LE PANEL ÉLECTORAL FRANÇAIS POUR 2010 SUITE ET FIN

LE PANEL ÉLECTORAL FRANÇAIS pour 2010 SUITE ET FIN

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panel électoral français pour 2010,
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Primaires 2011 : Portraits croisés

Sans surprise, François Hollande s’est lancé dans la campagne d’investiture du Parti Socialiste.

Cette déclaration de candidature me semble d’une nature un peu différente de celles d’Arnaud Montebourg, Emannuel Valls ou Ségolène Royal dans le sens où même si elle intervient bien trop tôt par rapport à un calendrier « raisonnable », Hollande se déclare plusieurs mois après le trio et surtout, il dispose d’un certain nombre d’atouts qui pourraient effectivement faire de lui un compétiteur de Dominique Strauss-Kahn. Voici qui me donne donc l’occasion de faire des portraits croisés.

Les hommes.

François Hollande c’est le quinqua de service, fils de bonne famille de province, avec un parcours de bon élève qui l’amènera à sortir 7ème de la célèbre promotion Voltaire de l’ENA (où l’on trouve en autres Renaud Donnedieu de Vabres, Jean-Pierre Jouyet, Ségolène Royal, Michel Sapin, Dominique de Villepin). Son engagement Mitterrandien précoce lui permet d’entamer une carrière professionnelle politique on ne peut plus classique en France : c’est un pur produit de l’énarquie ; en dehors de la politique il a exercé quelques temps dans le cabinet d’avocats de son ami Jean-Pierre Mignard et a été professeur d’économie pendant 3 ans à l’IEP. François Hollande n’est à ce jour pas marié même s’il a eu quatre enfants.

Dominique Strauss-Kahn, de cinq an son aîné, a des origines plus mélangées. Fils d’un conseiller juridique militant socialiste et d’une journaliste russo-tunisienne, son enfance a été celle des Français d’Afrique du Nord (Maroc) jusqu’au tremblement de terre d’Agadir de 1960 qui obligea la famille à revenir en France après un passage à Monaco. Son doctorat d’économie fait de lui un personnage atypique au sein de la classe politique française, ce qui pourrait d’ailleurs bien expliquer l’origine de certaines frictions. Marié en 3ème noce à Anne Sinclair, il a quatre enfants.

On ne manquera pas de remarquer que le parcours des deux hommes est très différents. Plutôt marqué France classique et bourgeoise pour FH et plus France active et nomade pour DSK. A contrario, si les deux hommes semblent assez attachés à la famille pour avoir eu quatre enfants, c’est Dominique Strauss-Kahn qui montre un attachement à l’institution du mariage alors que François Hollande n’a manifestement jamais réussi à s’y résoudre.

La carrière

La carrière professionnelle de François Hollande c’est surtout et d’abord le PS. Actuellement conseiller général et député, il n’a jamais exercé de charges ministérielles, ce qui ressemble à un drôle de pied de nez de l’histoire. Sous Mitterrand, il n’accède qu’à des postes de directeur de cabinet, son parcours électoral et sa jeunesse l’empêchant sans doute de prétendre à mieux à l’époque. Occasion manquée. Premier secrétaire du PS à la fin des années 90, il n’a pas participé au gouvernement Jospin. Occasion manquée. Enfin, lorsqu’en 2006 il se sent prêt à se lancer dans la présidentielle, Ségolène Royal lui grille la politesse, leurs relations complexes l’empêchant de concourir contre elle. Occasion manquée. Hollande n’appartient pas vraiment à un courant du PS, il fait plutôt partie de ce que j’appelle les « légitimistes » du PS, plutôt « trans-courant », ceux pour qui l’histoire, la culture et la structure du parti représentent un ensemble suffisant pour définir une politique basée sur le consensus, fut-il « mou ». Il a été 1er secrétaire du PS de 1997 à 2008.

Le parcours politique de Dominique Strauss-Kahn est à l’image du bonhomme : vif, plutôt inédit, fait de catastrophes et de rebonds brillants. Professeur d’économie (HEC, ENA, Standford, …), avocat d’affaires, ministre, et bien sûr actuel directeur du FMI, ce parcours a de quoi désorienter plus d’un conservateur. Fondateur du courant socialisme & démocratie, animateur de plusieurs groupes de réflexion politique, il incarne la vision d’une gauche qui rompt définitivement avec le marxisme tout en introduisant avec force les impératifs sociaux dans une économie de marché régulée. Alors que ses détracteurs français font de lui un social-traitre il est cocasse de se souvenir que ses détracteurs américains qui voulaient l’empêcher de prendre la présidence du FMI faisaient de lui « a socialist » (ce qui dans la pensée néo-libérale américaine se traduit par « sale gauchiste »). En 1999, victime d’une plainte très politique, il démissionne pour protéger le gouvernement Jospin. La justice l’innocentera quelques années plus tard, relevant même le vide du dossier de l’accusation.

Il existe donc une assez nette différence entre la carrière des deux hommes, plus « classique fleuve tranquille » chez Hollande, plus « torrent tumultueux et flamboyant » chez Strauss-Kahn.

Le bilan

Étant toujours passé à côté des postes ministériels, il est bien difficile de tirer un bilan d’actions menées par François Hollande au niveau national pour la France. On ne peut donc que se limiter à ses actions politiques pour le PS où il a tout de même exercé la plus haute charge, en « cohabitant » d’abord avec Lionel Jospin jusqu’en 2002, et totalement libre de ses choix de 2002 au congrès de Reims. On ne peut que constater l’absence de rénovation ou de refondation des idées socialistes après la mort de François Mitterrand (Hollande n’a pas su mener le PS au-delà du droit d’inventaire de Jospin). On ne peut que constater deux défaites cinglantes et à contre-courant aux présidentielles de 2002 et 2007. Et surtout, on ne peut que constater une défaite très personnelle dont il n’a pas souhaité tirer les conséquences, celle du référendum européen. Une bataille dans laquelle il s’est engagé et mis en avant sans pouvoir assoir son autorité de Premier secrétaire, et surtout bataille qui a laissé des traces très profondes de division au sein du PS, sensibles encore aujourd’hui et dont une partie fut la cause de l’échec du congrès de Reims, congrès raté de sa succession.  François Hollande a à son actif un certain nombre d’élections locales (en particulier les régionales 2004) largement gagnées par la gauche.

Le bilan de Dominique Strauss-Kahn est d’abord économique. Sa vision hétérodoxe par rapport à la vision classique du PS a permis d’obtenir de 1997 à 1999 des résultats plus que bons : déficits en baisse, pouvoir d’achat en hausse, chômage en baisse et nouveaux temps libre avec les 35h. L’entière gloire ne revient pas qu’à lui, mais ses qualités de manager d’équipe, ses connaissances, son intelligence et son dynamisme ont largement contribué aux succès de l’équipe Jospin. Son départ du gouvernement a d’ailleurs marqué une forte rupture pour les années qui ont suivi. En qualité de directeur du FMI, il a tout simplement réussi à réformer voire sauver une institution totalement discréditée à son arrivée. Réformes managériales internes, réorientation des choix stratégiques, ré-appropriation de l’institution par tous les pays, y compris et surtout les plus défavorisés, incontestablement, il restera un des grands directeurs de cette institution, ce qui lui donne aujourd’hui une reconnaissance internationale sans équivalent en France, y compris comparée à celle de Nicolas Sarkozy qui a tant abîmé l’image de notre pays.

Incontestablement, en ce début de campagne, François Hollande va devoir expliquer et défendre un bilan qui n’est guère flatteur. Quant à Dominique Strauss-Kahn dans quelques temps, sa tâche sera plutôt d’expliquer la cohérence de ses succès remis dans la perspective de sa politique future.

Conclusion

Il manque à ces portraits la définition des idées défendues pour 2012, la vision d’avenir, le programme. C’est normal, cela viendra lorsque la bataille sera vraiment engagée. Pour l’heure, il était important de mieux connaître les hommes et leur parcours.

LE PANEL ÉLECTORAL FRANÇAIS POUR 2010 VIENT DE SORTIR

Une récente étude sociologique réalisée auprès d’un échantillon de 2000 personnes, représentatif de l’ensemble du corps électoral et portant sur les interdépendances entre l’origine sociale, le niveau de formation et la situation professionnelle des électeurs français d’une part et leur appartenance politique d’autre part (Politest), réalisée par l’IHEI (Institut des hautes études internationales), avec le soutien du Ministaire de l’Intérieur et le concours de l’IFFOP, révèle que les personnes qui se sentent proches de Dominique Strauss-Kahn ont – en moyenne – un quotient intellectuel jusqu’à trois fois supérieur à celui des autres électeurs.

Sans surprise, les derniers de ce classement national, dévoilés par cette étude, sont les électeurs du Front National, précédés de peu par ceux de l’UMP. Le Politest a été imaginé par un groupe d’anciens étudiants de Sciences Po qui ont élaboré une grille d’analyse des positionnements politiques qui permet de distinguer la droite et la gauche, mais aussi la plupart des autres partis, en analysant ce qui fait que l’on se sente plus proche d’une tendance que d’une autre en fonction de ses origines, de sa culture et de son statut professionnel.

Dégagez !


Dominique Strauss-KahnLa sortie récente de Christian Jacob, très honorable patron de l’ump aimablement surnommé « Rantanplan » par François Fillon, si elle fleure bon, non pas le terroir mais bien la brune odeur moisie d’une vieille droite pétainiste, avait il me semble au moins deux objectifs :

1) discréditer autant que faire se peut Dominique Strauss-Kahn tant qu’il n’a statutairement pas le droit de répondre à ce genre de viles attaques
2) détourner nos regards du spectacle gouvernemental actuel.

Discréditons, discréditons, il en restera bien quelque chose !

Même si nous n’accordons pas aux sondages plus d’intérêt qu’une photographie du moment, il faut bien constater que la série de photographies effectuée depuis des mois a au moins montré que les outsiders partis très (trop) tôt dans la bataille n’ont tiré aucun avantage de l’espace qui leur était laissé. Montebourg et Royal ne percent pas, Valls a déjà exprimé son envie de voir DSK représenter le PS, Aubry ne sort pas de son rôle de machiniste de Solférino. Seul Hollande a un peu progressé grâce à un marathon interne au PS, sans doute d’ailleurs trop interne et trop PS version 2002/2007. Aujourd’hui, même Eva Joly envisage un soutien au second tour.
Devant une candidature qui fait d’autant plus peur à l’UMP qu’elle est chaque jour plus probable, la droite a prématurément fait tonner le canon dans la version gros sabots crotteux.

Que reproche-t-on à DSK ? En clair de ne pas passer le plus clair de son temps en France depuis qu’il est patron du FMI. Voilà qui n’est pas faux, mais a contrario, si on devait demander aux Français quelle personnalité représente actuellement le mieux la France à l’étranger, qui d’après-vous viendrait en tête ? Nicolas Sarkozy qui à trop vouloir faire dans le pathos a saboté les chances de libération de Florence Cassez ou comme au G20 de Séoul snobe tout le monde en arrivant en retard ?
Alors oui, le monde rend hommage à Dominique Strauss-Kahn et oui son action au FMI surprend positivement. Mais s’il est aujourd’hui au FMI, c’est aussi parce que la gauche n’a pas su le choisir en 2006, nous précipitant dans les abimes funestes du gouvernement Sarkofillon.
Dominique Strauss-Kahn est-il pour autant un Français sans racine, ce supposé agent de l’étranger qui est le filigrane de l’expression « candidat des terroirs » doublé d’un arrière plan antisémite largement utilisé ces derniers mois par les adversaires de DSK, qu’ils soient d’ailleurs de droite ou de gauche ? Il se trouve que les racines françaises de DSK sont bien réelles, profondes, mais qu’elles sont aussi les racines de cette France que l’on veut oublier, celle dont on ne parle qu’a demi-mots une fois par an, celle de la décolonisation. Alors oui monsieur Jacob, Dominique Strauss-Kahn n’a pas les pieds dans la glaise de la Marne ou de la Creuse, mais les pieds de son enfance sont recouverts de la poussière d’Afrique du Nord, comme celle de millions de Français dont nous faisons mine d’oublier l’histoire, histoire qui revient aujourd’hui avec un écho de liberté comme en Tunisie. Ce terroir vaut-il moins que celui de votre village monsieur Jacob ?

Enfin, pour ce qui est de l’action de Dominique en France, on se souviendra qu’il a été l’élu de la commune la plus pauvre de France (Sarcelles) et que de 1997 à 1999 il a, plus que tout autre ministre de l’industrie et des finances, réussi à redonner de l’espoir et du dynamisme à notre pays. Qui peut aligner un tel bilan ?

Dégagez !

Venons-en maintenant à ce que nous ne sommes plus censés regarder. Les maux de notre République ont un nom et des visages depuis que Nicolas Sarkozy occupe l’Élysée.

  • André Santini, mis en examen en 2008 alors qu’il était au gouvernement.
  • Christian blanc finalement démissionné pour péché de « gourmandise » (12000 euro de cigares aux frais de la République)
  • Alain Joyandet démissionné pour avoir pris quelques largesses dans l’utilisation d’avions et pour un permis de construire qui lui aussi avait une drôle d’odeur de terroir.
  • Brice Hortefeux, ministre de l’intérieur multi-récidiviste (une étrange forme d’exemplarité républicaine !)
  • Eric Woerth qui parti d’un problème de conflit d’intérêts est maintenant pris dans des procédures judiciaires multiples.

Et depuis ces dernières semaines, de nouvelles affaires de mélange des genres :

  • Michèle Alliot Marie qui salit l’honneur de la France en proposant notre « savoir-faire en matière de maintien de l’ordre », avec ses mensonges et ses affaires familiales en Tunisie, sans oublier bien sûr Patrick Ollier.
  • Les vacances de Fillon au frais de l’Égypte.
  • Quant à Nicolas Sarkozy, incarnation de l’échec fait homme, il me faudrait un livre complet pour lister la liste de ses échecs et égarements qui ont terni voire sali l’image de la France aux yeux du monde.

Alors, je vous laisse juge du niveau de l’attaque actuelle de l’UMP à l’encontre d’un homme qui n’a pas le droit de se défendre.

Mais que la droite sache que les socialistes en général et les sociaux-démocrates en particulier ne laisseront pas ce genre de vilénies sans réponse. La campagne des présidentielles ne démarrera qu’à la fin de l’été parce que cela n’a aucun sens de mener une campagne un an et demi avant une élection. Ceci dit, si la droite y tient, nous pouvons y aller plus tôt avec un programme qui tiendra en un seul mot « Dégagez !« .

PS : que vous soyez militants, sympathisants, ou citoyens simplement curieux, vous pouvez rejoindre notre groupe Facebook du « cercle FB des ami(e)s de DSK« .

Un enfant, la vie, un vrai sujet pour les présidentielles 2012


On oublie trop souvent que la politique n’a de sens que parce qu’elle traite des problèmes des femmes et des hommes.

À mille lieues de la stérile agitation du « kan c’est ki l’y va ? », loin des postures destinées à présenter son meilleur profil au JT de 20h, loin des bouffées furieuses sur des positions archaïques, un petit enfant s’est invité à l’agora de nos superficiels échanges. Umut-Talha (c’est le nom de l’enfant né fin janvier) est une double bénédiction pour ses parents, à la fois par la joie qui étreint tout parent mais aussi parce qu’il représente, grâce au don de sang de son cordon ombilical, un espoir de guérison pour ses 2 frère et sœur atteint d’une maladie génétique rare.

Cet heureux événement se limiterait à la sphère familiale si naturellement la prouesse médicale et scientifique qui a présidé à sa naissance ne venait sortir notre réflexion de son auto-alimentation nombrilisme pré-électorale.
J’ai déjà par le passé traité (modestement) plusieurs fois le thème du droit de la vie et j’avais exprimé mon opinion vis-à-vis des possibilités nouvelles de filiations offertes par les progrès médicaux : je pense qu’il faut une législation qui favorise les projets d’enfants de couples qui ont une démarche sincère et généreuse du moment qu’il n’y a pas de préjudices induits.

Ici, la situation est un peu différente, mais sur le fond, les mêmes mécanismes rhétoriques s’affrontent et il me semble que la conclusion sera similaire.

Les opposants à ces pratiques médicales nous opposent des arguments d’eugénisme et de « chosification » de l’enfant. Il est vrai que le grand benêt qui a inventé le mot bébé-médicament s’est surpassé, mais user du mot eugénisme me semble tout à fait disproportionné et décalé : doit-on aussi l’utiliser à l’encontre de quelqu’un qui choisirait son partenaire en fonction de son phénotype ou ses performances intellectuelles ?
Ces personnes qui avancent ici ces arguments, l’auraient-ils toujours fait si ces mêmes parents n’avaient pas eu recours à la médecine pour concevoir leur bébé, mais l’aurait fait de façon « classique » dans le même espoir de guérir leurs autres enfants et de donner à nouveau la vie ?
Quant à la « chosification », c’est idiot : nos lois et notre morale républicaine sont très claires sur le sujet. L’homme, dans son ensemble ou en partie ne peut faire l’objet d’une transaction financière, il ne peut appartenir à qui que ce soit. L’homme n’est ni une chose ni une marchandise, son intégrité, sa liberté ne peuvent être aliénées.
Je peux concevoir que l’on soit opposé à un besoin d’évolution aussi fort de la loi sous l’impulsion du progrès scientifique et médical, pour des raisons philosophiques ou religieuses, peut-être aussi politiques car il y a là source d’un vrai clivage, mais que l’on nous épargne les faux-semblants.

Le don de la vie est une bénédiction, le don non-létal d’une partie de soi est un acte de grande générosité. La loi doit encadrer ces aspects délicats de la vie, et lorsqu’il y a doute, que l’on soit juge en fonction du bien réel apporté et pas d’un mal qui n’est ici que rhétorique.

PS : pour ceux qui ne connaissent pas le livre, je vous conseille « Interdits d’enfants : le témoignage unique de parents ayant eu recours à une mère porteuse », de Sylvie et Dominique Mennesson (que je salue au passage) aux Éditions Michalon.

Le vent du renouveau de mare nostrum


Peut-être est-ce que je me trompe, mais il me semble que nous n’avons pas assez pris de hauteur pour comprendre la force de ce qui est en train de se passer chez nos voisins méditerranéens. Pas assez de hauteur, mais également pas une vision temporelle assez large ce qui est une détestable dérive de notre mode de vie où la consommation est immédiate, où l’on oublie presque immédiatement ce qui vient d’être fait.

Essayons-nous donc à une autre grille de lecture. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les pays européens (ce qui incluait leurs colonies) s’étaient engagés dans un double mouvement d’intégration continentale et de désintégration extra-continentale, dont la désintégration en Afrique du Nord. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le Royaume Uni qui a sans doute été le plus activement réfractaire à une intégration continentale forte est aussi celui qui a essayé le plus de garder au moins les apparences d’une unité de sa domination coloniale historique avec le Common Wealth (né en 1926).

L’Europe politique a cependant échoué, non pas que rien n’ai été créé, mais ce qui a été créé n’arrive pas à dépasser une technostructure, une philosophie de développement économique décidée de façon non démocratique, des institutions démocratiques déconnectés de l’intérêt des citoyens (d’ailleurs il n’y a pas dans la réalité de citoyenneté européenne, au mieux une vague aspiration à cela) et pas de vrai système de séparation de pouvoir législatif, exécutif, judiciaire couplé à un système d’investigation et d’information indépendant, puissant et unifié au sein de l’Union. Qui plus est, cette Europe, par le jeu du développement accéléré de l’Asie, de l’Amérique du Sud et sans doute bientôt de l’Afrique, est en train de perdre sa place historique de référence culturelle, de force économique et militaire majeure, ce qui est fort déstabilisant. Déclin inéluctable diront certains, fatalisme devant les marchés censés avoir toujours raison, mystique de quelques mystérieux cycle naturels, etc… Et bien non, et ce qui se passe en Méditerranée me semble en être un excellent exemple !

Tout d’abord, il me semble que les choses n’ont pas commencée à Carthage (Tunisie), mais à Athènes (Grèce). Dans la logique de la « décadence naturelle des peuples », la Grèce aurait dû faire faillite, sortir de l’Europe, accepter sa période de ruine. La tentation a d’ailleurs il me semble été assez forte à un certain moment, et cela aurait été économiquement « justifié ». Mais cela ne s’est pas passé ainsi parce que quelques hommes, européens convaincus malgré tout, se sont mobilisés. Fondamentalement, je pense qu’ils l’ont fait pour des raisons qui vont bien au-delà des considérations de dettes souveraines et de sauvetage de l’Euro.

Le vent du boulet passé, les choses ont continué cahin caha jusqu’à ce qu’un vendeur de fruits et légumes se donne la mort en Tunisie. Et le régime est tombé à une vitesse et avec une « facilité » qui reste étonnante. Il y avait des raisons politiques et économiques certes, il y a la révolution de la communication universelle et immédiate certes, mais une révolution est d’abord le fait d’éléments qui vont bien au-delà d’un problème économique ou politique immédiat : un mobile et un moyen ne suffisent pas au « crime ». Athènes a tremblé, la secousse s’est amplifiée à Carthage, l’onde de choc est parvenue à Alexandrie. Il me semble qu’il y a derrière cela les prémisses de quelque chose de profond, propre à l’histoire même de ce bassin d’histoire, de culture, qui dépasse le fatalisme des marchés ou des religions (« si dieu le veut« ), quelque chose qui doit être compris par l’ensemble des dirigeants de ce bassin, de chaque colonne d’Hercules en faisant le tour par Troie.

En reprenant l’idée du projet euro-méditerranéen exprimée entre autre dans « La Flamme & la Cendre« , la France aurait pu être la cheville ouvrière du renouveau de la Méditerranée. Hélas il ne suffit pas de savoir lire le titre d’un livre pour être un érudit et nous apparaissons dans ce mouvement naissant, au mieux comme un organisateur d’inutiles réunions internationales, au pire comme l’agent supplétif maladroit des forces de l’ordre locales. Par ailleurs je défends depuis assez longtemps déjà l’idée que pour ne pas créer une séparation nord-sud du projet Européen, il faut que cette Europe ait chaque pied dans un de ses deux bassins historique, créer une Europe de la Hanse et de la Méditerranée. Si j’ai raison, le mouvement actuel va donc se propager au sud certes, mais aussi remonter vers des pays comme la Roumanie, la Bulgarie, les Balkans, et il n’est pas exclus qu’il remonte par Massilia.

Il est temps de replacer la politique dans une perspective politique historique, il est temps d’arrêter de se laisser leurrer par la consommation immédiate de l’instant, il est temps que les aristocrates républicains français dont  la conscience démocratique est encore vivante redescendent à la rencontre de tous les vendeurs de fruits et légumes pour ensemble refonder l’avenir.

Les droits de l’homme et du dictateur

Tous les hommes naissent libres et égaux mais il semble que nous ne sachions guère comment guider les dictateurs vers cet horizon de liberté et d’égalité. J’ai pris le temps de la réflexion pour considérer la révolution tunisienne (et j’espère qu’elle aboutira effectivement à mettre en place les conditions de la liberté et de l’égalité) et je ne voudrais pas m’arrêter à la condamnation trop rapide, définitive et hypocrite de Ben Ali.

Il est certes aisé de condamner l’homme et son régime après coup mais il me semble plus difficile, et pourtant plus utile, de nous interroger, non pas sur ce que nous n’avons pas fait, mais bien sur ce que nous allons faire dès à présent. Nous (les socialistes mais aussi j’ose l’espérer l’immense majorité des Français) déclamons à qui veut l’entendre notre attachement à nos idéaux. Hélas, nous n’avons pas une vision très claire de la conduite à adopter lorsque nous n’avons pas en face de nous une dictature à la noirceur absolue, une dictature avec qui nous ne partageons rien.

Dans la zone grise des dictatures présentables à nos consciences, il semble qu’il nous soit tout aussi bien impossible d’avoir une position intransigeante sur les principes (parce que tout simplement cela n’a aucun effet sur la dictature) qu’une position franchement amorale parée de la vertu d’une real politik économique nécessaire. Ni anges ni francs salauds, nous nous contentons au final d’une médiocrité de petites âmes aussi promptes à offrir son savoir-faire en matière de répression qu’à bloquer cette répression à la douane lorsque la mauvaise conscience frappe à la porte.
Dans une France attachée à ses valeurs et ses racines, Michèle Alliot-Marie aurait dû non seulement (être) démissionner après son odieuse offre de service mais également être définitivement mise en marge de tout mouvement républicain. Or dans un gouvernement où celui qui a été le plus réaliste sur la Tunisie (Eric Besson) est un traitre à ses premiers engagements politiques, il apparaît normal de ne voir ici qu’un écart mineur devant être traité sur le plan de la politique à court terme et non sur celui de l’honneur d’un pays. Et gageons que cela n’ira pas plus loin.

Mais même si nous n’avons pas été aussi odieux qu’Alliot-Marie, les socialistes n’ont pas été dans le passé très brillants, ni dans le présent comme on peut en juger avec l’histoire de l’internationale socialiste. Cela ne me gène pas en soit d’avoir un Ben Ali à cette internationale, à condition que sa place ne soit pas à l’égale des démocrates, à condition que sa présence s’accompagne d’une action en profondeur pour le mener vers un horizon plus juste, libre, égalitaire pour son peuple.
Refuser le contact des dictateurs est une position de « pureté » trop facile, se compromettre avec eux en cédant sur tout et n’avançant sur rien est une infamie.
Il n’y a pas de compromis à avoir sur le but à atteindre, mais l’on doit se mettre en position d’être assez fort pour tracer un chemin, pour s’impliquer de façon commune sur ce chemin, pour dessiner et atteindre des étapes intermédiaires.

Il faut en finir avec les discours schizophrènes où la forme dit « j’exige liberté et égalité » et où le fond dit « j’accepte le compromis en contre-partie de ceci ou cela » car on perd alors sur les deux tableaux. Nous gagnons le mépris (justifié) de l’autre et n’avons que des miettes du marché que nous passons.

Alors soyons clairs camarades socialistes, qu’allons-nous proposer à Mohamed VI pour l’aider à progresser vers cet horizon que nous déclarons universel, qu’allons-nous proposer à Israël et aux palestiniens pour gagner cette terre de liberté, serons-nous assez forts pour proposer aux chinois un partenariat économique et de citoyenneté, serons-nous assez intègres pour juger inacceptable tout gouvernement salissant l’honneur, l’histoire et la grandeur des idéaux de la France ?

Été morose, nez dans la sinistrose ?

SocdemJe ne sais pas si c’est la crise économique,  les soldes en berne qui n’ont pas permis de se défouler, ou encore l’été qui tarde à commencer vraiment dans les esprits, mais de ronchonnades en silences renfrognés, de petites phrases assassines en condamnations définitives, les socialistes grognent. Certains le font écolo version arbre sec, d’autres scientifique nappé de formol, d’autres encore la joue grande muette à coup de grands tambours médiatiques, et même certains philosophes en mal de certitudes métaphysiques nous la chante requiem. Et pour le coup, je trouve cela décalé, joyeux et stimulant. Pourquoi donc ?

Eh bien, je crois que fondamentalement nos visionnaires ronchons ont un an de retard sur le calendrier. Il y a un peu moins d’un an en effet, du bout de ma lorgnette de militant lambda j’écrivais des choses, certes moins poétiques, moins scientifiques, moins spectaculaires et moins universelles, assez similaires à celle de notre orchestre de ténors. C’était à l’occasion de l’université d’été de La Rochelle ou un peu plus tard à la lecture des résultats sur les motions en vue du futur congrès de Reims. Mais à l’époque, mon inquiétude était surtout celle d’un militant qui voyait que son parti avait du mal à prendre en compte toute l’ampleur des problèmes, un parti qui parlait avenir tourné vers le passé (2002, 2007), un parti qui croyait au mythe du sauveur, un parti qui déclarait croire au changement en campant sur ses positions, un parti qui n’arrivait pas à sortir du déni post-mitterrandien. Mais aujourd’hui, cela n’a plus court et c’est bien cela qui a profondément changé, et c’est bien ce qui me rend optimiste.

Certes, nous ne savons pas encore très bien ce que sera demain le PS, mais dans l’immense majorité des cas, il me semble que les militants ont compris qu’il fallait vraiment aller de l’avant, et vraiment y aller dans les faits, pas seulement dans les mots. Contrairement à il y a un an, les cris de Jack, Arnaud, Manuel et des autres, ne sont pas des cris yakafocon, oui mais pas ça, mais ce sont des cris de deuil, ce deuil absolument nécessaire pour pouvoir rebondir et se projeter à nouveau dans l’avenir.

Certes, il reste encore une vague illusion, après celle du sauveur, qui est celle du bouc émissaire, ou en l’occurrence de la chèvre à bouffer en brochettes. Mais au fond, nous savons bien que Martine n’est en rien la cause de la fin de cette époque, qu’elle n’a reçu au congrès aucun moyen de l’éviter. Je suspecte même les autres prétendants de se laisser aller parfois à pousser un soupir de soulagement en pensant à ce à quoi ils ont échappé…

Alors oui, nous avons des raisons d’espérer à nouveau car nous avons probablement passé un cap psychologique. Et j’ajouterai même que certains d’entre nous ont même déjà commencé à se projeter dans l’avenir si j’en juge par les idées qui s’échangent à besoin de gauche ou ailleurs. Idées par exemple sur les impacts des évolutions de la société induites par la prise en compte de l’écologie, celles des technologies permettant la dématérialisation, et leur signification sur des sujets historiques tels que la définition de la propriété ou encore la nature du capital dans cette nouvelle société qui se construit sous nos yeux.

Alors finalement, je suis nettement plus optimiste qu’il y a un an, et je crois que nous serons bientôt très nombreux dans ce cas. Il faudra du temps parce que la tâche est d’ampleur, mais la mécanique de la refondation est bien en train de s’enclencher.

Masochisme politique

Chers concitoyens, j’ai du mal à comprendre comment vous fonctionnez quand il s’agit de voter.

Lorsque je vais au café du commerce entre deux élections, tout le monde semble d’accord sur le fait que le niveau de nos politiques n’est pas à la hauteur de la tâche à accomplir, qu’ils n’en font qu’à leur tête sans jamais écouter le bon peuple, et la lamentable histoire du CPE qui vient de s’achever est un excellent exemple d’autisme entre petits marquis. Que n’a-t-on pas entendu sur la pensée unique, sur l’isolement de ceux qui décident, sur ces aristocrates qui nous gouvernent ? Dont acte.

Le problème est que, lorsque je retourne à ce même café du commerce à l’approche des élections, non seulement le débat se résume à une guerre de positions sur des poncifs aussi vieux que la république, mais les débateurs acharnés se précipitent pour choisir un candidat, naguère médiocre et redevenu flamboyant par la magie d’une aliénation du jugement critique, et deviennent à leur tour autistes, incapables de disséquer rationnellement les propos et qualités des uns et des autres.

Il n’est plus question d’idées (aux moins celles compréhensibles par un cerveau normalement constitué), plus question de projets à construire (des routes, des centrales, des hôpitaux ou des vaisseaux intergalactiques), plus question de compétences (aura-t-on besoin d’un gestionnaire, d’un économiste, d’un sociologue, d’un capitaine affrontant la tempête), plus question de vertu (tous pourris paraît-il donc pourquoi en chercher un de vertueux ?), plus question de l’avenir de nos enfants, non, rien de tout cela. Tout un chacun se prépare à reconduire le même raisonnement que la fois précédente, à reconduire le même système de pensée qui fabrique les clones de la Vème république.
Les spots, les paillettes et les couvertures des magazines people prennent largement le dessus sur tout autre aspect, quitte à dégénérer en échanges d’invectives comme on a pu le voir avec nos cousins italiens ; se présente à l’agora médiatique, un défilé de bonimenteurs dont certains seront adoubés par le vote du public à condition d’avoir l’air sympa, l’air conquérant, l’air rassurant, l’air proche de vous… ou tous les airs à la fois. Profil type de l’escroc : séduire en flattant le gogo avant de partir avec ses économies et ses illusions.

Gogo, mon frère du café du commerce, il est plus que temps d’être pour une fois rationnel et raisonnable, de se choisir un président qui a une chance de savoir gérer les catastrophes économiques à venir, de comprendre à temps l’impact des bouleversements climatiques et écologiques, d’avoir l’attention indispensable pour construire le monde des générations les plus jeunes et à venir.
Imaginez-vous dans un navire en perdition alors que se présente un canot de sauveteurs : un seul pourra monter sur votre bateau, les autres devront repartir. C’est à vous de choisir qui montera ; il serait bon de se souvenir que si les réussites ne sont jamais obtenues a priori, les incompétents ne font jamais illusion dans la tempête. Dommage, nous sommes sur le bateau en perdition…