Il n’y a pas que le(s) sexe(s) dans la vie !

intersexuation
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Voilà qui risque encore de plonger Christine Boutin dans une vague de protestations outrées : en Allemagne il sera bientôt possible de n’être légalement ni homme, ni femme, mais du type  » intersexué « .

Diantre, l’austère Angela aurait-elle succombé à une quelconque machination de joyeux lobbys complotant contre l’avenir de l’humanité ? À moins qu’il ne s’agisse d’un effet à retardement d’une substance dopante dont les sportifs de l’Est avaient jadis le secret (à l’ouest on était clean).

Que nenni, pas plus qu’il ne s’agit d’une « légalisation » de la théorie du genre (théorie étant un grand mot d’ailleurs). En fait, cette loi cherche moins à tenir compte de facteurs psychologiques qui entraînent parfois des écarts entre son corps et son ressenti que de cas biologiques, génétiques & physiologiques bien étudiables.

Comme je le rappelais dernièrement lors d’une réunion, je ne sais personnellement pas définir de façon précise & définitive ce qu’est un homme ou une femme et j’attends que quelqu’un puisse le faire de façon claire et objective (j’ai eu droit à quelques regards amusés). Si dans l’immense majorité des cas, tous les éléments « discriminants » homme/femme sont clairs, dans un certain nombre d’autres cela ne l’est pas, et choisir dans un sens ou un autre relève de l’arbitraire. C’est par exemple le cas d’environ 5000 nouveaux nés en Europe (200 en France) chaque année qui sont génétiquement féminins (XX) mais hormonalement masculins (d’autres variantes existent).

Les facteurs génétiques, physiologiques, physiques, psychiques ne sont pas toujours clairs et concordants. Fixer un sexe à la naissance et/ou le rendre immuable est une simplification administrative certes, mais plus encore une violence contre les personnes et une négation de la réalité. Il est donc sage pour la loi, d’admettre l’ambiguïté et l’évolutivité dans un cadre réfléchi et contrôlé.

Il faut aussi se méfier des lois trop définitives et coercitives, même (surtout) lorsqu’elles partent d’un bon principe comme l’égalité (ici des sexes). Je pense en particulier à la parité où à force de vouloir bien faire on prend le risque d’en faire trop et trop mal. La population d’élus et le corps électoral doivent être représentatifs de la population et lorsque les choses n’arrivent pas à avancer d’elles-même, il faut savoir être incitatif voire directif. Cependant, lorsque l’on introduit des éléments discriminatoires (au sens de « action de séparer, de distinguer deux ou plusieurs êtres ou choses à partir de certains critères ou caractères distinctifs »), on s’expose aussi à l’arbitraire et à l’injustice. Prudence et réflexion sont plus que nécessaires…

Nul doute qu’après l’Allemagne, la question de l’intersexuation va se poser en France car elle s’impose dans les faits. Mais quand à réfléchir sur ces questions, prenons soin d’élargir la réflexion et de clarifier les principes. Si l’on devait voter des lois obligeant à la stricte parité électorale, on s’expose à refuser le droit d’être élu à des personnes intersexuées ou transsexuelles. Je n’approuverais pas une telle situation. Il faut trouver une solution.

 

 

 

Réunion publique du député Jean-Luc Bleunven sur le mariage pour tous

assemblee-nationaleNotre député de la troisième circonscription du Finistère (Brest rural) organise vendredi 11 janvier à Milizac une rencontre débat sur le mariage pour tous.

C’est un thème sur lequel je suis largement intervenu sur ce blog et ailleurs, mais à quelques jours de l’examen de cette loi, il est toujours très utile de l’expliquer et d’en débattre.

La politique est (trop) souvent considérée avec distance et parfois mépris de la part de nos concitoyens qui ne se sentent pas concernés soit par des sujets trop techniques qui les dépassent, soit par la vacuité consternante de certaines batailles (les turpitudes Copé/Fillon en sont une triste illustration).

Le débat sur le mariage pour tous est pourtant d’un tout autre ordre car il comporte à la fois une dimension sociétale majeure et des implications personnelles profondes. La famille et ici son ciment institutionnel le mariage, sont des éléments qui structurent notre vie, qui nous définissent, qui nous situent dans la société. Nous sommes ce que nous avons réussi de bien, nous sommes ce que notre métier est, mais nous sommes au début de toutes choses un membre d’une famille. Or, dans la loi actuelle, une partie de la population est exclue de ce droit fondamental d’être unie et reconnue par un acte institutionnel et symbolique, celui de se marier.

Je l’ai écrit à de multiples reprises, chacun a sa définition du mariage. Mais la définition personnelle de chacun n’a pas vocation à être universelle et imposée aux autres, et c’est une des raisons pour laquelle la République se doit de donner au mariage une définition la plus large possible, pour tenir compte des aspirations de chacune et chacun, tout en fixant des limites qui cimenteront la cohésion de tous. Le mariage, pour la République, n’est pas tout et n’importe quoi, mais il ne peut pas avoir pour autant une définition restrictive et réactionnaire. Il doit encourager et protéger toute union de deux personnes ayant un projet de vie commune sur le long terme, et il doit inclure une dimension de projet d’enfant, l’enfant est le lien qui rend demain possible. Ces deux dimensions sont à mon sens fondatrices de la cohésion de notre société, c’est pourquoi la loi de la République doit s’en préoccuper, c’est pourquoi cette loi pour tous doit faire progresser un droit qui structure l’intime de chacun.

Le combat politique pour le mariage pour tous est fondamentalement un combat noble autant que nécessaire. Il est à l’honneur de la gauche et au-delà de tous ceux qui veulent faire progresser notre société vers plus de justice, d’égalité et de sérénité.

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Rendez-vous vendredi 11/01, salle du conseil municipal de Milizac, 20h30

Liberté de gourance

Je craints fort que la plume qui a écrit le discours de François Hollande pour le congrès des Maires de France ne se soit emmêlé les touches du clavier entre la déclaration Dignitatis Humanae de Vatican II et les textes fondateurs de la République.

Tout d’abord, le laïc, du point de vue de la République, n’est pas le non-religieux, mais simplement celui ou celle qui exerce sa citoyenneté en faisant abstraction de ses convictions philosophiques et religieuses, les siennes et surtout celles des autres.

Que Vatican II ait reconnu la liberté de conscience des laïcs est fort aimable de la part de la papauté, mais la laïcité n’est pas le symétrique de la religiosité.

La République n’a pas à accepter ou réfuter la religion et ses obligations.

Elle n’a pas à imposer ou réfuter une liberté de conviction.

Elle ne s’intéresse qu’à l’écriture de lois démocratiquement établies et à leur application, en permettant à chacun d’avoir et d’exercer ses convictions religieuses comme il l’entend du moment qu’il respecte la loi.

De deux choses l’une :

  • soit les députés écrivent et votent la loi sur le mariage pour tous en lui donnant la définition qui est celle de la République et pas d’un groupe religieux, philosophique, ethnique, culturel ou de n’importe quelle autre nature. Dans ce cas la loi s’impose à tous et pour tous sur le territoire de la République
  • soit ils jugent une telle loi comme allant contre la volonté démocratique dont ils sont les représentants, et ils ne la votent pas.

La liberté de conscience pour un Maire dans le cas qui nous occupe se limitera donc soit à officier en personne, soit à déléguer la charge de la cérémonie à un autre élu de son conseil municipal, soit à démissionner. Je pense qu’au-delà de l’expression maladroite qui fait buzzer tout internet, c’est bien là la pensée de François Hollande.

L’idée générale de liberté de conscience dans l’application de la loi semble d’ailleurs tellement étrange que je ne vois pas bien comment elle passerait le conseil constitutionnel. Dans le cas contraire, n’importe qui pourrait objecter sa liberté de conscience pour toutes les lois qui le heurtent : voilà qui ravira les groupes anarchistes…

Le mariage est fondamental pour la République, il est nécessaire à sa survie, la question n’est pas que d’ordre privé.

La définition républicaine pourrait être (de mon point de vue) : une union entre deux personnes majeures ou émancipées, s’engageant formellement sur la durée et ayant un projet d’enfant.

En contrepartie, l’État aidera les mariés à travers des lois ad hoc et des avantages fiscaux. On notera que cette définition est suffisamment large pour y inclure naturellement les couples homosexuels et traite sans soucis les versions transsexuelles

La question du mariage

Ce 15 août est animé d’un débat en forme de prière catholique sur la question du mariage. L’église de France s’est en effet emparée de la question, voulant réfuter par avance la mise en œuvre de l’évolution législative prévue par le nouveau gouvernement en application du programme approuvé par les Français.

Mais pourquoi cette question provoque-t-elle tant de passion, et in fine, qu’est-ce que le mariage puisque le fond du problème est bien là ?

Si vous vous amusez à poser la question autour de vous, y compris au sein de votre propre couple, vous vous apercevrez vite qu’il n’y a pas une définition universelle du mariage, mais bien des définitions personnelles.

L’église catholique définit le mariage par rapport au sacrement, l’union d’un homme et d’une femme devant dieu.  De ce point de vue, il n’y a aucun sens à vouloir une évolution. Mais cette définition est loin d’être la seule, loin d’être majoritaire.

Le fondement du mariage contemporain est plutôt celui, très romantique, du prolongement du sentiment amoureux, supposé éternel au moment où il est scellé.

La définition bourgeoise du mariage est elle basée sur l’union des patrimoines et la préservation des biens matériels. On notera au passage que le PACS est en fait la version la plus moderne du mariage bourgeois lorsqu’on y réfléchit bien.

La définition du mariage de la noblesse vise elle à préserver le nom et l’histoire familiale.

Bien d’autres définitions sont possibles, comme la volonté de transmettre ses gènes, où encore ce que j’appelle le mariage « a contrario » (l’union libre) qui est un mariage se définissant comme un anti-mariage puisque qu’on ne scelle l’union dans aucun contrat mais sous la forme d’une libre acceptation sans autres contraintes que la volonté de rester ensemble.

Enfin, et sans avoir vraiment fait le tour complet des définitions possibles, on retiendra que la question de l’enfant est très souvent un point majeur qui scelle ou découle du mariage.

Certes, mais pourquoi diable l’État se mêle-t-il d’une question qui finalement pourrait n’être qu’un élément très personnel ne concernant que les mariés ? Parce que justement, l’État a un intérêt à donner sa propre définition du mariage, dans sa propre logique. À travers le mariage, la République voit un moyen de stabiliser le comportement des individus, à les rendre plus responsables, à les impliquer plus fortement dans la vie collective et surtout, à être l’élément qui va faire émerger les futurs citoyens éduqués, responsables et impliqués.

Le mariage est donc fondamental pour la République, il est nécessaire à sa survie, la question n’est pas que d’ordre privé. La définition républicaine pourrait donc être que c’est une union entre deux personnes, s’engageant formellement sur la durée et ayant un projet d’enfant. En contrepartie, l’État aidera les mariés à travers des lois ad hoc et des avantages fiscaux. On notera que cette définition est suffisamment large pour y inclure naturellement les couples homosexuels et traite sans soucis les versions transsexuelles (l’église catholique est bien empruntée avec les couples XX/XY transsexuels qui pourtant répondent à leur définition !).

Dernière question, celle du nombre. Pourquoi ne pas admettre des mariages polygames ou polyandres ? Si on ne prend que le strict point de vue rationnel, parce que ce type d’union n’aurait de sens qu’en cas de déséquilibre démographique persistant très marqué entre hommes et femmes. C’est le seul cas, où pour des raisons de stabilité sociale, on peut admettre un mariage étendu au-delà d’un couple, ce qui se produit très rarement.

Il est donc plus que temps que nos lois sur le mariage s’accordent enfin avec la raison et les aspirations des couples quelle que soit leur nature, cette réforme allant de pair avec celles des lois sur l’adoption et la procréation. La définition du mariage du point de vue de la République peut être différent des définitions personnelles que nous avons tous, elle ne s’y oppose cependant pas. Quelle que soit la loi de la République, cela ne changera en rien la raison pour laquelle chacun de nous s’est unit (ou pas) avec quelqu’un(e), par contre cela supprimera une source de souffrance pour certains couples et harmonisera la société.

Voilà une réforme au combien humaine et nécessaire.

Clara et la naissance du nouveau millénaire

Naitre est souvent une joie, tout le temps une aventure, parfois une révolution.

Comme je l’ai maintes fois défendu ici, le projet d’enfant, en plus de l’aventure humaine, est un des points fondamentaux qui justifie que la République légifère sur la famille, la protège, l’aide. Et grâce à CLARA, la République vient de faire une avancée majeure en matière juridique.

CLARA n’est pas une petite fille, mais une association qui a pour origine le désir de Sylvie et de Dominique d’avoir un enfant et de l’impossibilité de Sylvie de porter cet enfant. Dans leur cas, la solution était d’avoir recours à une mère porteuse (la GPA ou Gestation Pour Autrui), ce qui est illégal en France mais parfaitement légal et encadré dans d’autres pays. Après plusieurs tentatives, une mère de famille californienne accoucha des jumelles de Sylvie et Dominique le 25 octobre 2000. Les enfants furent reconnus par l’état de Californie.

Et c’est à ce moment que la loi française se retrouve en déphasage avec la réalité : la République ayant interdit la GPA se retrouva face à une réalité, un couple et ses jumelles, et une impossibilité légale : reconnaitre l’existence des enfants. Il s’en suivit une longue procédure judiciaire, des tracasseries de toutes ordres, dont certaines se sont terminées au poste de police.
Après 6 années de combat, par jurisprudence, la loi française reconnait de facto l’existence légale des deux jumelles et la GPA. Ceci constitue probablement la plus grande avancée juridique en matière de droit des familles depuis la reconnaissance de l’avortement et la loi Veil en 1975, à ceci prêt que la loi Veil soulageait ce qui reste une tragédie personnelle, alors que la décision reconnaissant la GPA légitime ce qui est une joie et un évènement structurant du couple.

Il existe bien des définitions personnelles du mariage (le patronyme, le patrimoine, le sacrement religieux, les gènes, l’amour, l’enfant, a contrario – l’union libre contre l’idée du mariage -, le plaisir, l’intellect, …).

Par contre, l’Etat se doit d’avoir une définition cohérente et un but précis en matière de mariage, ou d’union des êtres. L’Etat a intérêt à s’intéresser à cet aspect très privé, parce qu’il structure la société, il permet de fixer les citoyens sur un projet stable et de long terme, il oblige les individus à développer leur dimension sociale, il en fait des êtres plus responsables et altruistes, et surtout, il donne la clé de l’avenir de la société à travers un projet d’enfant, futur citoyen.

La République se doit d’aider tous ceux et celles qui entrent dans ce cadre, et la reconnaissance de la GPA est un pas essentiel qui remet nos lois en phase avec les possibilités technologiques de notre époque, le tout en accord avec le souhait réfléchi des individus. Si cette définition du mariage était adoptée, il permettrait également de dépassionner le débat sur l’évolution du mariage (dont le pacs n’est qu’un avatar) et l’homoparentalité.

Qu’est-ce qu’un enfant ? Part I : biologie vs société

Comme je l’évoquais dans mon post précédent, regarder en face évoluer notre société permet de réfléchir sur des choses qui nous paraissent évidentes depuis longtemps, mais qui sont en fait loin de l’être, ou qui ne le sont plus.
J’ai déjà donné mon sentiment sur l’enfant comme élément de définition du mariage du point de vue de la société et du risque qu’il y a à conclure trop rapidement sur ce point, mais au delà du mariage, qu’est-ce qu’un enfant pour la société et quels sont ses liens avec ceux qui l’entourent ?

Au temps où les choses étaient simples, il y avait un père et une mère ayant donné naissance à cet enfant, lui assurant sa subsistance, son éducation et lui transmettant équitablement biens matériels et culturels.
On remarquera assez rapidement que cette époque où les choses étaient simples, n’a en fait pas duré très longtemps dans notre histoire (pour peu qu’elle ait vraiment existé) ; soit que les biens n’aient que rarement été transmis équitablement entre les sexes (le patrimoine pour ne pas sortir de la famille allait souvent aux garçons de façon privilégiée) ou au sein de la fratrie (l’aîné était l’héritier pour ne pas diluer le patrimoine), soit que les responsabilités aient été inéquitablement assumées entre les deux géniteurs (le père ou la mère en fonction de l’âge de l’enfant).
Et lorsque l’on s’éloigne un peu de notre époque ou de nos campagnes, les sociétés humaines nous ont gratifiées d’autres originalités comme la prédominance de la descendance des sœurs, la prééminence de l’adoption sur la descendance naturelle, l’acceptation de l’infanticide, …

Au regard du passé et d’un présent changeant, il apparaît souhaitable de faire un peu de tri :
– biologie : la transmission de gènes définit-elle l’enfant pour notre société et ceci peut-il ou doit-il être étendu ?
– sociologie : c’est le point le plus débattu actuellement avec la discussion sur les familles monoparentales, homoparentales, recomposées et maintenant la discussion sur l’arrivée de droits des grand-parents. On touche ici plus particulièrement aux éléments de subsistance, d’éducation et d’héritage mais sur un mode très affectif.
– mystique : même si notre société est devenue très terre à terre et “scientifique”, nous n’avons pas totalement évacué les aspects mystiques et des considérations d’âme ou a minima de “souffle de vie”. Doit-on s’y risquer ou faire l’impasse ?

La société doit-elle reconnaître les liens biologiques ?

La question est loin d’être triviale et une réponse simple qui chercherait à l’évacuer trop rapidement me semble vouée à l’échec, tant du point de vue de l’appréciation individuelle que de la capacité à survivre en cas de désastre.
Dans l’immense majorité des cas, donner la vie est un choix et, même si ne nous en sommes pas pleinement conscient, ce choix et motivé par notre destin biologique qui est de transmettre nos gènes, comme tout être de la biosphère.
Tout homme peut avoir deux certitudes dans sa vie, et l’une d’elle est qu’il est a priori fait pour transmettre la vie. Evidemment, une fois les gènes transmis, on peut se dire que l’enfant a sur ce point une destinée autonome. Ce n’est sans doute pas le cas, car la force qui a conduit
à diffuser ses gènes, conduira également à préserver ceux qui lui sont les plus proches, et en priorité ceux de sa descendance (d’où le certain bon sens ce certaines sociétés africaines qui privilégient la descendance de la soeur plutôt que celle de l’homme qui est alors certain de préserver statistiquement 25% de ses propres gènes, alors que pour les enfants de sa femme, il n’a pas de certitude). La génétique a donc des consèquences sur la socialisation.

Ce lien biologique doit-il alors est transcrit dans la loi ? Je pense que oui, mais ma réponse est ouverte à contestation car elle aurait plusieurs conséquences peu en phase avec notre société :
– cela signifierait qu’un enfant biologique a “plus de poids” qu’un enfant adopté (et donc la prééminence de la biologie sur le choix)
– cela signifierait que l’anonymat de l’accouchement sous X ne peut être préservé, ni qu’un père ne peut être rendu ignorant de sa descendance ou de sa non-descendance (l’adultère redeviendrait légalement répréhensible s’il est entaché de mensonge !)
– cela pourrait signifier qu’une mère porteuse ne peut être exclue de tous droits et devoirs envers l’enfant (même si l’échange génétique est a priori exclus, quel est l’importance biologique des échanges avec l’enfant ?)
– cela pose également le problème de la filiation du clonage ou pourquoi pas, celui d’une contribution génétique multiple (36 personnes donnant un chromosome). Ces derniers cas sont des cas de science fiction, mais la réflexion qui y est liée me semble très instructive et révélatrice (de plus, interdire n’est pas empêcher alors cela viendra un jour).

Quel intérêt la sociétés peut-elle avoir à reconnaître et/ou favoriser le lien biologique ?
Principalement celui de permettre à chacun de connaître sa descendance et son ascendance et donc à contribuer à donner une identité aux citoyens en regard de l’histoire de la société.
Un citoyen qui sait qui il est a de meilleures chances de se définir vis à vis de la société. Sans histoire familiale, un citoyen est un immigré intemporel au milieu des siens.
On ne peut pas ignorer l’importance que prennent la généalogie ou la quête d’identité des enfants abandonnés et passer ce lien en pertes et profit. Savoir qui on est et d’où l’on vient construit l’individu ; l’échange entre géniteurs et enfants doit être légalement préservé de façon particulière.

Enfin, en cas de catastrophe sociale, c’est la pression génétique qui recompose les cellules humaines et même si personne ne souhaite se retrouver dans une situation où la société n’existe plus, il me paraît important de conserver ce point lié à l’instinct de survie (je ne peux m’empêcher de penser au film “le choix de Sophie” en écrivant ces lignes).

Le mariage pris aux mots

Signe des temps, après la fête de la musique et celle du cinéma, notre société s’est créée un rendez-vous annuel de plus : une journée identitaire homosexuelle, ou plus précisément pour une certaine variété sexuelle.

Peut-être cette journée serait-elle restée anecdotique si elle n’impliquait pas une évolution des lois, ou plus exactement, une évolution des repères de la société. Et du coup, tout homme ou femme politique s’est senti le devoir d’affirmer sa position, soit ancrée de longue date, soit mue par le besoin d’afficher un visage ouvert à un électorat non négligeable, quitte à faire quelques cabrioles avec la cohérence de ses idées.

Mais au-delà du yaourt politique, quel est le fond de cette évolution ?

D’abord, je crois que l’orientation sexuelle a gagné son droit à l’indifférence, ou est en voie de la gagner. Non pas que les discriminations ou vexations aient disparues, mais simplement qu’elles tendent à être du même (bas) niveau que celui du rejet “ordinaire”, racial, religieux ou ethnique. Stupidité primaire de ceux qui ne supportent pas leurs voisins et trouvent le
premier argument débile pour exprimer leurs frustrations. Passons.

Ce qui est recherché aujourd’hui, c’est une nouvelle reconnaissance sociale du foyer, quel qu’il soit. Et c’est là que les choses deviennent plus compliquées, et intéressantes.

Le PACS avait pour objectif de redéfinir administrativement ce que l’état reconnaissait comme foyer ; la demande est aujourd’hui la reconnaissance sociale de ce même foyer : son fondement, sa symbolique et ses implications.

  • Le fondement, tel qu’il apparaît revendiqué par la communauté homosexuelle et au-delà, est l’amour entre deux être, sans considération du sexe. Il faut être deux, s’aimer de façon stable et vivre ensemble pour être accepté comme uni. Il faut remarquer au passage que loin d’être progressiste, c’est une conception conservatrice, très romantique XIXème siècle et que le débat évite soigneusement la question de la polygamie ou la polyandrie qui ne sont pourtant pas que des sujets de vaudeville et dont la reconnaissance bouleverserait la société bien au-delà du fait homosexuel…
  • La symbolique est celle de la cérémonie de mariage. Une candidate à la présidentielle s’est étonnée que ce symbole “bourgeois” soit revendiqué comme un signe de progrès social : pourquoi ne pas s’en tenir au PACS ?
    Simple preuve de son incompréhension de la société dans laquelle nous vivons. Le
    PACS, avec son côté exclusivement contractuel et administratif, se rapproche encore plus de l’union bourgeoise (faite pour préserver le capital familial) que le mariage avec son romantisme, sa symbolique amoureuse, sa symbolique républicaine avec la déclaration solennelle du maire en salle des mariages, et ses codes du bonheur (la robe, le bouquet, la fête, etc…).
    Même si tous ces symboles ne peuvent être systématiquement repris pour les unions LGBT, ils sont présents dans les esprits. Aspirer à cela n’a donc rien d’étonnant !

Si l’on s’en tenait là, les choses pourraient être réglées assez facilement. Mais voilà, en commençant mon post, j’ai parlé de foyer, en passant à la symbolique, j’ai écrit mariage. Et si le mariage paraît quelque chose de simple à définir, on s’aperçoit assez vite en confrontant les points de vue, qu’il recouvre des éléments totalement différents selon les personnes : union, patrimoine, sexualité, patronyme, symbole, religion, citoyenneté, loi, enfant, … Et l’élément le plus déterminant est probablement l’enfant car c’est celui qui a le plus d’implications sociales.

L’argument utilisé pour décorréler mariage et enfant est qu’une bonne proportion d’enfants naissent hors mariage ; à partir de là, il en découlerait que l’enfant n’est plus un élément discriminant et que l’on peut utiliser ce mot mariage comme terme générique fondateur du nouveau foyer. Or, même si je n’ai aucune difficulté à donner un droit et une reconnaissance symbolique sociale aux unions LGBT, je refuse que l’on m’ôte ce symbole à moi et à tous ceux pour qui l’enfant est un des piliers de leur union (ce qui au passage n’exclus pas les mariages lesbiens, la dissymétrie est complexe en la matière).

Pour se sortir de cette situation, je crois que retenir les termes d’union civile ou républicaine pour la reconnaissance sociale des unions, quelles qu’elles soient, est un bon compromis, et que le statut des couples “féconds” soit reconnu à travers le mariage comme un élément supplémentaire, souhaité et favorisé par la république car indispensable à la nation. Là serait sans doute l’évolution profonde et sereine.

Finalement, ce problème de société en cache bien deux, biologiquement corrélés : l’union et l’enfant. La société peut évoluer sans problème sur le premier, mais doit protéger le statut du second, aussi bien sur la loi qu’au niveau de la symbolique sociale.