérés comme individuellement responsables de tout, ce qui est plus simple et plus rapide. Nous sommes hélas plus dans une logique de vengeance et d’apparence qu’une logique de justice permettant de faire progresser la société, ce qui conduit à des dérives, pour ne pas dire crimes, du type de Guantanamo.

En guise de conclusion, je vous propose une question. Voteriez-vous aujourd’hui la mort de Louis XVI ? Question exotique, mais qui permet de réfléchir sur la relation entre individu et société dans le cas du droit sur la mort. Louis XVI était probablement un brave type qui n’a pas, dans son esprit, trahi la 1ère République, mais il avait ceci de particulier qu’il incarnait l’ancien régime et que pour exister, la nouvelle société française que voulait mettre en place la révolution devait d’abord tuer symboliquement la royauté, c’est-à-dire éliminer physiquement Louis XVI. Dans un tel cas, un républicain, même fervent défenseur de l’abolition de la peine de mort, pouvait difficilement faire autrement que de condamner le roi. Il est des cas où le progrès collectif passe par un conflit de conscience et de principes, au dépend de l’individu. Mais la résolution de ce conflit ne doit jamais être arbitraire.

Nous sommes loin d’avoir fait tout le chemin nécessaire.

Un dimanche a la campagne, à Frangy chez Montebourg

Chez les socialos, on sait que les vacances sont terminées lorsque que l’on s’agite du côté de Frangy. Il y a deux ans, la fête de la rose avait été teintée de course à la présidentielle et l’an dernier, placée sur le thème du rapprochement avec les refondateurs du parti. Si dans le premier cas, la recette du succès n’avait pas été trouvée dans la sauce barbecue, la fête avec les refondateurs a été elle beaucoup plus fructueuse puisqu’elle a entre autre permis de produire une contribution pour le congrès de Reims, le texte « Besoin de gauche » dont le premier signataire est Pierre Moscovici.

Depuis la présidentielle, Mosco a eu un parcourt qui mérite que l’on s’y attarde quelques minutes, entre un discours sur la merguez et un sur la méthode qui permettra de refaire du PS un parti de gouvernement et d’avenir.
Mosco ce fut longtemps le discret mais efficace ministre européen du gouvernement Jospin. Assez discret pour éviter que Chirac ne fasse une sortie dont il avait jadis le secret, assez efficace pour réussir à résoudre, au moins temporairement, les impossibles quadratures de la construction européenne.
Il fut aussi le moins discret critique de Mitterrand à une époque où la statue du commandeur fascinait encore Solférino, où la poussière du passé commençait à recouvrir lentement les capacités de réflexion, d’innovation, de contestation de l’ordre établi.
Puis à la défaite de Lionel Jospin en 2002, il a semblé se dissoudre dans l’assemblée européenne, comme pour se préserver de la gélatine bureaucratique qui se propageait au PS, impuissant à aider les réformateurs sociaux-démocrates qui tels Dominique Strauss-Kahn se sont heurtés au mur du déni socialiste, mur dressé par tous ceux qui par tactique, paresse, ou aveuglement, ont préféré le mirage d’un gauchisme éculé ou celui d’une fantasmagorie absurde, au courage d’une remise en question, d’un examen de conscience, d’une prise de responsabilité, et au final d’une indispensable refondation.
Les choses auraient pu lentement continuer à se dégrader pour aboutir à ce que Frangy ne soit plus qu’un pique-nique pour vieux militants aux souvenirs incertains si le destin n’avait pas pimenté la politique française. Le point d’inflexion qui a peut-être fait basculer la vie politique de Pierre est à situer dans le bref échange entre Laurent Fabius et Jean-Louis Borloo lorsque ce dernier s’est fait benoitement piégé avec la TVA sociale entre les deux tours de l’élection législative. Il faut se souvenir qu’à l’époque, la France avait voulu voter pour un président de gauche, mais s’était retrouvée piégée dans un combat médiatique Royal / Sarkozy. Ayant donné une large victoire à ce dernier, la législative aurait dû être triomphale si on ne lui avait pas rappelé, avec cette histoire de TVA, que Sarkozy n’était pas de gauche. Grace à une mobilisation militante crânement menée, nombre de sièges de députés qui revenaient mécaniquement à la droite ont été arrachés par la gauche, dont celui du pays de Montbéliard de Pierre Moscovici. Après un long combat de terrain, ce dernier bénéficiait enfin du coup de pouce récompensant ses efforts. La suite a été menée de main de maître et ne doit rien cette fois à la chance. Depuis le départ de DSK au FMI, il tient avec talent le rôle de la voix de la social-démocratie, et en tandem avec J-Ch. Cambadélis, il a su faire sien les travaux du manifeste social-démocrate, su écouter, innover en utilisant internet à bien escient, mais aussi su élargir l’audience de S&D et rassembler comme en témoigne aujourd’hui la dynamique rassemblant Montebourg, Collomb, Guérini, Valls et maintenant Aubry et Lebranchu.
En ce week-end d’été à Frangy, le mouvement de refondation social-démocrate est devenu une évidence pour l’avenir du parti socialiste et Pierre Moscovici a réussi l’étonnant pari d’exister au nom du collectif, de mettre en avant les travaux de réflexion issus à la fois des penseurs du PS et des militants, sans renier ses propres convictions. La marque d’un nouveau social-démocrate.
Je ne sais pas si Reims sera un succès, mais nous avons toutes les raisons de faire une belle fête dimanche.

Un Tsar défiant nos renoncements

Le puzzle du monde est en train de se recomposer. Peut-être que pour nos yeux déconnectés de l’urgence de la survie et blasés par tant de bruits et et fureurs télégéniques, l’aventure russe en Ossétie n’est-elle qu’une distraction estivale pour militaires en mal de revanche, mais je crois pour ma part qu’il s’agit là d’un soubresaut très symptomatique du rééquilibrage géopolitique en cours.

Quand ce rééquilibrage a-t-il commencé ? En 1989 à la chute du mur de Berlin ? Symboliquement sans doute. Mais cette date correspond à la fin de l’erreur communiste, pas à celle du bloc qui lui faisait face depuis tant d’années. Ce fut la fin de l’affrontement du modèle collectiviste dictatorial contre un modèle jusqu’alors libre et globalement démocratique.

Non, la bascule est sans doute à trouver quelque part dans une des guerre d’Asie occidentale, entre Irak et Afghanistan, guerres étranges s’il en est, entre cynisme mercantile, fanatisme religieux partagés et plus ou moins avoués, ou peut-être simplement guerre de remplissage du vide laissé par la fin de la guerre froide. L’Amérique devenue en apparence omnipotente par manque d’un adversaire à sa taille, s’en est inventé un, Al Quaïda, chimère ou ectoplasme que l’on voit en chaque endroit mais dont la substance est aussi insaisissable que son icône barbue. Al Quaïda, le mister Hide de l’Amérique… Depuis elle s’épuise dans un combat qu’elle ne peut pas gagner, ni militairement ni idéologiquement. Depuis l’URSS redevenue Russie s’est adaptée au monde et forte de ressources qui manquent à ce dernier à l’heure de la rupture énergétique, a repris confiance et s’enhardit à reconquérir les confetti perdus de sa gloire passée

Qui sera à même d’arrêter la charge des cosaques russes ? L’Amérique militairement dispersée, économiquement au point d’équilibre entre déroute et rebond, ne fera rien pour sauver quelques vallées à la frontière de l’Europe.

L’Europe sans cap politique renouvelé, sans identité réaffirmée, sans leadership efficace, sans figure emblématique, ne pourra pas faire beaucoup plus que ce qu’elle a fait en se précipitant à Moscou pour signer un texte de cesser le feu qui donne quitus au vainqueur, qui ignore la conscience viscérale du danger ressenti par les pays de l’Europe de l’Est. Étrange parfum de Munich pour un Daladier réincarné et expéditif…
La Russie remplit le vide que nous n’arrivons pas à combler. Finalement, elle ne nous menace pas vraiment, elle révèle les menaces que nous avons nous-mêmes laissé prospérer en ne prenant pas politiquement la mesure de la chute du mur de Berlin, en laissant flotter l’Europe sur sa lancée technocratique, en nous berçant d’illusions sur un parfum de gloire passée, en ne forgeant pas un nouveau destin, un nouveau citoyen européen irrigué d’un passé certes conflictuel, mais politiquement et intellectuellement brillant, et surtout un citoyen demandeur d’avenir commun, d’un projet à la hauteur de l’ensemble de son histoire.

Le Tsar Poutine ne s’arrêtera que si nous sommes capables de l’éblouir à nouveau. Il n’a que faire des faibles.