Il y a quelques semaines, j’écrivais un article qui défendait l’idée du protectionnisme dans un cadre bien précis qui est celui des besoins vitaux des citoyens satisfaits par des services publics (ou des délégations privées du service public), le tout dans un cadre européen pour ce qui nous concerne.
Ce type de protectionnisme ne s’opposant pas fondamentalement à une logique de marché puisqu’une négociation peut parfaitement être mise en place pour prendre en compte les acteurs privés de possibilité de vendre leurs bien sur un secteur protégé. Dit autrement, si l’on décide que les besoins alimentaires de base doivent être satisfaits par un service public “verrouillant” ce marché, il faudra négocier avec les exportateurs qui intervenaient sur ce marché une compensation de type service public local (a priori, consommer du riz en France correspond au même besoin vital partout dans le monde et si ce marché doit être protégé en France, il en est sans doute de même partout dans le monde. Notre pays retrouverait alors une partie de ce qui fait sa grandeur : une vision humaniste et internationaliste de son modèle de société).
L’idée du “bon modèle protectionniste” étant (rapidement) exposé, y en a-t-il un mauvais ? (mal)Heureusement, en terme de contre-exemple, nous n’avons pas à chercher longtemps, il suffit de se tourner vers notre gouvernement et de son cacophoneur en chef. Suite à son plan d’aide à l’industrie automobile, la majorité des dirigeants européens ont levé leur bouclier pour parer une orientation qui leur apparait à tous comme étant protectionniste. Nicolas Sarkozy se défend cependant après coup d’avoir décidé de mettre en place du protectionnisme.
Est-ce effectivement une mesure protectionniste, et si oui en cas est-ce du mauvais protectionnisme ?
L’aide Sarkozy est en fait un prêt, l’argument est donc de dire qu’il est remboursable et qu’il se substitue seulement aux banques dont le moindre défaut et d’être peu prêteuses en ce moment. Un prêt, c’est donc bien remboursable et ne constitue pas une aide déloyale en cash, sauf que les intérêts viendront en diminution des futurs bénéfices que que si cet argent vient servir aux investissements, l’amortissement de ces investissements viendra encore diminuer la note. L’État banquier fait une opération rentable mais le trésor public perdra plus que les revenus des intérêts de l’État banquier. On retrouve ici un mécanisme de défiscalisation, il faut juste être français pour bien en saisir l’intérêt. Il s’agit effectivement d’un mécanisme de protectionnisme, mais du même type que celui du dumping fiscal de certains pays européens (ici plutôt dé-fiscal). Il serait vraiment plus qu’utile de mettre en place un serpent fiscal européen pour éviter les mécanismes fiscaux qui effectivement faussent la concurrence.
Mais au-delà, une aide protectionniste à l’industrie automobile, même si elle était concurrentiellement loyale, serait-elle adaptée et acceptable ?
Aider Peugeot, Renault, Volvo (ou Ford, Toyota, …) ne servira absolument à rien si leurs sous-traitants venaient à faire faillite : aujourd’hui, les grandes marques automobiles ont un métier de motoriste, de R&D et d’assembleur, mais il y a très longtemps qu’une grande partie des éléments automobiles ne sont plus construits par eux. Or aujourd’hui, ce sont les sous-traitants qui sont les plus fragiles car ils font partie des variables d’ajustement des constructeurs.
Une aide en trésorerie pour les acteurs de l’automobile est-elle aujourd’hui suffisante ? Sans doute pas : si cette mesure avait été prise il y a un an, ces entreprises auraient eu le temps de s’adapter ; aujourd’hui, nous sommes en train de passer d’un problème de trésorerie à un problème de dimensionnement de l’appareil de production. Le marché est là, mais il a singulièrement rétréci (inadéquation de l’offre et de la demande) et il va sans doute devoir technologiquement muter (nous sommes en plein dans la rupture énergétique). Dit autrement, ces entreprises ont un savoir-faire, un marché, des perspectives d’avenir, mais elles sont en grande difficulté à cause des mutations nécessaires. Nous sommes en plein dans un des cas où les nationalisations temporaires ont un sens.
L’argument “vital” est-il ici recevable ? Cette industrie représente de l’ordre de 10% des emplois (de mémoire), mais ne correspond à aucun service public. De mon point de vue, l’activation de cette clause n’est pas recevable : clairement, toute aide directe doit se faire dans le cadre d’un programme européen concerté et défendable à l’OMC (aide en contre-partie d’une limitation d’exportations par exemple). Par ailleurs, il était vraiment inacceptable, voire puéril, d’annoncer un plan d’aide en désignant un de ses partenaires européens comme cause de ses maux : certes Nicolas Sarkozy se rêve encore à la présidence européenne en lieu et place des tchèques, mais ce n’est pas en affichant un mépris agressif envers nos amis européens que l’on arrivera à quelque chose de positif. Qu’ils reçoivent ici les humbles excuses personnelles d’un anonyme citoyen français pour cette grossièreté.
En résumé, le plan Sarkozy pour l’automobile est effectivement de nature protectionniste à travers des mécanismes fiscaux. Il ne correspond pas à la préservation de besoins vitaux pour les citoyens mais a une grande importance vis à vis d’un secteur qui emploie beaucoup de salariés. Il est probablement inadapté (prêt) en regard des vrais enjeux (restructuration industrielle, rupture technologique à faire). Il est agressif et inéquitable vis à vis de nos partenaires européens et risque d’entrainer en retour d’autres mesures protectionnistes car il n’a pas été négocié et accompagné de contre-partie.
Rappelons-nous, qu’au delà du point de vue idéologique, le protectionnisme a une face sombre qui est le repli nationaliste et agressif sur soi. En diminuant unilatéralement les échanges, ils diminue d’autant la création de valeur et donc amplifie la crise.
Le protectionnisme doit être réservé aux services vitaux pour les citoyens d’un pays.