Un Tsar défiant nos renoncements

Le puzzle du monde est en train de se recomposer. Peut-être que pour nos yeux déconnectés de l’urgence de la survie et blasés par tant de bruits et et fureurs télégéniques, l’aventure russe en Ossétie n’est-elle qu’une distraction estivale pour militaires en mal de revanche, mais je crois pour ma part qu’il s’agit là d’un soubresaut très symptomatique du rééquilibrage géopolitique en cours.

Quand ce rééquilibrage a-t-il commencé ? En 1989 à la chute du mur de Berlin ? Symboliquement sans doute. Mais cette date correspond à la fin de l’erreur communiste, pas à celle du bloc qui lui faisait face depuis tant d’années. Ce fut la fin de l’affrontement du modèle collectiviste dictatorial contre un modèle jusqu’alors libre et globalement démocratique.

Non, la bascule est sans doute à trouver quelque part dans une des guerre d’Asie occidentale, entre Irak et Afghanistan, guerres étranges s’il en est, entre cynisme mercantile, fanatisme religieux partagés et plus ou moins avoués, ou peut-être simplement guerre de remplissage du vide laissé par la fin de la guerre froide. L’Amérique devenue en apparence omnipotente par manque d’un adversaire à sa taille, s’en est inventé un, Al Quaïda, chimère ou ectoplasme que l’on voit en chaque endroit mais dont la substance est aussi insaisissable que son icône barbue. Al Quaïda, le mister Hide de l’Amérique… Depuis elle s’épuise dans un combat qu’elle ne peut pas gagner, ni militairement ni idéologiquement. Depuis l’URSS redevenue Russie s’est adaptée au monde et forte de ressources qui manquent à ce dernier à l’heure de la rupture énergétique, a repris confiance et s’enhardit à reconquérir les confetti perdus de sa gloire passée

Qui sera à même d’arrêter la charge des cosaques russes ? L’Amérique militairement dispersée, économiquement au point d’équilibre entre déroute et rebond, ne fera rien pour sauver quelques vallées à la frontière de l’Europe.

L’Europe sans cap politique renouvelé, sans identité réaffirmée, sans leadership efficace, sans figure emblématique, ne pourra pas faire beaucoup plus que ce qu’elle a fait en se précipitant à Moscou pour signer un texte de cesser le feu qui donne quitus au vainqueur, qui ignore la conscience viscérale du danger ressenti par les pays de l’Europe de l’Est. Étrange parfum de Munich pour un Daladier réincarné et expéditif…
La Russie remplit le vide que nous n’arrivons pas à combler. Finalement, elle ne nous menace pas vraiment, elle révèle les menaces que nous avons nous-mêmes laissé prospérer en ne prenant pas politiquement la mesure de la chute du mur de Berlin, en laissant flotter l’Europe sur sa lancée technocratique, en nous berçant d’illusions sur un parfum de gloire passée, en ne forgeant pas un nouveau destin, un nouveau citoyen européen irrigué d’un passé certes conflictuel, mais politiquement et intellectuellement brillant, et surtout un citoyen demandeur d’avenir commun, d’un projet à la hauteur de l’ensemble de son histoire.

Le Tsar Poutine ne s’arrêtera que si nous sommes capables de l’éblouir à nouveau. Il n’a que faire des faibles.

Cracher sur le Lama

Le Dalaï-lama rend visite à la France cette semaine. Enfin, plutôt aux français parce que la présidence de la République (à l’exception des sénateurs) a décidé de le snober.

Cette soudaine affirmation de la laïcité élyséenne ne manquera pas de surprendre ceux qui ont pu suivre les aventures sms du chanoine de Latran, mais elle est surtout hypocrite et destinée à justifier une position acrobatique de la diplomatie élyséenne suite à des maladresses successives concernant le voyage express de Nicolas Sarkozy à Pékin.

Après tout, que ce dernier ait décidé de passer quelques heures en Chine pour assister à l’ouverture des JO est à l’origine anodin et sans grande impacte : sa présence aurait pu simplement être présentée comme un hommage à l’olympisme et à l’amitié entre les peuples et l’affaire aurait été pliée. Mais non, il a fallu qu’il se mette lui-même la pression en liant l’affaire à des gestes immédiats entre chinois et tibétains, ce qu’il ne pouvait obtenir et ce qui pour cet événement précis aurait dû  concerner en premier chef le CIO, le Tibet et la Chine. Et si la résolution immédiate du problème lui avait été à ce point primordiale pour l’Elysée, nous aurions pu également ne pas aller à Pékin et nous contenter de déléguer un ministre, sans tambour ni trompette.

Enfermé dans ce non sens, nous nous sommes donc retrouvé à Pékin en dépit du préalable que nous avions nous-mêmes fixé et en donnant l’impression de céder aux injonctions de l’ambassadeur de Chine à Paris.

Nous aurions pu nous contenter d’être ridicule et faible, mais avec la visite du Dalaï Lama, les conseillers de l’Elysée nous encouragent à boire le calice jusqu’à la lie. Cette fois, on nous explique qu’il n’y aura pas de rencontre entre Sarkozy est lui puisqu’il n’est pas un chef d’état, mais un chef religieux.

Excuse en forme de tautologie ! Le chef spirituel bouddhiste n’a jamais revendiqué un quelconque statut de chef d’Etat et s’il se bat pour le Tibet, c’est pour éviter la sinisation forcée des tibétains et la destruction de leur culture. Pourquoi sortir un tel argument si ce n’est pour cacher par une absurdité une autre absurdité ?

Même si cet argument devait être retenu, cela signifie-t-il qu’à partir de maintenant la France ne rencontrera plus aucun représentant de religions ou de groupes spirituels et philosophiques. Cela s’appelle de l’ostracisme pour le moins…

Sur le fond, ce qui m’attriste le plus c’est que la France, avec son passé et ses idéaux, n’est plus capable de respecter un prix Nobel de la paix qui au fond vient lui rendre hommage. Osera-t-on aussi prétexter une clause religieuse si Desmond Tutu nous honorait de sa présence ? Que trouvera-t-on à opposer à Nelson Mandela ? Shimon Peres ne serait-il pas par hasard représentant d’un état où la religion occupe trop de place ? Et en creusant un peu, ne devrait-on pas déclarer Al Gore persona non gratta pour ne pas fâcher l’administration républicaine américaine ? Ne risquerait-on pas de s’attirer les foudres de la finance internationale si on accueillait Muhammad Yunus ?

Que la liste est longue des hommes et femmes de bonnes volonté dont l’action a changé positivement le monde et qui risquent maintenant d’être traitées avec mépris par ce gouvernement, juste pour justifier son amateurisme ou sa lâcheté. Comme notre pays a changé, lui qui naguère se voulait être la lumière illuminant le monde, et qui n’est plus qu’un hôtel pour dictateurs en mal de shopping de luxe.

Fabius le centurion maudit

Le congrès approchant, une question jusque-là cachée fait surface : que faire des fabiusiens ? Pour autant que je m’en souvienne, j’ai toujours vu Laurent Fabius comme un héros tragique. D’abord brillant et prometteur lieutenant du vieux césar élyséen, il a été très tôt en charge des affaires de la France. Trop tôt peut-être, coincé entre le destin du commandeur et le sien qui ne pouvait s’émanciper. La tragédie est arrivée de façon insidieuse, indirecte, et probablement injuste, comme tout mécanisme de tragédie grecque qui se respecte. Indirecte puisque le mal est venu d’un dysfonctionnement de l’administration en charge des transfusions sanguines, insidieuse puisqu’il n’était pas directement en charge de ce qui se faisait, probablement injuste car au final il a probablement pris les décisions qu’il fallait, mais trop tard sur un sujet trop porteur de symboles : sang symbole de vie, poison symbole de perfidie. Cet épisode a scellé son destin, il ne s’en est jamais vraiment remis et encore aujourd’hui, une ombre fantomatique semble poursuivre Laurent Fabius.

Mais ce n’est sans doute pas la seule raison de la méfiance généralisée envers les fabiusiens. Ce courant représente l’archétype du courant d’influence au sein du PS : extrêmement structuré, discipliné, efficace, ayant une logique propre, idéologique au départ, mais s’étant fourvoyé dans des choix de pure tactique personnelle avec par exemple le non au TCE. Moi qui ait également voté non à ce referendum, je me suis demandé à l’époque ce que j’aurais fait à la place de Fabius : être fidèle à une conviction doublée d’un intérêt pour se singulariser, ou accepter le choix majoritaire en sachant qu’il cachait une schizophrénie collective (qui a fini par s’exprimer le jour du vote) ? Un simple militant aurait pu à la rigueur s’abstenir, mais le centurion Fabius se devait de combattre pour le choix collectif. Ne l’ayant pas fait, il a augmenté la méfiance envers son courant qui est passé “d’une logique propre” à une “logique antagoniste”. Une telle logique l’a conduit à se gauchiser par la suite alors que la présidentielle a clairement montré que les français cherchaient un centre-gauche renouvelé dont la social-démocratie refondée serait un digne représentant. Le héros s’enfonce dans l’erreur, poussé par la machine du destin. A l’heure du congrès, la question des fabiusiens est incontournable. Trop marginalisés, ils ne peuvent prétendre dégager une majorité mais ils restent difficilement contournables, surtout pour ceux qui pensent que l’avenir du PS passera forcément par la voie des courants. Parallèlement, s’étant perdu dans des choix contraires à la volonté générale, tout le monde se méfie de ce courant. Peut-on débloquer cette situation ? Sans doute, je l’espère, mais cela passera probablement par quelques symboles, au premier rang desquels on trouve la réhabilitation du tragédien : il faut offrir à Laurent Fabius le combat qui restaurera l’honneur perdu du centurion, quitte à ce que ce soit le dernier. A partir de là, le poids du symbole ne pesant plus sur ses troupes, nous avons une chance de repartir dans une coopération apaisée, saine, constructive. Il reste au destin à produire cette dernière bataille et au futur dirigeant du PS à l’offrir à Laurent Fabius. Vision romantique de la politique qui sera peut-être contredite par le cynisme défaitiste de la politique française actuelle…

Petits dessins contre longs discours

Août 2008. Ces derniers temps, chaque mois voit tomber sa mauvaise statistique, les dernières en date étant l’effondrement de la confiance des ménages et la remontée confirmée du chômage. La communication étant généralement faite par rapport au mois précédent ou au mieux sur la tendance, il est difficile d’en tirer autre chose qu’un sentiment immédiat. Je me suis donc posé la question de savoir si ce gouvernement était aussi mauvais que le sentiment que nous en avions, et parallèlement, quelle période des 20 dernières années avait été la meilleure. Pour le savoir, je suis allé collecter du côté de l’INSEE un certain nombre d’indicateurs macro-économiques dont voici la synthèse graphique.

Balance commerciale :
secu
Indice de confiance des ménages :
indice de confiance
Taux de prélèvements obligatoires :
impots
Déficit budgétaire :
budget
Taux d’inflation :
inflation
Taux de chômage :
chomage
Croissance du PIB :
croissance

Il n’y a pas photo : oui les années 2002 à aujourd’hui ont été particulièrement mauvaises, et en aggravation ces deux dernières années. Quant à la meilleure période, on la trouve un peu avant 2000 alors qu’au gouvernement nous trouvions certains Strauss-Kahn, Aubry et autres Moscovici sous la houlette de Lionel Jospin. On trouvera également un certain nombre de faits qui contredisent les bonniments actuels dans cet article d’Agoravox.
Si les élections étaient basées sur les résultats et la compétence, la France serait gouvernée fort différemment…

Jack a dit et autres jacasseries

Les socialistes se préparaient au congrès de Reims et c’est celui de Versailles qui fait l’actualité, renvoyant au second plan la victoire à la Pyrrhus de la majorité.
Deux choses sont à prendre en compte dans cet événement : les conséquences de la réforme qui est passée, la nature très particulière des événements liés au vote.

Sur les conséquences de la réforme, objectivement la gauche n’a pas perdu grand-chose, si ce n’est l’occasion manquée de participer à une réforme qui aurait dû être consensuelle. Mais voilà, pour que consensus il y ait, il faut d’une part que les deux camps le veuillent bien, et sur ce point les velléités ont été modérées,  et d’autre part que ces deux camps soient solides sur leurs bases pour faire le tri entre le fondamental et le négociable. Si à droite la chose était moyennement claire, à gauche, dans l’attente d’une refondation, aucune base constitutionnelle ne pouvait être franchement dégagée. Le PS était structurellement en état de faiblesse, il le restera jusqu’à Reims. Au final, on verra comment sera effectivement appliquée cette réforme, ce qui a relevé de l’intox et ce qui pourra être finalement arraché à la monocratie pour être transféré à la démocratie. Je serais assez content de voir proposer un referendum sur la refonte du collège électoral du Sénat dans quelques mois. Mais cela nécessite 4 millions de pétitionnaires en plus des 184 députés, et encore, cela peut être retoqué ou transformé en eau de boudin. Mais bon, donnons une chance à cet élément de réforme.

Côté circonstances du vote, c’est assez croquignolesque. Ce vote à l’arraché a été singulièrement obtenu en mettant deux votes en exergue : celui du président Accoyer et celui de Jack Lang. Je me suis laissé dire que l’usage aurait voulu qu’Accoyer s’abstienne et Lang s’est retrouvé à voter pour des raisons légitimes d’attachement à un texte qu’il avait contribué à créer, mais contre des raisons tout aussi légitimes d’attachement à la vie et aux décisions de son parti. Si le vote avait été plus large, cela n’aurait pas eu beaucoup d’importance, mais la vie politique a été très facétieuse en permettant de faire passer une réforme (que les socialistes ne désapprouvaient pas fondamentalement) grâce à la voix d’un homme qui est le symbole de ce que l’UMP rejette : ancien ministre mitterrandien, socialiste historique, symbole d’une gauche qualifiée de caviar. Qui plus est, si les circonstances s’y prêtent, un tel texte pourrait bien précipiter la chute d’un gouvernement, voire d’un président, dont la politique a largement échoué depuis un an et demi.

Maintenant, que faut-il faire du cas Jack Lang. Surement pas le virer comme un mal-propre. D’abord parce que même si faute politique il y a, c’est une faute due aux circonstances, pas une volonté délibérée d’être à ce point la vedette de Versailles. Ensuite parce qu’on ne se débarrasse pas ainsi d’un homme qui, pour aussi singulier soit-il, a participé largement à de grandes heures du PS et de la France. Il est par contre clair que Jack Lang ne peut plus exercer de hautes fonctions en tant que leader de gauche. Une sortie honorable doit lui être proposée et il est regrettable qu’il n’ait pas de lui-même préparé sa sortie comme l’a par exemple fait Pierre Mauroy.

On retrouve dans cette crise beaucoup de symboles : errements politiques tant à gauche qu’à droite, confusion des rôles amenant une confusion des messages, des convictions et des majorités. Tout ceci ne prépare-t-il pas à un passage de relais et à une refondation politique. Plus que jamais, le vrai congrès sera celui de Reims, puisse-t-il donner des résultats plus satisfaisants.

Une vraie réforme des institutions, cela ressemblerait à quoi ?

Effervescence à Versailles, c’est jour de congrès. Météo clémente bien qu’un peu frisquette sous les bosquets et un soupçon de suspens : les marquis frondeurs de l’UMP rentreront-ils dans le rang ou prendront-ils le risque d’être disgraciés par le maître de La Lanterne en faisant avorter cette n-ième ajustement de la Vème République ? Au fond, c’est assez indifférent puisque ce texte n’est pas en mesure de guérir les maux de cette République ni de lui redonner sens et cohérence. Que le président puisse s’exprimer ou pas devant le parlement ne redonnera ni unité ni sens au découpage de l’exécutif et ne restaurera pas l’indépendance des pouvoirs législatifs et judiciaires. Quant au Sénat, il faudra toujours attendre une majorité écrasante d’élus de gauche dans nos campagnes pour espérer un jour voir une petite majorité de gauche au palais du Luxembourg.

Alors puisque rien ne changera sous les ors restaurés de Louis le quatorzième, prenons-nous à imaginer, voire rêver, de ce que pourrait être la constitution d’une VIème République qui ne serait pas un reprisage de la Vème. Une telle constitution devrait d’abord innover sur la notion même de constitution : passer d’une loi organique de fonctionnement de l’Etat à une loi organique qui définit et met en œuvre la citoyenneté (dont l’Etat n’est qu’un outil), citoyenneté qui se décline en différentes versions et de façon cohérente, du citoyen lui-même aux organismes internationaux et supranationaux. Si nous buttons depuis des années sur une constitution européenne, c’est peut-être un peu parce qu’une telle constitution ne peut pas se surajouter à l’existant, mais est une composante, une dimension supplémentaire de notre identité. Cela doit donc se faire dans une réflexion globale, avec une vraie vision sur notre identité, notre avenir et nos principes.

La mise en œuvre de la citoyenneté se fait également par celle des moyens pour satisfaire les besoins fondamentaux du citoyen : alimentation, soin, hébergement, éducation, énergie, toutes choses que l’on retrouve çà et là dans les préambules mais dont personne n’a osé imposer l’application par un texte fondamental. Osons ce pas, nous en avons les moyens ! Concernant les pouvoirs, repensons-les à la fois sur la classique distinctions exécutif, législatif, judiciaire, sur la garantie de contrôle des pouvoirs et sur celle d’investigation et de diffusion de l’information indispensable à la démocratie, mais aussi sur un redécoupage “géographique et identitaire” entre agglomération, région, France, Union Européenne, ONU, sans oublier de conditionner l’existence de notre société à l’impératif de préservation du bon équilibre de nos écosystèmes.

Enfin, réfléchissons à la répartition, à chaque niveau de découpage, des prérogatives de chaque pouvoir sur des critères de garantie démocratique, d’efficacité, d’identité inclusive (ce qui fait que nous sommes nous et nous lie aux autres groupes de même nature). Voilà ce qui me semble un ensemble de principes capables de poser les bases d’une VIème République qui marque un progrès réel, sur les idées aussi bien que sur notre vie quotidienne de citoyen.

Le congrès du PS expliqué aux enfants pour qu’ils l’expliquent à leurs parents

On lit vraiment tout, et principalement n’importe quoi sur la préparation du congrès socialiste de l’automne.

Chaque communiqué, chaque action, chaque déclaration, chaque silence semble devoir générer son flot d’explications, explications qui se résument en fait à un pot pourri de lieux communs sur fond de photos surannées prises au temps de Jospin, voire Mitterrand lorsque cela ne remonte pas à Jaurès ou Marx…

Qu’en est-il vraiment ? Il n’aura échappé à personne (ou pas à grand monde), que le PS a pris une pâtée quasi historique à la dernière présidentielle. Cette élection en forme d’acte de décès entérinait ce que les socialistes auraient dû acter depuis longtemps : l’idéologie de gauche de la fin du XXème siècle était arrivée à un tel point d’obsolescence qu’elle a été incapable de trouver une majorité alors même que l’électorat cherchait à élire un président de gauche.

Nous en sommes donc là : la mort étant avérée, il faut publier l’acte de décès pour pouvoir donner naissance à un nouvel espoir, héritier du socialisme et de la social-démocratie.  C’est finalement la façon la plus claire de présenter les enjeux du congrès de Reims.

Y-a-t-il pourtant encore des gens pour nier la mort du vieux PS ? Pas vraiment. Même l’aile “radicale et historique” du PS (Emmanuelli, Mélanchon, …) cherche une inspiration nouvelle, souvent du côté des expériences sud-américaines pour revivifier le PS. La démarche est intéressante mais a peu de chances d’être audible tant elle est en décalage avec les urgences et avec l’époque. Personne de responsable n’a envie d’être le Besancenot du PS.

Quoi d’autre alors ? En fait, il se dégage trois axes stratégiques avec des colorations politiques plus ou moins précises, même si elles se réclament toutes plus ou moins de la social-démocratie.

Le premier axe est celui des présidentiables calqués sur la seule réalité qui reste à la Vème République : être calife dans le palais de la Pompadour. C’est le choix du couple Delanoë-Royal. Avantage de cet axe, comme il est calqué sur le fonctionnement de la Vème République, il bénéficie à plein de la machine médiatique qui va de pair, et donc la machine à communiquer fonctionne largement en surexposant ce fameux duel que tous attendent. Mon œil… Inconvénient majeur, comme ni Delanoë ni Royal n’ont une majorité à eux seuls, loin s’en faut, il leur faut trouver des alliances au sein du PS, or le PS est beaucoup de choses, mais surement pas une écurie présidentielle. Pas un militant n’ignore que le parti risque d’être ingérable avec un présidentiable à sa tête, et que ceci n’empêchera pas en plus les autres de faire acte de candidature le moment venu.

Deuxième axe, celui des courants mené par la candidature de Martine Aubry. L’avantage est ici de tenir compte de la réalité historique du PS qui est un parti de courants et d’équilibres plus ou moins subtils. L’inconvénient est sans doute de ne pas tenir compte de la réalité historique qui se construit et qui remet justement en cause le fonctionnement passé. Par ailleurs, chaque courant étant représenté par une personnalité forte, cela complique l’indispensable refonte idéologique et cela menace le besoin d’efficacité. Cet axe a une chance de trouver une majorité, mais des trois solutions, c’est peut-être celle qui aurait le plus de mal à procéder à une refonte radicale du PS.

Troisième et dernier axe représenté par Moscovici, Montebourg et maintenant Valls/Collomb/Guerini, celui de la démarche en marge de la technostructure, de la méthode et de la refonte idéologique d’abord. L’inconvénient majeur de cette approche est que cela ne ressemble à rien de connu au PS (ou ailleurs d’ailleurs), que ce choix est défendu par des personnalités de poids mais qui ne sont pas les grands ténors nationaux (les fameux éléphants), que c’est un choix qui remet de facto en cause le fonctionnement et la hiérarchie du parti avec des exercices de démocratie directe via internet. L’avantage principal à mes yeux est que la colonne vertébrale est ici constituée par les travaux de refonte idéologique entamés lors de l’échec à la présidentielle, donc exempts de colorations personnelles et forcément en phase avec les nouveaux défis et les attentes des français. C’est l’axe des outsiders, une sorte de révolution silencieuse militante, et c’est aussi celui qui progresse en ce moment avec le rapprochement des contributeurs des textes “besoin de gauche” et “la ligne claire”.

Alors que va-t-il se passer ? Malgré le soutien médiatique pour le premier choix, j’hésite entre la ligne des courants et celle de la révolution silencieuse des militants ; je suis favorable à cette dernière mais je ne suis pas encore convaincu que tous les cadres du PS ont bien compris à quel niveau d’urgence en étaient arrivés et le PS, et la France. Ils pourraient être tentés de se limiter à des réformes nécessaires là où il faut des réformes radicales.

Féminisme à contre-emploi

J’ai reçu il y a quelques jours la contribution « égales ». Cette contribution thématique traite de la condition féminine en général, mais aussi au sein du parti socialiste lui-même.

En parcourant ce texte, je retrouve une bonne partie des constats que j’avais pu faire depuis mon adhésion il y a deux ans, en particulier l’écart entre les intentions affichées d’une parité de responsabilité et de représentativité, et la trop lente évolution au niveau des élus, malgré les derniers succès électoraux.

Bien qu’à mes yeux un peu partiel et daté, les constats me semblent justes et je me disais que j’allais signer cette contribution jusqu’à ce que je lise cette phrase, utilisée d’ailleurs de façon récurrente : « Faut- il encore le rappeler, une femme meurt tous les 3 jours des coups portés par son compagnon. ».

Or, pour aussi vraie que soit la statistique sous-jacente à cette phrase (référence ?), son utilisation sous cette forme est totalement inacceptable. Pourquoi ?

D’abord, la statistique est exploitée par une forme de com’ destinée à frapper les esprits, à jouer sur l’émotion : on prend une donnée chiffrée et on la divise par une dimension qui n’a pas grand chose à voir avec l’élément mesuré, ici le nombre de jours par an. Pour comprendre la nature très artificielle de ce ratio, il suffit de ce demander ce que signifierait ce même nombre de décès divisé par le nombre de mariages ou la consommation annuelle de barriques de bière. Cela donnerait un résultat « marquant » pour les esprits mais créant un lien douteux de causalité.

Ici, ce ratio « colore » de façon détestable la statistique. En l’occurrence, il désigne implicitement les hommes comme meurtriers potentiels, à grande échelle. Ce lien insensé a été explicitement exprimé par la candidate du PS lors de la dernière présidentielle lorsqu’elle avait repris et transformé cette statistique en « dans un pays comme la France, une femme sur trois meurt assassinée sous les coups de son conjoint ».

Et pour en finir avec l’illustration de la dérive induite par une telle phrase, que penser de cette autre statistique, elle aussi tout aussi vraie « tous les cinq jours, une mère commet un infanticide » (je suis preneur de l’adresse du rapport de l’INSERM)?

De tels procédés alimentent la défiance et créent une culpabilité hors de propos, ils vont à l’encontre même du résultat cherché. Ils passent par ailleurs sous silence les situations qui n’entrent pas dans l’objectif, comme par exemple les violences au sein de couples homosexuels ou les violences de femmes sur des hommes. La relative rareté de ces cas n’autorise personne à les passer sous silence.

Il n’en reste pas moins que les violences conjugales sont un douloureux échec de notre société, pas seulement la faute impardonnable d’un conjoint sur l’autre. Impardonnable parce que nous n’avons pas réussi à protéger la victime, ni avant où l’on ne sait pas traiter le risque, ni pendant où la société ferme trop facilement les yeux au nom de la liberté de chacun, ni après où la justice et la police offrent une protection dérisoire aux victimes. Oui la situation est plus qu’inacceptable, mais la réduire à un problème de sexisme est une erreur d’analyse, voire une faute qui permet à cette situation de perdurer. Si la victime est clairement identifiable (et encore se sent-elle souvent elle-aussi « coupable »), la responsabilité est bel et bien systémique et inclut famille (passée, présente et future puisqu’il y a souvent reproduction du malheur), voisinage direct, et société dont les lois et les services publics sont mal adaptés à la résolution de ce problème. Désigner un coupable (l’homme) et mal protéger la victime est facile, mais moralement insupportable.

Enfin, pour en revenir à ce texte, malgré ses constats justes, il ne permet pas d’avancer sur le problème spécifique du PS. Héritier d’un sexisme historique (les icônes de la République ne sont-ils pas de « solides gaillards » ?), il semble en être à un état de dialogue de sourds polis entre « chiennes de garde et machos », dialogue figé sur la vision dépassée d’une société qui a pourtant évolué (en grande partie dans le bon sens pour ce qui est de l’égalité homme / femme) et qui pose de nouveaux défis liés à de nouvelles situations. La violence naguère socialement attribuée à l’homme « prédateur », s’est diffusée à toute la société comme en témoignent les cas de jeunes filles condamnées pour violence en bandes et parfois actes de barbaries.

Le combat pour une société qui traite en égaux tous les citoyens, est un combat nécessaire, juste, mais le combat de tous, basé sur un contrat de société clairement redéfini, mis en œuvre par une réforme progressive et permanente qui n’exclut personne, qui ne condamne a priori personne, qui protège tout le monde.

Quant aux problèmes de parité du PS, soit on attend quelques siècles que la parité s’établisse au fil du renouvellement politique, soit on se décide à « sacrifier » l’ordre établi en désignant par tirage aléatoire les futurs candidats aux futures élections de listes (européennes, régionales) et en demandant aux plus anciens élus de ne pas se représenter. Une telle décision est simple mais elle pose la question de la confrontation des principes et de l’efficacité, de l’égalité de tous contre l’équité de ceux qui ont consacré leur vie à être où ils sont.

Quel que soit le choix, il devra être le résultat d’une démarche collective, d’un contrat où chacun puisse se retrouver.

Fin de journée d’été chez Mosco

Fin de journée agréable en ce mercredi soir : il fait beau, la circulation est presque fluide dans Paris et je trouve une place de parking du premier coup. J’ai oublié le nom de la salle mais bon, je vais demander au gardien.

« Dans quelle salle a lieu la réunion de Moscovici ? ». Le gardien n’est pas au courant, il décroche son téléphone pour se renseigner. Entre-temps arrive une autre personne, elle aussi à la recherche de la salle. Nous échangeons quelques mots. Ah JPB ! Bloggy ! Le monde est plus petit que le oueb.

Finalement, la salle est dans un autre bâtiment du conseil régional, nous nous y rendons. Y-aura-t-il beaucoup de monde ? La réponse ne tarde que quelques minutes : des caméras de télé à l’entrée, des gens qui arrivent, la salle finit par être pleine. Finalement, la présentation de la contribution « Besoin de gauche » attire beaucoup de monde. Décidément, journée de bon augure.
La réunion commence. Mosco est précis comme d’habitude, de la conviction, de la raison, le bon équilibre entre certitudes et questions ouvertes à tous. Un charisme de leader qui laisse la place à l’expression collective autant qu’individuelle. Le bon équilibre encore. Je n’apprends pas grand chose de nouveau sur un texte déjà largement travaillé sur le oueb, mais je ne peux que noter la pertinence et la cohérence du fond et de la force*.

Nous proposons un texte sur des principes et une méthode : normal, en nous appuyant sur la déclaration de principes, nous cherchons à rassembler, à convaincre, à susciter l’adhésion, à travailler collectivement pas étapes, pas à obtenir un plébiscite oui / non (système peu goûté ces derniers temps…) sur un catalogue définitif « deus ex machina ». Du coup, je constate avec satisfaction que la mayonnaise prend excellemment bien entre Rénover Maintenant et Socialisme et Démocratie : un bon gage d’avenir pour ceux qui nous rejoindrons, ceux qui jusque-là avaient perdu l’espoir d’autre chose qu’une synthèse qui ne fâche personne. SD et RM travaillent ensemble, se reconnaissent dans ce travail sans perdre leur identité. La future motion ne sera pas carpo-lapinesque.

Nous refusons une présidentialisation du parti : le 1er contributeur a clairement exprimé son souhait de ne pas se présenter à la future présidentielle s’il est 1er secrétaire, il portera et défendra cette contribution puis la motion qui en découlera dans cette optique. Parallèlement, le texte défend clairement une orientation vers une nouvelle République dans une logique parlementaire, loin du chant éraillé des sirènes d’une Vème République agonisante. La rénovation du PS ne passe pas par des militants lads dans une écurie présidentielle, mais par une remise en ordre des structures du parti et une démocratisation aussi bien dans le fonctionnement quotidien que dans la désignation du candidat lors de primaires. Cohérence toujours.

Puis s’enchaînent les questions et les remarques : beaucoup d’Europe, pas mal de social, l’écologie (enfin pleinement à sa place !), de la satisfaction, peu de critiques. Ce texte, pourtant non définitif est bien né. Au fil des échanges, une remarque s’impose en même temps à JPB et moi-même : nous avons un problème de décalage temporel et de maturité de réflexion entre les militants « de la vraie vie » et les internautes. Là où les premiers en sont au stade des questions, les bloggeurs en sont à celui des réponses après échanges multiples, arguments et contre-arguments. Il existe un vrai risque d’obsolescence de la vieille politique. Nous devons trouver un moyen de recoller les morceaux si nous ne voulons pas nous retrouver avec notre fracture numérique…

La réunion se termine. Nous avons fait aussi bien que Delanoë qui présentait en même temps son texte et qui cumulait les avantages d’être le régional de l’étape et le chouchou des sondages. En plus, JPB me donne le livre de Sylvie et Dominique “interdit d’enfants” qui est en France à l’origine du débat en cours sur une très grande avancée juridique touchant la famille : la gestation par autrui . Décidément une bonne fin de journée.

(*) C’est un lapsus détecté à la relecture (forme/force), mais je le laisse tant il est révélateur…

Déclaration de principes du PS : analyse critique de l’article XVIII

Le Parti socialiste est un parti européen qui agit dans l’Union européenne qu’il a non seulement voulue, mais en partie, conçue et fondée. Il revendique le choix historique de l’Union européenne et de la construction d’une Europe politique. Pour les socialistes, celle-ci doit avoir pour mission, par ses politiques communes, d’assurer la paix sur le continent et d’y contribuer dans le monde, de favoriser une croissance forte et durable et le progrès social, de promouvoir la créativité et la diversité culturelle, d’aider à relever les défis planétaires par l’exemple d’association qu’elle offre. Membre du Parti socialiste européen, le Parti socialiste entend tout mettre en oeuvre pour le renforcer afin que soit porté un message socialiste en Europe.

Ceci rejoint l’analyse des articles 14, 15 et 17 en mettant l’accent sur l’Europe en bouclant sur les aspects économiques, écologiques et sociétaux à un niveau supra-national. Cet article ne montre peut-être pas assez que l’élargissement vers l’Europe se fait de concert avec la décentralisation vers les régions. Il s’agit d’un tout cohérent qui lie les trois poupées région / etat central / Europe. Une Europe sans le contre-poids régional est une Europe bureaucratique. Une régionalisation sans l’élan européen, est un découpage mutilant de la France. Quant à l’état central, il doit avoir pour mission de maintenir la cohérence politique et démocratique de l’ensemble.

N’est-ce pas là l’essence de la future constitution ?