La république, ses cloches et ses merles

Avez-vous regardé Clochemerle à la télé il y a quelques semaines? Si ce n’est pas le cas, c’était l’histoire politique d’un petit patelin juste après la guerre de 14. Sur fond de lutte droite / gauche, le maire (de gauche) décide d’installer une pissotière sur la place du village, juste en face de l’église et sous les fenêtres de la bigote du coin. Il en fait le symbole hygiéniste du progrès et de fil emberlificoté en aiguille tordue, la vespasienne devient le symbole national du réformisme social contre le conservatisme calotin. L’hypertrophie médiatique s’achèvera dans une émeute entre les villageois clochermerlins et des trouffions désœuvrés en mal d’aventures (galantes principalement), faisant deux victimes : l’idiot du village tué d’une balle en plein cœur et le ministre de l’intérieur sacrifié sur l’autel de la paie sociale.
La morale de l’histoire ? Grande autant que désabusée, elle arrive dans le dernier dialogue où le maire (devenu député grâce à la publicité faite autour d’une oeuvre aussi triviale que populaire) avoue à la fois son cynisme politique et son amour de l’humanité, plus encore pour les faiblesses que la grandeur. Le peuple n’aime pas la grandeur, les grands hommes lui sont un affront, et il choisit chaque fois qu’il le peut, la pissotière au panthéon, le médiocre qu’il peut moquer à la lumière qu’il craint d’admirer ou qui lui renvoie sa part d’ombre et de faiblesse.

La France n’a été conduite par des hommes exceptionnels qu’en période d’exception. Profitons-en, le temps des pissotières pourrait bien s’achever avec notre obstination à ne pas comprendre où est le bien social et le changement…

Arrêt de l’aventure

Rien n’y a fait, le marketing a été plus fort que la réflexion et la conviction, cette fois encore. Les militants socialistes ont choisi le changement dans la continuité : une candidate énarque qui succède à un candidat énarque pour éventuellement être présidente à la place d’un président énarque. Changement dans la continuité de l’organisation du PS aussi puisque presque tous les barons du socialisme et l’appareil s’étaient rangés derrière “la favorite des sondages”. Changement dans la continuité enfin, par la faiblesse d’un programme qui se résume à prendre ses distances avec le “livre rose du PS” et à compiler les doléances en affirmant sans rire qu’il s’agit d’écouter le peuple où chaque citoyen est expert.

Où cela mènera-t-il ? On le verra bien dans les prochains mois. En attendant, les candidats de droite ne cachent pas leur satisfaction de voir la plus à droite des candidates de gauche être désignée, et les potentiels alliés de gauche se montrent quant à eux fort prudents, sinon circonspects. Un résultat cependant est acquis après cette désignation : l’espoir d’autres débats contradictoires sur les idées s’est envolé. Effort inutile lorsque le résultat peut aussi bien être fixé par sondage, sondages qui ont finalement bien mesuré les résultats de la campagne marketing, tout en l’amplifiant puisque ce marketing se nourrissait lui-même des sondages. Une sorte de machine infernale auto-alimentée en quelque sorte. Les directeurs de campagne sont désormais prévenus : l’acte de mesurer par le sondage influe directement, et principalement, sur les résultats ultérieurs. C’est presque de la politique quantique !

En attendant, la république va toujours aussi mal, la bascule démographique s’accélère, les cours de l’énergie subissent de fortes variations, et le climat exprime sa colère par des tempêtes et des innondations. Je me demande si nous avons déjà eu dans notre histoire des époques aussi peu spirituelles et autant attachées au conservatisme ?

Bilan avant l'élan

A quelques jours du vote des militants au 1er tour des primaires du PS, on peut déjà tirer certaines conclusions.

Malgré quelques lamentables essais de torpillage de ces primaires, en dépit des sondages plus ou moins orientés et des manipulations marketings, ces débats ont eu lieu, ils ont été d’une bonne tenue et ils ont effectivement fait apparaître les différences entre les candidats, tant sur le style, la méthode et la vision de ce que doit être la France.
Bilan des débats non télévisés : égalité au nombre de gagnants, ce qui est normal vu que chaque débat non télévisé l’a été dans des conditions qui ont alternativement avantagé chacun des candidats. MSR a cependant été plus souvent “perdante”.
Bilan des débats télés : deux débats en faveur de DSK, un légèrement pour LF.

Le vrai résultat est finalement illustré par les débats télés et deux alternatives politiques se sont faites jour : soit on garde les idées socialistes “classiques”, soit on innove et on s’adapte à la nouvelle ère en inventant avec volonté et enthousiasme un avenir social démocrate. La troisième candidature apparaissant définitivement comme celle de l’émotion et du refus, avec des points étrangement communs au TCE : la raison sait que ce n’est pas la meilleure solution, si ce n’est la pire (d’où les étonnants appels à la rescousse d’un DSK premier ministre), mais l’émotion et le déni du changement ouvrent une fois encore la voie de la tentation destructrice.
Les commentateurs politiques nous annoncent que, finalement, ces débats n’ont pas beaucoup fait “bouger les lignes”. Ont-ils raison ou pas ? Doit-on attendre le résultat du vote pour le savoir ? En fait, il existe pas mal d’éléments qui semblent indiquer que ces “lignes” ont profondément évolué.

D’abord des éléments indirects comme le fait qu’aujourd’hui, la perspective d’un second tour est envisagée par tous, alors qu’il y a encore un mois, ce n’était qu’une hypothèse technique. Il y a ensuite les fameux sondages. J’ai largement combattu les conclusions de ces sondages et les manipulations qui y étaient généralement attachées : trop d’incertitudes méthodologiques, des extrapolations très hasardeuses à partir des résultats. Les sondages mesurent objectivement la notoriété (le buzz) et de façon indicative une tendance : ces deux aspects sont des éléments acceptables de réflexion. En aucun cas, ces sondages ne sont en mesure de prédire à eux seuls le résultat des primaires.
Et aujourd’hui, où en est-on ?
Laurent Fabius a une notoriété inférieure à ce que représentait son courant au dernier congrès mais il est en légère progression.
Dominique Strauss-Kahn a vu sa notoriété se rapprocher sensiblement de celle de MSR, sur un rythme rapide et continu, au point de la rejoindre pour certains sondages et de la dépasser largement sur internet.
Enfin, Marie-Ségolène Royal, elle, est en chute importante sur ces dernières semaines.
Faible dynamique positive pour LF, bonne dynamique positive pour DSK, forte dynamique négative pour MSR.

Si ces tendances sont exactes, les primaires devraient donner un second tour, et il n’est pas sûr que MSR arrive devant DSK au premier tour. Par ailleurs, si les sondages avaient été entachés d’un trop fort niveau d’erreur (impossible de sonder les militants et pas de référence pour faire des ajustements), il est même possible que Laurent Fabius soit au-delà de ce qui est mesuré et passe lui aussi devant MSR. Ce dernier point est cependant très spéculatif.
Dernier élément de tendance : je mesure depuis des mois la notoriété des candidats sur internet et dans les articles de presse. Or, sur google, on constate un effondrement de la notoriété de Royal ces dernières semaines. Et chose étonnante, cet effondrement est parallèle à l’effondrement de la notoriété de… Nicolas Sarkozy.

Popularite de DSK

Déni soit qui mal y pense…

L’élection 2007 sera sur bien des points profondément différente des trois précédentes, au minimum.

Différente parce qu’à l’exception de Jean Le Pen (c’est son vrai nom) et à moins d’une improbable résurrection de J. Chirac, nous en aurons fini avec la classe politique qui s’agrippait au pupitre depuis 40 ans. On peut parier sans grand risque que le futur président sera cinquantenaire, ce qui est aujourd’hui synonyme de jeunot…

Différente surtout parce que pour la première fois depuis plus de trente ans, nous n’avons pas le choix de l’immobilisme.
J’ai déjà exposé à plusieurs reprises les bouleversements structurels qui, quoi qu’il arrive et quel que soit le président de 2007, feront entrer la France dans le XXIème siècle avec force, sinon fracas. Fracas du choc énergétique induit par la fin, non pas des réserves de pétrole, mais d’un marché un minimum gérable (plus qu’une hausse continue, il faut s’attendre à des pics spéculatifs suivis d’effondrements puis de remontées tout aussi imprévisibles et spectaculaires, de plus en plus fortes, de plus en plus rapides). Et à la différence des précédents chocs, celui-ci aura un caractère définitif. Tout programme politique ignorant ou faisant mine d’ignorer ce problème pourra sans aucun doute être identifié comme inique ou mensonger.

La première rupture énergétique (1973) avait eu pour conséquence de nous plonger dans plusieurs décennies de chômage massif. Aujourd’hui, la nature de notre dépendance énergétique a profondément changé et la technologie est à même de pallier beaucoup des inconvénients d’un pétrole cher ; la France s’est dotée d’une énorme capacité d’énergie non pétrolière, les TIC permettent si nécessaire de s’affranchir des besoins de transport et les énergies palliatives ne demandent qu’à trouver une ouverture pour prendre le relais.
Mais si une rupture énergétique bien gérée ne devrait normalement pas induire de violentes conséquences sociales, la démographie, elle, s’en charge. La génération des papy boomers avait revendiqué avec force sa volonté de prendre à leur compte la France de leur parent pour la “libéraliser”.

L’heure de la retraite annonçant celle de l’inventaire, ils sont hélas face à un triste bilan. La France de leur jeunesse revendicative était celle des trente glorieuses, faite d’une prospérité et d’un bonheur conformiste certes, mais prospérité tout de même. La France qu’ils laissent est celle d’une prospérité menacée à la fois par les dettes sur laquelle elle a été bâtie, mais aussi par la destruction du contrat intergénérationnel. Leurs petits enfants acceptent de moins en moins ce que leurs enfants ont accepté, et on ne peut que les comprendre.
Ce changement est lui aussi inévitable : un des plus puissants verrous social va sauter, quoi qu’il arrive, mais il me semble probable qu’une source de déni du changement soit là.

Ce basculement inévitable entraîne fatalement la prise de conscience d’un bilan peu flatteur et il est psychologiquement facile alors de dire que l’on désire ce changement et de le refuser en choisissant un conservateur ou une conservatrice : le changement oui, mais pas “comme cela”, pas “pour nous”. Les institutions sont à l’agonie, mais elles sont garantes de notre système social. La France est endettée mais les retraites non financées ont été gagées sur une dette supplémentaire à venir. L’ère du pétrole s’achève mais rares sont ceux qui acceptent dès aujourd’hui de rouler avec des performances et un confort moindre.
Face à ces contradictions, nombreux sont les candidats du dénis : quoi de mieux qu’un énarque pour être sur de prolonger l’agonie de la Vème république ? Quoi de mieux que de dénoncer des éléments extérieurs tels la mondialisation pour faire l’impasse sur des problèmes qui ne concernent que nous (les retraites et la dette) ? Quoi de plus efficace pour affronter une nouvelle que le recours aux vieilles recettes ou à l’opposé à des galimatias débridés picorés çà et là dans la littérature et enrobsé par une bouffée d’émotions d’autant plus vive qu’on sait parfaitement que cela ne tient pas la route.

Et la raison, que dit-elle ? Si nous continuons à accumuler des dettes, nous prendrons le même chemin que l’Argentine il y a quelques années.
Si nous n’anticipons pas la fin du pétrole, beaucoup d’entre nous irons à pied.
Si nous ne restaurons pas des institutions saines, nous basculerons dans l’anarchie puis la dictature. Et si nous n’anticipons pas rapidement la rupture climatique, c’en sera fini d’une nation plus que millénaire. Oui, une élection bien différente en vérité. Heureusement, je suis d’une nature optimiste.

Tripode

Les primaires du PS se révèlent finalement surprenantes. Parties sur un très mauvais parfum de manipulations médiatiques (matraquage journalistique, sondages aux questions orientées de façon à donner le sens du vent, fausses pudeurs et vrai opportunisme), on arrive après 9 mois d’une course qui se voyait solitaire et un petit mois d’agitation collective frénétique, à accoucher de trois candidatures campées sur des axes marqués et bien différents. La cacophonie avait été promise, des cris et des déchirements annoncés ; au final nous voyons se profiler un débat policé avec des candidatures claires.

Quelle est la situation aujourd’hui ?

La première candidate à s’être lancée s’est depuis longtemps placée sur le registre de l’émotion, voire de l’affect populiste. Partie après les fureur des émeutes des banlieues et ayant profité de la stupeur politique qui s’en est suivie, elle s’est construite une image de proximité rassurante (rêvez et désirez un avenir sur fond de ciel bleu chers électeurs), ce qui est une belle ironie vu que la dame cultive la distance en pure énarque qui a bien du mal à se débarrasser de ses attitudes d’institutrice bourgeoise et autoritaire. Cette attitude est tout à fait en phase avec un modèle d’ordre très militaire profondément ancré dans son référentiel mental. Il est par ailleurs faux de dire que la dame n’a pas d’idées ; ses idées conservatrices (focalisées sur l’ordre, le travail, la famille, l’autorité) sont simplement en déphasage avec les idéaux du PS (la réforme, le dialogue social, les actions pour améliorer l’homme et la société, la rendre plus juste et plus égale). Ce positionnement affectif politico-médiatique est en ligne avec le nombre incroyable de votes sanctions qui ont eu lieu depuis 2002 et avec les peurs conservatrices des français.
Représentatif certes, mais il n’apparaît pas bon de l’entretenir et force est de constater qu’aucun de ces votes sanctions n’a abouti à une quelconque amélioration (ce qui est assez logique : voter “contre” ne veut pas dire voter pour un candidat de changement, et ces candidats sont persuadés que les français ne veulent rien changer, donc on ne bouge pas. CQFD). Pire, le plus sévère des votes sanctions, le non au TCE, a abouti à l’arrivée de l’archétype
de l’énarque stérilisateur au poste de premier ministre en la personne de Dominique Gallouzeau de Villepin, accessoirement camarade de promotion de la dame à l’ENA. Cette candidature est dans la stricte continuité de l’énarcratie que nous subissons depuis des années.

Le deuxième candidat est lui représentatif de la gauche conservatrice. Deuxième ironie, ce courant fut un temps suspecté de dérives économiques droitières et son repositionnement à la gauche du PS en laisse plus d’un perplexe. Mais là aussi, cet axe politique est assez représentatif d’une volonté de repli vers les bases idéologiques anciennes pour bon nombre de militants déboussolés par les expériences passées et surtout par un avenir dont on ne sait rien, sauf qu’il promet d’être totalement différent du monde d’aujourd’hui (fin du pétrole, bascule démographique, rupture climatique). Dans ce contexte et dans une France politique qui a perdu ses repères, la gauche de la gauche hésite entre des références pures et dures au marxisme (difficile vu que l’image du barbu allemand a été largement dégradée par celle du petit père des peuples), un conservatisme réactionnaire tourné vers des racines “terriennes” (soyons alter-mondialiste et mangeons bio), ou un communisme à la française en panne de perspectives et de renouvellement (le tee-shirt Che Guevara est toujours plus accrocheur que le “marcel” Marchais relooké en facteur).

Enfin, dernier candidat en lice, Dominique Strauss-Kahn est lui représentatif d’une gauche réformiste sociale démocrate. Troisième ironie de l’affaire, de Delors à Jospin en passant par Rocard, la sociale démocratie largement représentée en Europe et même présentée en modèle (dans les pays scandinaves en particulier), a toujours été en France un objet de curiosité plutôt que la mise en œuvre d’un projet de gouvernement ; il a fallu à Jospin l’incroyable épisode de la dissolution (fruit d’un explosif brain-storming Chirac-D2V) pour arriver par “hasard” à Matignon. Or là aussi, cet axe politique est totalement en phase avec les besoins profonds (sinon impérieux) de réformes et DSK a l’avantage d’offrir la seule candidature fondamentalement réformiste pour ces primaires PS.

Le choix au PS est donc devenu très simple et il est en phase avec trois types d’aspirations : conservatisme populiste, conservatisme historique, réforme sociale démocrate. Et dire qu’on nous a expliqué pendant 10 mois que tout était plié, qu’il n’y avait qu’un seul choix, que le débat, les idées et les projets ne servaient à rien ; dernière ironie de l’ouverture de ces primaires…

Au fait, le tripode est la structure politique la plus instable qui soit…

DSK, un choix citoyen pour 2007

A 38 ans j’ai décidé pour la première fois d’adhérer à un parti politique.
Difficile de dire s’il s’agissait d’une plus grande conscience citoyenne après la naissance de mes filles ou d’une plus grande facilité à sauter le pas grâce au web, toujours est-il que j’ai décidé de passer du statut de râleur au café du commerce à celui de citoyen engagé.

Engagé certes, mais certainement pas entraîné dans un culte de la personnalité ou une illusion collective sans lendemain. La citoyenneté exige la raison, elle implique la critique, aussi bien de ceux qui concourent à une élection, que de soi-même vis à vis de ses choix lors des élections précédentes. Nous avons les élus que nous méritons puisque nous les élisons !

Les choix passés, ce sont ces élections sanctions qui ont à répétition dit non à une classe politique composée d’aristocrates républicains, l’énarcratie, mais qui n’ont abouti qu’à remplacer un de ces aristocrates par d’autres grâce aux manipulations marketing et à la peur du changement, puissant levier aussi vieux que la politique…

Mon choix pour l’élection à venir n’a finalement pas été très difficile. Combien ont clairement désigné le système de pensée de l’ENA comme la cause des maux de notre république déliquescente ? Combien ont gardé une aura de leur passage à un ministère ? Combien ont un bagage intellectuel suffisant pour parler avec les plus grands esprits de ce monde ? Combien ont un engagement militant ayant prouvé leur attachement à une société plus juste ? Combien ont prouvé leur volonté de réforme au lieu de renoncer encore et toujours ? Combien sont capables de diriger le bateau France qui devra fatalement affronter des tempêtes et des cyclones qui s’appellent bascule démographique aves ses impacts sociaux, rupture énergétique avec ses impacts économiques mondiaux, rupture climatique avec ses impacts sur notre survie même ?

J’ai trouvé un nom, un programme, une vision. Ils peuvent être résumés en trois lettres : DSK. Alors voilà, pour que mes filles ne vivent pas, dans quelques années, dans un monde en guerre inter-générationnelle, pour qu’elles aient encore la possibilité de voyager et d’aller voir leurs grand-mères en Bretagne ou Franche-Comté, pour qu’elles n’assistent pas à la fin d’une nation anéantie par un bouleversement climatique non anticipé, j’ai décidé de faire confiance à Dominique Strauss-Kahn.

Vide de sens

J’ai lu à de maintes reprises sur des blogs politiques des commentaires du genre : “les programmes politiques ne servent à rien”, “il faut être naïf pour croire aux idées en politique”, “la vision politique cela n’existe pas”. Il est étrange de constater que ces commentaires définitifs font écho à ceux d’il y a quelques mois qui disaient eux, “la gauche et la droite c’est pareil”, “non à la pensée unique”, “ils gouvernent au jour le jour”. J’ai beaucoup de mal à comprendre comment on peut à la fois être aussi inconstant et incohérent.

Est-ce la faute à une offre insuffisante ? Je ne le crois pas car des hommes politiques tels que F. Bayrou ou D. Strauss-Kahn (pour ne citer qu’un exemple droite / gauche) montrent qu’ils ont des convictions appuyées par une analyse transfomée en vision politique. Tout citoyen pourrait donc juger en fonction de ses convictions et aspirations lequel est le plus porteur de ses espoirs, lequel répond le mieux aux critiques qu’il formulait il y a quelques mois. Mais cela ne se passe pas ainsi. De tels candidats bénéficient généralement d’un certain respect (chose rare en politique), mais le citoyen du café du commerce semble basculer dans un état second stimulé par l’agitation médiatique. On commente la sortie du bain de mer de celui-ci, la couleur du maillot de bain de celle-la, du coup de pagaie de tel autre, du passage chez le disquaire de ce dernier, et l’on s’entredéchire allègrement à coup d’arguments vaporeux sur son président idéal, icône merveilleuse chargée de terrasser les faux dieux représentés par les “autres”. Le plus petit incident, aussi banal soit-il, devient alors la source d’un débat enflammé ou peu de citoyens reculent devant un argument qui en d’autres circonstances serait l’objet d’un éclat de rire salvateur. La bataille devient à la fois crutiale et menée sur du vent.

Qu’est-ce qu’un enfant ? Part II : l’enfant, la société et l’Etat

Familles recomposées, monoparentales, homoparentales, allongement de la vie et retard des premières naissances, hausse du niveau de vie, tout bouleverse les repères familiaux et intergénérationnels. Il me semblait qu’il y avait tant à dire sur le sujet. Et, puis, alors que
je réfléchissais à mon post, est arrivée l’épisode de l’expulsion des enfants scolarisés dont les parents sont irrégulièrement en France.
Et moi qui partait de l’idée de l’importance fondamentale de l’enfant pour la société et l’état (espoir, soutien futur et futur citoyen…), je me retrouvais devant une situation où, au nom de l’état, on sacrifiait l’avenir de ces enfants, où on jetait en pertes et profits tous les espoirs qu’ils représentaient.
Cette affaire montre clairement que la primauté n’a pas été mise sur la protection de l’enfance, mais sur le respect de la loi vis à vis de leur parents. Comme démocrate, je veux bien écouter tous les points de vue, mais je dois avouer que celui-ci me choque, et en regardant mes filles, je me demande dans quels cas leur avenir pourrait être sacrifié au nom d’un objectif supérieur.

Bien sûr, cet ordre de priorité n’est pas partagé par tous, mais comment peut-on en arriver là ? Pour la société, l’enfant n’est-il qu’une charge qui se décline en maternités, sécurité sociale, écoles ? Une contrainte économique en somme.
Pourtant, du point de vue de la société, je pense plutôt y voir le ciment d’un couple, la raison de se battre contre les vents contraires, l’espoir d’améliorer la nation en formant un meilleur citoyen.
Dans le cas des enfants expulsés, l’état aurait pu y voir, pour les parents immigrants, une raison se s’intégrer, de se fondre dans la “normalité française”, un moyen et un levier puissant d’intégration, et même, une façon de faire de l’immigration choisie (concept que je goûte peu par ailleurs) : former sur place ceux dont on va inévitablement avoir besoin pour règler le problème de la courbe démographique des actifs.

A vrai dire, je m’interroge sur les priorités de notre société, si jamais elle en a encore. Je ne suis pas un moraliste, mais quand même, au delà de l’agitation médiatique, je n’aime guère une société qui ne cherche pas à protéger des enfants.

Journée de Solidarité avec les Enfants Expulsés

Début juillet, Dominique Strauss-Kahn et le réseau RESF lançaient l’appel suivant :

Cher(e)s ami(e)s,

Nous ne pouvons accepter que des enfants, aujourd’hui scolarisés chez nous, soient dans quelques jours, au petit matin, emportés, transportés, déplacés.

Je sais que beaucoup d’entre vous êtes en vacances, mais cette cause est essentielle. Je compte sur vous pour ces quelques heures de solidarité au cour de l’été.

Depuis plus de 10 jours que cet appel a été lancé, j’ai pu lire dans divers blogs un tas d’âneries et de mesquineries, qui hélas ne diffèrent guère du fond de commerce habituel : immigration massive cachée, hordes de familles polygames avec 15 mômes, racisme ordinaire mais aussi récupération médiatique et autres basses attaques venant hélas aussi de la gauche.

Moi qui ait l’esprit simple, sinon simplet, je n’y vois qu’une chose : des enfants a qui toute société se doit de faire ce qu’il faut pour leur donner un avenir. Alors peu importe que ces vilains petits canards soient majoritairement bronzés ou bridés, peut importe que leurs parents aient passé la frontière sans papier ou sous une bâche, peut importe d’ailleurs qui sont leurs parents.
Cet appel est un appel entre ces gosses et nous, nation orgueilleuse et cultivée qui prétend éclairer le monde. Si nous ne sommes pas capables de recueillir et de donner une éducation à des enfants, quels qu’ils soient, alors nous ne vallons rien parce que c’est la honte que nous verrons dans les yeux de nos propres enfants.

Il y a un peu plus d’un an j’étais un citoyen râleur comme les autres, mais un citoyen qui attendait sa deuxième fille. Et j’ai alors décidé d’essayer de faire un peu plus que de râler comme les autres, parce que je ne voulais pas laisser à mes filles ce pays dans l’état où il est actuellement. Il y a sans doute mille façons de soutenir cette action, en y participant physiquement, en en parlant sur internet ou autour de vous ou de la façon qu’il vous plaira, aujourd’hui, demain certes, mais tous les jours d’après également.

Que chacun fasse ce qu’il peut, comme il le sent, mais faites quelque chose. C’est une histoire entre vous et ces enfants, à vous de voir.

Qu’est-ce qu’un enfant ? Part I : biologie vs société

Comme je l’évoquais dans mon post précédent, regarder en face évoluer notre société permet de réfléchir sur des choses qui nous paraissent évidentes depuis longtemps, mais qui sont en fait loin de l’être, ou qui ne le sont plus.
J’ai déjà donné mon sentiment sur l’enfant comme élément de définition du mariage du point de vue de la société et du risque qu’il y a à conclure trop rapidement sur ce point, mais au delà du mariage, qu’est-ce qu’un enfant pour la société et quels sont ses liens avec ceux qui l’entourent ?

Au temps où les choses étaient simples, il y avait un père et une mère ayant donné naissance à cet enfant, lui assurant sa subsistance, son éducation et lui transmettant équitablement biens matériels et culturels.
On remarquera assez rapidement que cette époque où les choses étaient simples, n’a en fait pas duré très longtemps dans notre histoire (pour peu qu’elle ait vraiment existé) ; soit que les biens n’aient que rarement été transmis équitablement entre les sexes (le patrimoine pour ne pas sortir de la famille allait souvent aux garçons de façon privilégiée) ou au sein de la fratrie (l’aîné était l’héritier pour ne pas diluer le patrimoine), soit que les responsabilités aient été inéquitablement assumées entre les deux géniteurs (le père ou la mère en fonction de l’âge de l’enfant).
Et lorsque l’on s’éloigne un peu de notre époque ou de nos campagnes, les sociétés humaines nous ont gratifiées d’autres originalités comme la prédominance de la descendance des sœurs, la prééminence de l’adoption sur la descendance naturelle, l’acceptation de l’infanticide, …

Au regard du passé et d’un présent changeant, il apparaît souhaitable de faire un peu de tri :
– biologie : la transmission de gènes définit-elle l’enfant pour notre société et ceci peut-il ou doit-il être étendu ?
– sociologie : c’est le point le plus débattu actuellement avec la discussion sur les familles monoparentales, homoparentales, recomposées et maintenant la discussion sur l’arrivée de droits des grand-parents. On touche ici plus particulièrement aux éléments de subsistance, d’éducation et d’héritage mais sur un mode très affectif.
– mystique : même si notre société est devenue très terre à terre et “scientifique”, nous n’avons pas totalement évacué les aspects mystiques et des considérations d’âme ou a minima de “souffle de vie”. Doit-on s’y risquer ou faire l’impasse ?

La société doit-elle reconnaître les liens biologiques ?

La question est loin d’être triviale et une réponse simple qui chercherait à l’évacuer trop rapidement me semble vouée à l’échec, tant du point de vue de l’appréciation individuelle que de la capacité à survivre en cas de désastre.
Dans l’immense majorité des cas, donner la vie est un choix et, même si ne nous en sommes pas pleinement conscient, ce choix et motivé par notre destin biologique qui est de transmettre nos gènes, comme tout être de la biosphère.
Tout homme peut avoir deux certitudes dans sa vie, et l’une d’elle est qu’il est a priori fait pour transmettre la vie. Evidemment, une fois les gènes transmis, on peut se dire que l’enfant a sur ce point une destinée autonome. Ce n’est sans doute pas le cas, car la force qui a conduit
à diffuser ses gènes, conduira également à préserver ceux qui lui sont les plus proches, et en priorité ceux de sa descendance (d’où le certain bon sens ce certaines sociétés africaines qui privilégient la descendance de la soeur plutôt que celle de l’homme qui est alors certain de préserver statistiquement 25% de ses propres gènes, alors que pour les enfants de sa femme, il n’a pas de certitude). La génétique a donc des consèquences sur la socialisation.

Ce lien biologique doit-il alors est transcrit dans la loi ? Je pense que oui, mais ma réponse est ouverte à contestation car elle aurait plusieurs conséquences peu en phase avec notre société :
– cela signifierait qu’un enfant biologique a “plus de poids” qu’un enfant adopté (et donc la prééminence de la biologie sur le choix)
– cela signifierait que l’anonymat de l’accouchement sous X ne peut être préservé, ni qu’un père ne peut être rendu ignorant de sa descendance ou de sa non-descendance (l’adultère redeviendrait légalement répréhensible s’il est entaché de mensonge !)
– cela pourrait signifier qu’une mère porteuse ne peut être exclue de tous droits et devoirs envers l’enfant (même si l’échange génétique est a priori exclus, quel est l’importance biologique des échanges avec l’enfant ?)
– cela pose également le problème de la filiation du clonage ou pourquoi pas, celui d’une contribution génétique multiple (36 personnes donnant un chromosome). Ces derniers cas sont des cas de science fiction, mais la réflexion qui y est liée me semble très instructive et révélatrice (de plus, interdire n’est pas empêcher alors cela viendra un jour).

Quel intérêt la sociétés peut-elle avoir à reconnaître et/ou favoriser le lien biologique ?
Principalement celui de permettre à chacun de connaître sa descendance et son ascendance et donc à contribuer à donner une identité aux citoyens en regard de l’histoire de la société.
Un citoyen qui sait qui il est a de meilleures chances de se définir vis à vis de la société. Sans histoire familiale, un citoyen est un immigré intemporel au milieu des siens.
On ne peut pas ignorer l’importance que prennent la généalogie ou la quête d’identité des enfants abandonnés et passer ce lien en pertes et profit. Savoir qui on est et d’où l’on vient construit l’individu ; l’échange entre géniteurs et enfants doit être légalement préservé de façon particulière.

Enfin, en cas de catastrophe sociale, c’est la pression génétique qui recompose les cellules humaines et même si personne ne souhaite se retrouver dans une situation où la société n’existe plus, il me paraît important de conserver ce point lié à l’instinct de survie (je ne peux m’empêcher de penser au film “le choix de Sophie” en écrivant ces lignes).