Comment piper les dés démocratiques ?

Internet est un très bon univers probabiliste : s’il est possible de calculer qu’une chose a une certaine chance de se produire, on peut être sûr, vu le nombre élevé d’événements liés à cette chose qui se produisent, que cela arrivera, même si on n’est pas en mesure d’établir par qui et comment. Une probabilité de un sur un million devient une certitude sur internet parce que plusieurs millions d’internautes génèrent des milliards d’événements.

Du point de vue de la démocratie, cela signifie-t-il qu’il est possible d’extraire du web des événements capables de prédire ou de modifier un résultat électoral qui lui aussi est un événement probabiliste mesurable (ce qui est l’objectif des sondages) ? Et si oui, est-il possible d’agir pour faire pencher la balance dans un sens ou dans un autre ?

Dans une configuration où un seul des partis saurait utiliser le web, il est clair que la diffusion large d’une information destinée à orienter un vote serait en mesure de faire basculer une substantielle proportion de votes, parce que le web atteint une très large population et parce ce qu’il a une image de « vérité » supérieure aux médias traditionnels dont l’image s’est fortement dégradée (à telle point que « le tir au journaliste » assure un regain d’intérêt à l’endroit des politiques adeptes de ce sport). Dans cette configuration, il suffirait de dire partout et souvent que la vérité est à un endroit, sans contradiction, pour que la probabilité que cela ce produise augmente. Ce phénomène a été très bien illustré par le « il n’y a qu’elle qui peut le battre » qui à force de répétitions s’est autoalimenté et à rendu très improbable tout autre résultat, d’autant plus que pour la primaire socialiste, le web et les médias étaient très en phases.

Les partis ayant assimilé l’intérêt d’un relais sur le web, ils se sont naturellement dotés de moyens d’action sur la toile. Du coup, les probabilités se diluent en fonction du nombre d’acteurs politiques identifiés : a priori et au départ, chacun à une équiprobabilité de chance ce qui réduit d’autant la part de chacun (1 acteur = 100%, 2 acteurs = 50%). Cette dilution aboutit-elle vraiment à un espace équiprobable et à une diminution de la probabilité de « truquer » le résultat pour forcer un événement favorable (en l’occurrence faire basculer suffisamment de votes pour faire basculer une élection) ?

La dernière présidentielle est sur ce point à nouveau très instructive, en particulier la primaire socialiste.

Techniquement, de tous les postulants, Royal avait incontestablement avec Désir D’avenir l’instrument le plus organisé et le mieux à même de quadriller l’électorat.

Strauss-Kahn bénéficiait également d’une présence active avec son blog, mais plus orientée vers la réflexion et l’argumentation militante là où Royal ciblait une présence pertinente du point de vue marketing : écoute des doléances et renvoi vers les internautes sous la forme d’un message « j’ai bien compris que vous m’aviez dit que ». Un marketing inachevé de l’offre contre un marketing ficelé d’une promesse de réponse à la demande.

Enfin, il semble que Fabius, trop confiant dans ses réseaux (façon « vieille politique », parallèle de la « vieille économie »), se soit dès le début privé d’occuper sa part de densité de probabilité internet ; impossible pour lui de peser pour augmenter ses chances et même de diminuer la part des autres, malgré une part respectable au sein des journaux de gauche.

La primaire s’est donc jouée sur le web entre deux candidats, mais avec des moyens n’étaient pas du tout équivalents. Désir d’Avenir a procuré une structure opérationnelle permanente, active et coordonnée, un financement et un cadre identifiable par les autres médias.

La « petite boutique internet » strauss-kahnienne s’est limitée à quelques dizaines d’internautes militant de concert en se relayant sur un mode globalement autonome.

On pourrait ici faire un parallèle avec ce que l’on constate en informatique entre les sociétés de logiciels et les développeurs du monde open : cela marche dans les deux cas, mais la force de vente n’est pas la même !

Le nombre d’acteurs été sans doute moins déterminant que l’utilisation simultanée des médias et d’internet. Là où DSK avait une couverture médiatique bien inférieure à la couverture web (ce qui fut une des motivations du démarrage sur internet au début de l’été), MSR avait une puissance marketing qui s’est traduite par des pratiques médiatiques peu critiques (les « sœurs Brontë » n’en furent qu’un des exemples les plus flagrants). Les probabilités sur le web étaient appuyées par les probabilités s’appuyant également sur celles des médias classiques. Or pendant près de 6 mois, ces derniers furent mis à la disposition de Royal, probablement avec un appuis de circonstance de la droite française. A l’arrivée, les probabilités ont permis à DSK d’éroder fortement la popularité de MSR, d’avoir l’avantage sur le web mais pas dans les médias ; le délai ne fut pas suffisant pour provoquer une redistribution de la densité de probabilité, pas suffisant pour que l’influence du web prenne le dessus sur l’influence des médias traditionnels.

Statistiques de la présidentielle 2007

Cette redistribution eut lieu à l’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy. Le premier coup de boutoir fut donné par le retournement du monde médiatique qui se mis à critiquer ce que les journalistes avaient encensés pendant six mois, voire chercher à « piéger » la candidate. Dans un deuxième temps, l’appareil internet de l’UMP put largement entrer en action et annuler l’avantage probabiliste de Désir d’Avenir.

Le même phénomène qui avait donné l’avantage à Royal à l’automne s’est inversé pour donner l’avantage à Sarkozy au printemps. La seule différence résidant dans l’orientation générale des médias, cela montre que pour cette élection en tout cas, si internet fut incontournable, les médias traditionnels furent déterminants.

Au final, tout ceci n’est pas très brillant car la distribution probabiliste s’est faite sur les apparences et pas sur le fond, ce qui a rendu le retournement de l’hiver possible, et qui se prolonge aujourd’hui avec un retournement contre le président élu.

Que faire à l’avenir pour éviter cela ? Plusieurs pistes.

D’abord chercher encore et toujours à renforcer la pluralité d’expression aussi bien dans les médias que sur le web. Pendant la campagne, les moteurs de recherche des journaux et du web permettaient facilement de constater d’énormes différences. Si le web est d’abord le reflet de ce qu’y mettent les internautes (et donc les militants et sympathisants), en ce qui concerne les journaux, c’est d’abord une affaire éditoriale, et l’indépendance des journaux est un vrai problème.

Les appareils politiques ont donc tout intérêt à ouvrir sur internet un espact ouvert aux militants d’une part, mais aussi aux sympathisants et aux citoyens qui ne demandent qu’à mieux participer à la vie démocratique de notre pays.

Une autre piste est de complexifier les espaces probabilistes. Aujourd’hui, une élection se fait sur un mode binaire (je vote ou pas pour quelqu’un), ce qui facilite la prédiction (les sondages). En changeant quelque peu le mode de scrutin, on peut rendre impossible la prédiction (ou la rendre totalement non fiable ce qui revient au même). C’est assez facile à faire en passant à un vote pondéré (chaque électeur donne une note de 0 à n en fonction du degré d’approbation qu’il porte à chaque candidat). On aboutit ainsi à une élection au consensus mais surtout, à cause de l’énorme variabilité des pondérations (si on donnera la note maximum à son candidat préféré, les autres varieront jusqu’au dernier moment), on aboutira à une imprédictibilité de fait du vote. Les sondages seront trop aléatoires pour peser et les candidats seront obligés d’argumenter sur le fond (l’offre) plutôt que de surfer sur des prévisions (la demande).

Un président made in China

Il y a quelques semaines, en passant dans les rayons du supermaché, la plus grande de mes filles a aperçu une 2CV parmi les petites voitures du rayon jouet. L’objet du désir ne coûtant que deux euros, Chloé est ressortie du magasin avec le superbe engin. Hélas, mille fois hélas, le bolide était passé au travers des crash-tests de l’Euro N Cap et voici tout ce qu’il reste d’une voiture qui fut en son temps la référence :

Non au made in China

Il est à noter que ceci n’est pas le résultat de plusieurs heures de sévices d’un ado turbulent, ma fille a trois ans et la voiture s’est retrouvée dans cet état en moins de 2mn ! Résultat, le pas cher “made in China” a fini a la poubelle et le joli rêve de Chloé s’est terminée en larmes, sans compter le fait que toutes les petites pièces présentent un réel danger. Cette voiture n’aurait tout simplement jamais due être vendue. Et dire que ce genre de pratiques commerciales exécrables ont réussi à couler la majeure partie de l’industrie du jouet français. Tout cela pour cela, c’est promis, la prochaine fois je paie le prix et quant à faire, j’achète européen !

Collisions d’éléments qui n’ont rien à voir entre eux, notre président s’est livré en ce début d’année à une conférence de presse disons, décallée. Là aussi nous avions acheté du clinquant en rayon et après des offres promotionnelles ciblées (défiscalisation en été, promesse de pouvoir d’achat contre heures supplémentaires ou rachat de RTT, PIB à 3% et plein d’autres douceurs), nous avons eu droit à un étonnant “le pouvoir d’achat c’est pas moi”, faisons marche arrière et marchons en crabe on verra où cela nous mènera. Si l’électorat de gauche ne doit pas être franchement surpris, à droite on doit être pris d’un certain malaise devant un président qui se veut sur tous les fronts, n’assume pas ses premières décisions et va à contre-courant de ce qu’il a décidé en annonçant la fin des RTT par exemple (et nouvelle collision, monster.fr vient de publier un sondage montrant que les français prenaient moins de congés maladies que leurs homologues européens et que ceci n’est pas sans lien avec les RTT justement…).

Quelle est la morale de ces histoires ? Qu’il faut savoir payer le prix des choses et que la qualité n’a pas grand choses avec le marketing. Alors je ne sais pas ce que nous aurons dans les rayons aux prochaines présidentielles, mais en ce qui concerne les jouets je m’en tiendrai aux jouets en bois bien de chez nous (petite pub gratuite…).

Un beur et un aristo font du foin dans l’Etaples

Ces derniers temps, les médias et internet (pour une fois en phase, 67200 liens rien que pour google sur la recherche “PS Etaples”) relaient une histoire d’investiture du PS intéressante. En substance, l’histoire raconte que les instances nationales du PS ont investi un candidat énarque et qui plus est à particule contre la décision de la section locale d’Etaples qui avait elle choisi un candidat du quartier et qui plus est, à consonance exotique. D’où moult commentaires sur un PS autoritaire bafouant ses engagements envers la classe ouvrière, les faibles, les minorités “visibles”. Bel exemple permettant de déclamer à qui veut l’entendre tout le catéchisme d’une gauche historique et quelque part perdue.

Comment ne pas se révolter en effet devant une telle injustice. Comme je suis curieux et que l’expérience m’a appris depuis longtemps à me méfier des révoltes journalistiquement boostée, j’ai essayé d’en apprendre un peu plus sur le sujet. Après quelques échanges, l’histoire telle qu’elle est vraiment se révelle assez différente et finalement très instructive.

En fait, notre particulier formé à l’ENA, Antoine de Rocquigny, n’est pas exactement un parachuté parisien puisque sa famille est depuis longtemps implantée à Etaples et s’est déjà illustrée au service de la ville. Notable incontestablement, mais parachuté parisien certes pas. En terme de légitimité locale, il n’est donc pas en reste face à son concurrent Bagdad Ghezal.

L’autre élément intéressant est apporté par les analyses pré-électorales. Depuis la regrettable aventure présidentielle de 2007, les socialistes ont largement appris à se méfier des projections de votes mais on ne peut totalement les ignorer sous peine de continuer la même erreur, en l’inversant cette fois. Que disent ces projections ? Elles disent que la ville pourrait être gagnable pour la gauche si l’ami Antoine se présente alors que pour l’instant, la tendance serait fortement défavorable si c’est l’ami Bagdad. Ce n’est qu’une projection, mais cela fait cependant un second point fort pour conforter la décision de présenter Antoine de Rocquigny. Si on en juge par les éléments factuels, la décision est cohérente. Alors qu’est-ce qui ne tourne pas rond ?

Eh bien, derrière ce battage de bons sentiments, on retrouve finalement tout le malaise du PS et son problème pour se remettre en phase avec la réalité.

– Une partie du PS se veut encore un parti de classe, un parti ouvrier, un parti des petits en lutte contre les gros. La réalité est que la notion de classe tient plus de la rhétorique que d’une réalité économique ou sociale, que le parti ouvrier manque d’ouvriers et qu’il devrait plutôt se référer aux salariés, gros et petits, largement plus en phase avec la réalité, utile et cohérent. Du coup, investir un aristocrate a autant de sens qu’investir un travailleur social du moment que son engagement militant est sincère, utile et cohérent. C’est l’engagement qui doit définir le sens militant moderne au PS, pas l’origine sociale. Sur ce point, les deux militants apparaissent irréprochables et il est d’autant plus regrettable que cette histoire les oppose alors que leur combat est commun.
– Autre aspect qui cette fois est lié au combat pour l’intégration. Finalement, c’est le vrai argument pour choisir Bagdad plutôt qu’Antoine : montrer que politiquement, le PS fait de réels efforts pour promouvoir des militants dont le travail est par ailleurs exemplaire. Certes, mais d’une part cela est un combat national et d’autre part cela ne semble pas passer localement. A quoi cela servirait-t-il d’avoir une tête de liste symbolique mais perdante. Sans cette mousse médiatique, il est plus que probable qu’Etaples aurait été perdue dans l’anonymat le plus complet. Doit-on reprocher au PS de se remettre en phase avec l’électorat local qui semble préférer une famille aristocratique locale reconnue à un descendant d’une immigration qui n’est toujours pas digérée après 40 ans ? Le café du commerce ne plébiscite pas les beurs (rien que le nom est d’ailleurs discriminatoire), c’est plus que regrettable, il faut travailler encore et toujours pour l’intégration, mais ce n’est pas en perdant une élection que l’on a une chance d’y arriver. Le PS doit mettre ses ambitions en phase avec la réalité française et gagner intelligemment pour changer les choses.

Au final, le réalisme social et politique impliquent de choisir Antoine de Rocquigny, mais il serait au combien nécessaire que Bagdad Ghezal soit à ses côtés, en première ligne. Je déteste l’idée de la discrimination positive : c’est un passage en force, non négocié, qui se fait forcément au détriment d’autres personnes quelles que soient leurs qualité. En ce sens, les quotas électoraux sont a minima un renoncement. Mais cela ne doit pas nous empêcher de travailler encore et toujours sur l’inclusion de tous, à tous les niveaux, mais l’inclusion par l’acceptation naturelle, pas par des assauts à la hussarde, à rebrousse-poil du sentiment populaire.

C’est le sens du combat social-démocrate : négocier, sur la durée, par le contrat, pas à pas, échelon par échelon, pour changer la société, l’améliorer.

Strabisme divergent

Depuis la dernier interview de notre président, je ne peux m’empêcher de penser à l’écart, voire au gouffre, qui sépare le pouvoir du commun des citoyens. L’exemple du paiement des RTT est flagrant. Du point de vue Elyséen, la rhétorique est simple : transformons le temps attribué jusque là à la réduction du temps de travail et transformons-le en revenus sonnants et trébuchants. D’un point de vue comptable, cela se défend. Hélas, la comptabilité et les humains, cela fait deux.

Si j’en juge par mon cas personnel professionnel (cadre, instruit, profession intellectuelle correctement rémunérée) et familial (marié, deux enfants, parisien des banlieues), cette rhétorique est un non-sens absolu : gagner plus ne me permettra jamais de soigner mon stress des transports et du travail, de l’agitation parisienne, il ne me permettra pas plus de passer quelques minutes de plus avec mes enfants ou de vivre le mariage comme autre chose qu’une équipe qui gère en flux tendu les problèmes d’une vie complètement déphasée. Monsieur le président, le travail pour gagner plus, je m’en tape, j’aimerais dejà vivre, un peu… Mais peut-être ne suis-je qu’un cas particulier.

Ce week-end, j’ai fait un petit tour dans ma famille (milieu ouvrier – Peugeot dans la région de Montbéliard). Là-bas, on n’a pas attendu un discours élyséen pour savoir ce que travailler plus veut dire, et que ce soit en horaires décalés (3 huit ou tournées) ou le week-end, on sait ce que se lever tôt et travailler dur veut dire. Mais le sujet de discussion du moment, c’est la mise en parallèle du paiement des heures de RTT et des enquêtes de stress suite à l’épidémie de suicides dans les usines. Bien sûr que le besoin d’argent est là, mais à quoi bon si c’est pour se payer un plus joli cercueil ?!

Alors impossible de ne pas être abasourdi par ce strabisme qui focalise l’attention sur des slogans et ignore la réalité de la douleur de nos concitoyens, douleur qui s’exprime d’une façon incroyablement violente comme on me l’a raconté ce week-end avec l’histoire de ce sous-directeur de la grande distribution qui s’est tranché la gorge avec un cutter sur son lieu de travail. Suicide d’une incroyable violence qui mérite bien mieux que de la rhétorique.

Travailler plus pour payer plus !

Novembre 2007. Super, le grand slogan de la campagne vient d’être mis en application. Et comme je suis l’heureux papa de deux petites tornades, j’ai aussi le privilège de l’appliquer au salaire de la nounou.

Première étape, un petit mail de pajemploi nous informe qu’il n’y a rien à faire. C’est beau l’administration de ce nouveau millénaire. En regardant de plus près le “rien à faire”, cela se complique quelque peu. La défiscalisation des heures supplémentaires s’applique-t-elle aussi aux heures complémentaires qui, comme le contrat de la nounou l’indique, se différentient des heures supplémentaires (allez savoir pourquoi…). Ah, oui semble-t-il.

Etape deux, quel est le taux de la déduction à appliquer ? Tout, un peu, beaucoup. Certainement à la folie…

Etape trois, une fois le taux trouvé, à quelle partie de la feuille de paie cela s’applique-t-il ? Bon, un peu d’aide s’impose. Coup de fil à l’URSSAF qui donne un condensé des règles à appliquer. Une réponse. Coup de fil à Madame nounou chef des nounous du village qui ne sait pas comment départager le “rien à faire de pajemploi et le kekchose à faire de l’URSSAF. Deuxième réponse. Petite info demandée au syndicat des nounous alors. Troisième réponse. Heureusement, le web est là pour nous donner toutes les autres réponses aussi complémentaires que divergentes…

Or donc, partant du fait que l’on ne paiera plus les charges des heures supplémentaires, nous voici dans l’impossibilité de faire une feuille de paie qui donne un résultat qui soit juste à coup sûr. On sait rigoler en France quand on fait une loi. Et en plus, il y a un bonus amusant. Si on paie un salaire brut de 100 à la nounou, et que la déduction de charge implique de déduire du salaire brut 5 au lieu de 10 avant, je devrai faire un chèque de 95 au lieu de 90, donc si la nounou gagne bien 5 de plus grâce à cette mesure, cela m’en coute 5 de plus, que je suis censé récupérer sur la diminution des charges de l’employeur. Oui, sauf que dans le cas des emplois de proximité, les charges sont déjà déduites…

Conclusion : la diminution des charges patronales me coute plus chère que si ces charges n’avaient pas diminuées. J’ai dû mal comprendre ou rater une marche non ? Rassurez-moi, ils n’auraient pas fait une loi idiote quand même…

FMI

Septembre 2007. Etranges aléas de la vie : après avoir été rejeté pas les siens, Dominique Strauss-Kahn est nommé président du FMI et tout d’un coup le monde médiatique n’a pas de mots assez élogieux pour vanter les mérites de celui qui, un an auparavant, était présenté comme un archaïque éléphant défendant une idéologie désuète, l’incarnation du passé.

Dominique Strauss-Kahn

Il est vrai qu’aujourd’hui la voie du “renouveau”, le bouleversement des “lignes”, l’approche différente de la politique ont fait long feu par un fiasco consommé à gauche et un fiasco qui nous consume au gouvernement. Je crois que nous sommes un peuple aussi orgueilleux que masochiste. Nous aimons tellement les gens brillants que nous nous donnons beaucoup de mal pour les rejeter, voire les humilier avant de nous confondre en admiration et regrets une fois que d’autres ont profité de l’aubaine en récupérant nos talents, nos idées, nos énergies.

En tout cas, je suis heureux d’avoir porté et défendu les idées d’un tel homme il y a un an, et je continuerai, autant que faire se peut, à lutter contre la fascination du suicide français et la pussillanimité, à porter et développer cette pensée. Après les 365 jours contre le renoncement, je veux qu’il ait cinq ans pour la refondation et la naissance d’un nouvel espoir politique, d’une nouvelle société. C’est je crois le meilleur hommage que l’on puisse rendre à Dominique Strauss-Kahn.

350 riches, 53000 pauvres

Même en vacances, les réalités sociales vous rattrapent toujours.
Cet été, je suis parti à Madère avec ma petite famille. Douceur de vivre sous les Alysées, du calme et enfin du temps à accorder aux enfants et à mon épouse, loin, très loin de l’agitation stérile et du stress permanent de la vie parisienne.

Un jour, alors que nous nous baladions sans autre but que de se laisser surprendre par l’atmosphère de l’un des villages de la côte nord, je tombe sur une des petites maisons triangulaires typiques de Madère. La maison ayant un charme un peu différent de ce que j’avais pu voir jusque là (ce genre de petite maison a souvent été transformée en petit musée familial à faire visiter par les touristes), je me fais discret pour la prendre en photo (j’avais aperçu un couple qui discutait devant l’entrée).
Discrétion inutile : la femme m’aperçoit et envoie en vitesse son mari à ma rencontre. Un grand gaillard usé s’avance vers moi et m’invite à rentrer. Pas de fuite possible… Fort gêné de ne pas avoir réussi à passer inaperçu, je me décide à le suivre en devinant que j’en serais quitte pour une pièce…
En arrivant à l’entrée, je me sens soudain très mal à l’aise car à l’évidence je me retrouve avec des gens qui vivent dans la misère : la femme est pieds nus et a les jambes couvertes de poussière, quant à l’homme, les dents qui lui manquent en disent long sur son état de santé. Je m’aperçoit d’ailleurs bien vite qu’il n’est pas loin d’être aveugle. La minuscule maison si jolie que je venais de photographier était bel et bien leur habitation, refuge de leur extrême pauvreté. Le couple m’invite à visiter leur intérieur qu’un simple coup d’œil suffit à découvrir.
Deux minuscules lits, une petite étagère et une sorte d’autel religieux. La propreté, trop souvent le seul orgueil des pauvres, est frappante et contraste avec la saleté dont la femme est couverte.

Madere, pauvreté

Ils m’invitent à les photographier et alors que je dois m’y reprendre à deux fois pour faire cette photo, j’ai l’impression pendant quelques secondes d’avoir été transporté dans les terres du milieu, dans la maison d’une Hobbit qui aurait épousé un géant. Je fais un sourire et je balbutie des remerciements à l’homme qui me montre fièrement le bouton électrique qui allume ce qui semble être la seule ampoule de la maison (j’en déduis à sa fierté qu’il a dû faire l’installation lui-même).

Quittant ce couple après m’être acquitté d’une obole trop symbolique, une autre image me vient soudain à l’esprit : celle de ce SDF que je croise parfois endormi dans un coin des sous-sols de ce temple de la finance qu’est La Défense. D’un côté ces Hobbits qui dans leur misère ont au moins un toit, et de l’autre ce spectre, sous un sac de couchage, qui est obligé de dormir dans un escalier de sortie du temple de la finance française.
Les situations n’ont rien de comparables et pourtant, ce sont les mêmes. A quoi ont donc servi nos efforts de redistribution, de correction des inégalités, de lutte contre la pauvreté ?
Si la misère est sans doute moins pénible au soleil, l’injustice n’est que plus criante au pied de la richesse.

Une affiche d’un parti de gauche de Madère annonçait quelque chose comme : “Madère, 350 riches, 53000 pauvres”.

Et en France, la proportion est-elle différente ?

Prélude à (re)fondation

J’ai découvert à mon retour de vacances le premier rapport d’étape du manifeste social-démocrate.

Ce n’est pas encore le texte abouti décrivant l’alpha et l’oméga de la refondation de la gauche, mais c’est un document qui précise clairement notre identité.
Le texte de Laurent Baumel est ici, et en voici une synthèse.

Bonne lecture.

Sic transit media bibi*

Après un départ médiatique dans 365 jours, me voici sans Strauss chez Kahn en page 18 du numéro de fin juillet de Marianne. Ah qu’il est doux d’être pipolisé en ce bas monde…

Hélas, rage, bisque et homard mayonnaise, la citation qui m’est attribuée sur le blog de DSK n’est pas de moi. Nos journalistes chasseurs de bloggueurs n’ont pas remarqué que le signataire était après le post, et pas avant.

Je me suis donc fendu d’un mail à la rédaction de Marianne :

Chère Marianne,

J’ai eu droit à l’honneur d’être cité dans votre dernier numéro (page 18) dans l’article “la gauche, le dégoût”.
C’est bien aimable de votre part, hélas la citation qui m’est attribuée n’est pas de moi, mais du blogueur Olivier dont le vocabulaire est plus imaginé que le mien bien qu’allant en gros dans le même sens.
En effet, sur le blog DSK, la signature suit le post, elle ne le précède pas :

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Félicitation pour l’officialisation de cette candidature.

Nous ferons tout ce que nous pourrons pour te soutenir tout en continuant à travailler pour l’avenir de la rénovation de la gauche.

Rédigé par: Bloggy Bag | le 10 juillet 2007 à 15:52

Enfin une bonne nouvelle…!

En même temps je comprends que l’idée de refonder la gauche avec son paquet de troud’uc ne soit pas des plus exitant..

J’espère que vous apporterez vos compétences au service de l’Europe et de la France et je vous félicite.

Si par contre, vous pouviez fermer ce blog, histoire que Belgo et l’autre clyp prennent un peu l’air.. Ils sont blancs comme des culs, ça leur ferait du bien..

Merci Merci

Rédigé par: Olivier | le 10 juillet 2007 à 15:53
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En conséquence, je vous demande officiellement un droit de réponse et de rectification de façon à ne pas m’attribuer pour la postérité une déclamation protestataire qui a mérité votre attention, mais pas forcément celle des générations à venir.

Cordialement,

Ph. RIS

PS : si vous êtes à la recherche de citations plus profondes, je vous conseille le blog du manifeste social-démocrate, plus constructif et satisfaisant pour la réflexion de vos lecteurs.

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* latin de cuisine pouvant se traduire par “ainsi va la gloire médiatique de bibi”

Ce mal qui ronge notre société

Nous n’allons pas bien. L’état de l’économie est relativement bon, le taux de chômage a tendance à baisser, nous sortons d’une élection censée redonner un nouveau départ, c’est l’été et pourtant, notre société semble être dans un étrange état de flottement, sans punch, sans espoir.

Outre cette atonie qui peut sembler subjective, l’actualité dramatique d’un nouveau suicide chez PSA est une nouvelle alarme qui devrait faire réagir nos esprits apathiques. Six suicides depuis février dans les usines PSA (dont cinq à Mulhouse), trois en quatre mois au Technocentre Renault à Guyancourt, six en trois ans chez EDF dont 4 dans les 2 dernières années à la centrale de Chinon (Loiret). Le Conseil économique et social évalue entre 300 et 400 suicides liés au travail par an (estimation jugée “optimiste”).
En France, nous recensons un suicide toutes les quarante minutes, soit 11 000 morts chaque année, mais 160 000 personnes par an font une tentative (18 par heure !).
Dans un pays recordman des médicaments destinés à traiter la “déprime”, c’est un constat tout simplement catastrophique.

Pourtant, le soir de l’annonce du sixième suicidé de PSA, le journal de 20h ouvrait sur un problème de TGV en retard et sur les discussions parlementaires autour du projet de loi visant à réduire le droit de grève. Aveuglement ? Indifférence ? Pudeur ? Tabou ?

Tout le monde s’accorde à estimer qu’il est difficile de trouver une cause précise à cette épidémie. Il est vrai qu’entre le salarié de l’automobile, sa culture ouvrière, ses pressions économiques et les menaces de délocalisation liées à la mondialisation, son rythme de travail décalé et le salarié d’EDF, sa culture de service public, la sérénité et la protection liées à son domaine d’activité et l’absence de menace sur l’emploi, tout devrait aboutir à des conditions de travail qui, si elles sont anxiogènes pour l’un, devraient protéger l’autre. Mais ce n’est pas le cas.
Si ces suicides sont liés aux conditions de travail, alors il s’agit d’éléments communs entre ces deux secteurs d’activités. Type moderne de management, critères de rentabilité à courte vue en conflit direct avec le maintien d’une solidarité, d’un échange, d’une construction de relations interpersonnelles ? Absence de dialogue véritable au profit d’un verbiage vide de sens, d’avenir et de réconfort ? Rythmes de travail ayant franchis un seuil physiologique ou psychologique ?

Peut-être faut-il aussi élargir le strict cadre du travail pour comprendre les racines du mal.
Notre vie moderne semble s’être orientée vers un renforcement de l’individualisme, que ce soit un choix ou la conséquence d’un long processus de déliquescence. La dernière campagne électorale en était un flagrant exemple : on y célébrait la réussite de “celui qui se lève tôt”, celui qui travaille beaucoup, celui qui est fier de sa réussite et de sa richesse. Les salariés de Peugeot se lèvent très tôt lorsqu’ils sont de la tournée du matin, ils travaillent beaucoup et à des rythmes soutenus, mais dans une culture individualiste, ils perdent la notion de réussite sociale associée à la culture ouvrière en usine, ils perdent la cohésion créée par la solidarité et la fierté d’appartenir à une microsociété qui vit des fruits de son travail.
Dans l’usine, le travail est dur. A l’extérieur, quelle est la source d’espoir ? Où est le courant d’air frais qui vous donne confiance en l’avenir ? L’école républicaine apparait de plus en plus en échec dans sa mission égalitaire d’ascension sociale (ne faut-il pas envisager de recourir systématiquement aux cours particuliers ou aux écoles privées pour espérer voir nos enfants réussir ?) : l’avenir est compromis pour les plus jeunes. La France se désindustrialise au rythme des intérêts de la sphère financière qui semble ignorer la notion de projet industriel, de la fierté du travail bien fait : l’avenir est compromis pour ceux qui sont censés construire le présent.
Et de quel espoir politique sommes-nous porteur ? Marx est mort parce qu’il a échoué, mais ce faisant, il a entraîné dans la tombe tous les autres projets qui visaient à changer la société et nous nous retrouvons avec un message politique limité à la gestion passive du quotidien, le tout enrobé d’un miel marketing qui endort les consciences, mais certes pas les douleurs.

Les suicides au sein des entreprises ne seraient-ils pas finalement le dernier acte de contestation de citoyens à la recherche de solidarité et d’attention ? En allant mourir sur le dernier lieu de réussite que notre société nous reconnaît, ne revient-il pas à exprimer toute la douleur que génère une telle société, une société qui se désagrège à grande vitesse et ne donne aucun espoir à ceux qui ne sont pas des surhommes bénis des Dieux.