La politique européenne en action : le Président

Une fois n’est pas coutume, je me repose cette semaine sur un article publié par mon camarade Arthur Colin sur agoravox. Nous n’avons pas été bon aux élections européennes mais notre combat de tous les jours continue. Bonne lecture et merci à Arthur.

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Le feuilleton le plus exaltant de l’été : la reconduction de Barroso dans son fauteuil. Indécision, trahisons, calculs, incompréhension, et l’Histoire qui se fait à petits pas en toile de fond. Bien entendu, ceci ne se fait pas aux heures de grande écoute dans les grands médias : le public a eu sa ration d’Europe pendant les élections sans doute.

Une des questions chaudes de la précampagne fut la candidature Rasmussen à la tête de la Commission, en cas de victoire de la gauche. Daniel Cohn-Bendit pour Europe-Ecologie avait soutenu cette perspective, et François Bayrou pour le PDE également in fine. Faute d’accord en son sein (le Portugal, l’Espagne et les Anglais manquant à l’appel), le PSE avait fait silence sur la question, silence auquel le PS français avait fait un écho profond. Puis sont tombés les résultats des élections, et Sauvons l’Europe qui avait préparé une tribune en ce sens l’a rangée dans ses cartons. De même, les nombreux sites appelant à son remplacement ne connaissent plus guère d’activité depuis le scrutin (sauf…).

Barroso, prédésigné par les chefs de gouvernement, avait donc le champ libre. Restait une question angoissante : devait-il être désigné tout de suite dans le cadre du Traité de Nice, avec un simple vote du Parlement le 15 juillet, ou devait-on laisser la Commission actuelle perdurer le temps que rentre en force le Traité de Lisbonne, et faire sanctionner dans un débat par le Parlement le renouvellement du maoiste portugais en octobre ? Barroso lui-même faisait campagne activement pour la première option, allant jusqu’à théoriser en essence de l’Union européenne la méthode du compromis, ce qui signifiait que les affrontements politiques devaient être cantonnés au Parlement mais ne pas déborder au sein de la Commission. La clarté du résultat électoral a pourtant semblé déblayer cette question, restreignant l’effet pratique attaché à la possibilité de choix du Parlement, et Barroso a pu se permettre de réitérer sa position lors de sa désignation, excluant l’affrontement politique de la Commission – c’est-à-dire de la conception de la politique européenne.

Une candidature Rasmussen demanderait en effet l’union de tous les socialistes et des forces de gauche, le soutien de tout l’ALDE et une neutralité des souverainistes. Autant dire que Barroso disposait d’une base très favorable pour constituer sa majorité. Il lui suffisait, comme dans tout dispositif parlementaire classique, de s’attacher les éléments les plus faibles de toute autre coalition potentielle. Les socialistes Espagnols, Portugais et Grands Bretons, après leur première prise de position en sa faveur, pouvaient difficilement se rétracter sans mettre en péril les relations de leurs pays avec la future commission. Rasmussen s’est donc de fait retiré de la course en publiant une tribune reconnaissant – et déplorant – la victoire de la droite.

Une candidature centriste devenait alors plus dangereuse. On se remettait à parler de Guy Verhofstadt, mais surtout le PDE avait sorti le nom de Mario Monti du chapeau. Celui-ci s’était alors fendu d’une longue interview dans le Monde, pour expliquer que bien sur il n’était candidat à rien, mais que son opinion détachée des choses de ce monde était que l’Europe devait rééquilibrer sa politique vers le social et que si le Président de la Commission doit refléter l’équilibre du Parlement (un centriste, par exemple ?), il n’en va pas de même des autres membres. Pour conjurer le danger, Barroso proposa informellement de nommer Graham Watson à la tête du Parlement européen, ce qui était de nature à enlever les hésitations de l’ALDE.

L’affaire étant pliée, Barroso s’est offert le luxe de s’essuyer les pieds sur le Parlement, de se faire prédésigner par les chefs d’Etat et d’oublier Graham Watson pour laisser le PPE et l’APSD(PE) conclure un accord technique sur une présidence tournante du Parlement (Jerzy Buzek pour les premiers, Martin Schulz pour les seconds).

Cependant, la nomination de Guy Verhofstadt à la tête du groupe ALDE, et à l’unanimité, a changé quelque peu la donne. Barroso lui avait été préféré en 2004 après un veto de Tony Blair, qui le jugeait trop fédéraliste. Le titre de son dernier livre est : « Sortir de la crise : comment l’Europe peut sauver le monde », tout un programme ! S’ensuit un fort débat au sein de l’ALDE, pour savoir si la nomination de Barroso doit être validée le 15 juillet, ou plutôt en octobre (les français poussent beaucoup pour la seconde solution). Faute d’accord, Guy Verhofstadt a obtenu l’unanimité sur le compromis suivant, pour sauver l’influence politique du Parlement : les gouvernements doivent désigner officiellement leur candidat, et plus seulement le prédésigner, un mémorandum de l’ALDE lui sera adressé sur une feuille de route pour sortir de la crise (on peut appeler ça un programme de gouvernement) et Barroso devra produire son propre mémorandum pour discussion au Parlement. A défaut, l’ALDE refusera une nomination le 15 juillet. Or répondre à ces conditions dans les quinze jours est bien évidemment impossible et la question se trouve ainsi tranchée en fait, et une majorité négative ALDE / EE / APSD / GUE est apparue pour empêcher la désignation de Barroso en juillet.

Peu commenté en tant que tel, cet évènement a eu en pratique un impact considérable sur l’équilibre des institutions, et le modèle politique de l’Union a irrémédiablement changé. La question de la désignation du Président de la Commission a irrigué toute la campagne au niveau des responsables politiques (mais pas pour le bon peuple), et Barroso a été contraint de prendre avec les députés des contacts qui ressemblent à s’y méprendre à ceux d’un premier ministre potentiel cherchant à se constituer une majorité dans un parlement incertain. Lisbonne n’est pas encore entré en vigueur, mais dans l’esprit des politiques européens il est sans doute déjà dépassé par une réelle conscience de majorité parlementaire et de responsabilité ministérielle, même si celle-ci n’est pas encore explicitement énoncée. La prédésignation officieuse de Barroso n’est pas un diktat des gouvernements, c’est simplement la conséquence tirée de la situation sortie des urnes.

Barroso a donc préparé pendant l’été un programme de gouvernement à présenter début septembre aux groupes politiques, dans lequel il renie en grande partie ses positions de campagne, notamment sur le rôle du Parlement européen et surtout sur l’accroissement de la régulation financière qu’il répudiait encore il y’a trois mois à peine. Passant sur son bilan et cherchant le consensus le plus large possible, il propose ainsi une Europe plus libérale, plus sociale (et plus individuelle) et plus verte, régulant mieux les secteurs clés mais diminuant la contrainte bureaucratique, accroissant l’intervention européenne pour sortir de la crise, mais sans augmenter ses pouvoirs, ses compétences ni son budget. La qualité de ce document a produit le consensus inverse, au point que le nom de François Fillon a commencé à se répandre sérieusement au sein du PPE.

Il s’est lancé dans une série de grands oraux devant chaque groupe politique, l’accueil le plus chaleureux lui ayant été réservé par les eurosceptiques britanniques. Jean Luc Mélenchon en fait un compte rendu détaillé pour la GUE. Cet épuisant marathon nous amène au vote d’hier.

Souvenons-nous que l’ALDE avait empêché un vote sur la reconduction de Barroso en juillet, mais qu’en était-il de la suite ? Attendrait-on l’entrée en vigueur éventuelle du traité “simplifié” ? Ou pas ? Ici, un superbe pataquès à compter dans les annales du parlementarisme. En effet, la conférence des présidents de groupe s’est réunie le 10 septembre, afin de fixer l’ordre du jour à venir ; chaque président disposant d’un nombre de voix proportionnel aux membres de son groupe. Or le “front” anti-Barroso n’a tout simplement pas existé ! Non pas que certains se soient rendus à sa reconduction, mais simplement que faute de s’être simplement parlés, leurs initiatives ont été contradictoires.

Les socialistes, tout d’abord, ont demandé un report du vote. Pas de majorité. Les verts ensuite, plus fins, ont proposé la prolongation de la commission actuelle jusqu’à octobre. Pas de majorité. L’ALDE, plus fin encore, a proposé deux votes successifs, sous le droit actuel puis le cas échéant sous le traité de Lisbonne. Pas de majorité. Quant à la GUE (Front de gauche), elle s’est… abstenue !!! Dans la meilleure tradition de l’antiréformisme, la GUE étant opposée au Traité de Lisbonne a refusé de sembler l’entériner en demandant qu’il régisse la désignation du nouveau président de la Commission.

Prévu mercredi 15 septembre, ce vote à la majorité simple ne promet guère de suspense…

Et voilà comment on reprend le même et qu’on recommence.

Le venin de la Vème colonne

Permettez-moi de voir derrière l’aimable livre de MM Rissouli et André le dernier coup de canon de la Vème colonne qui a été à l’œuvre ces dernières années pour faire exploser le PS mais qui n’y a pas réussi, fort heureusement.

L’université de La Rochelle ayant été un vrai instant de réconciliation et d’apaisement, il n’était que temps pour eux de faire réchauffer une soupe déjà bien carbonisée. Reims n’a pas été un modèle d’arithmétique démocratique. Quelle découverte.

Et quel cynisme également d’oublier les primaires de 2006 qui n’ont pas besoin d’une analyse journaleuse orientée à charge pour être entachée de la marque du népotisme. Le PS n’aurait été vertueux qu’en 2006 alors que le premier secrétaire soutenait par tous les moyens à sa disposition son ex-compagne, que le numéro 2 du parti clamait à qui voulait l’entendre que seul ce couple était légitime à la candidature et que les barons du PS, dont la fédération du nord accusée de tous les maux dans ce livre, soutenaient également à bras le corps Royal ?

Le bon sens et l’honnêteté retrouvées auraient voulu que l’on fasse, tous, de tous courants, de toutes tendances, amende honorable et que l’on travaille à des statuts et des procédures honnêtes. Et c’est ce que nous avions commencé à faire. Mais voilà, les manipulateurs de l’ombre répandent leur venin et quelques militants égarés et bien mal encadrés réagissent à la manipulation dans le sens espéré par les saboteurs de la gauche.

Alors, moi, humble militant du bout du monde, je n’ai pas besoin de me lancer dans une opération marketing de teasing et de convoquer la presse en créant une atmosphère aussi grandiloquente que ridicule pour déclarer que ce livre est minable, orienté, et manipulateur. Et qu’accessoirement, il vient sans doute de sceller le sort de Royal si elle n’arrive pas à se démarquer sans ambiguïté d’amis journaleux si encombrants.

Refondation ou rénovation ?

L’été a mieux fini qu’il n’a commencé si l’on en juge par l’université d’été de La Rochelle. Alors qu’il avait débuté sur un concert de snipers tirant sur la taulière, il s’est termine sur une agréable brise marine en Charente Maritime. Martine Aubry est légitimée et à défaut d’avoir des débats enfin sereins, nous sommes arrivés à discuter un peu plus de choses sérieuses et pérennes, et en particulier de l’idée de primaires plus satisfaisantes, démocratiques et ouvertes que celles de 2006. Ouf !

Maintenant, essayons de passer, avec conviction et cohérence, à un vrai débat effectivement clivant au sein du PS. Les socialistes, et ceux qui se reconnaissent de ses valeurs, doivent-il se contenter de repeindre la maison et changer la tuyauterie (travaux de rénovation) ou doivent-ils aller bien au-delà et rebâtir intégralement l’édifice en n’ayant pour seul guide de départ que nos valeurs communes, et encore en en faisant l’inventaire critique (travaux de refondation) ?

Rénover est une tâche relativement simple dont la nature peut être illustrée par les débats sur les primaires ouvertes qui finalement est un débat technique prenant comme point de départ une volonté de mettre en place un mécanisme démocratique et représentatif de désignation au sein d’un des deux grands partis de gouvernement français. Mais malgré les apparences, cela n’a rien de trivial : l’UMP ne pratique absolument pas une approche démocratique de désignation, quant au PS, jusqu’ici même s’il en avait envie, il ne l’a pas fait de façon très orthodoxe.

Je suis profondément refondateur mais cette étape de rénovation ne me choque pas, à condition qu’elle soit bien une étape et que l’on ne s’arrête pas là car je pense que le problème n’est pas seulement un besoin ponctuel lié à notre capacité de gagner des élections, mais bien un enjeux déterminant pour l’avenir même du PS, de la République et de notre société. Nous retrouvons ici tous le sens profond et noble de l’action politique : nous ne parlons pas de plan de carrière mais de la façon de guider la collectivité dans les années à venir.

La refondation est d’abord un questionnement profond de nos valeurs : nous sommes démocrates, bien évidemment, mais les chemins de traverses que nous avons acceptés de prendre au sein de notre parti ne nous empêchent-ils pas de vraiment nous indigner lorsque d’autres s’arrangent avec les règles démocratiques de la République. Et si nous arrivons finalement si mal à propager universellement ces mêmes valeurs, n’est-ce pas parce qu’avec une trop faible exemplarité nous perdons une partie de notre crédibilité ? Être démocrate c’est aussi bien être exemplaire dans l’action politique que conscient de l’extrême péril représenté par des adversaires qui utilisent des armes moins respectueuse de l’avis des autres, voire de la majorité. L’exemplarité et la morale sont des armes puissantes si l’adversaire ne peut s’en revendiquer.

Et encore, cet exemple ne concerne-t-il que notre parti, mais notre incapacité à donner de la crédibilité à l’idée d’une VIème République, de lui donner du corps, n’est-il pas le reflet d’un formatage des esprits, ou encore d’un agréable pantouflage dans les meubles de la vieille Vème ? Quel est le sens de l’attachement à cette République pourtant dépouillée de nombre de ses principes fondateurs et victime de pratiques détestables (qu’elle est loin l’égalité des citoyens depuis que le Président a rejoint la caste des intouchables, qu’elle est devenue source de moquerie la séparation des pouvoirs en ces temps où la justice finit d’être mise au pas, où un président devenu omnipotent décide et dirige – sans toute fois assumer – la politique de l’État) ? Pantouflage que l’on retrouve encore lorsqu’il s’agit de cumul de mandats (la République est bonne mère) ou que l’on contemple médusé le mode de scrutin foncièrement anti-démocratique du sénat.

Ce sens de cet attachement, c’est tout simplement le conservatisme, ou au minimum un réformisme beaucoup trop timoré, trop convenu, qui ose si souvent se travestir derrière un « réformons oui, mais pas comme cela » sans que le « comme cela » soit un jour exposé de façon crédible. Ce conservatisme qui emprunte tous les mots de la réforme, ment de façon éhontée s’il le faut, mais ne change jamais rien. Et quel merveilleux exemple que celui de la taxe carbone. Regardez-les tous ces conservateurs au verbe vertueusement écologique et Grenellehulot compatible : « il faut changer, il faut faire bouger les choses, l’avenir de la planète est en je(u) ». Quelle lamentable comédie en vérité lorsqu’à l’annonce d’une taxe pourtant peu révolutionnaire (et dont le mécanisme pollueur/payeur a montré combien il était efficace par exemple avec la politique des bassins fluviaux), on les voit se précipiter pour nous trouver mille et une raisons, la main sur le cœur et la générosité chevillée à l’âme ou au porte-monnaie selon les cas, mille et une raisons pour ne rien faire, une fois encore : « oui, mais pas une taxe ». Comment alors ? Bien sûr qu’il faut veiller à ce que cette taxe s’applique équitablement à tous, particuliers riches ou pauvres, entreprises publiques ou privées. Et sans doute cette taxe de consommation devra-t-elle être réutilisée en l’injectant dans le système pour favoriser les investissements vertueux (n’était-ce d’ailleurs pas le sens de la taxe/bonus CO2 en place pour soutenir l’activité automobile ?) et bien évidemment financer la recherche. Enfin pour en finir avec cette taxe, il est clair que ce n’est qu’un outil d’actualité : sur le fond, notre politique écologique ne doit pas seulement être défensive (luttons contre) mais belle est bien la source d’un nouvel alliage écologie-social-économie-modèle de développement.

Par le passé, j’ai déjà exprimé ma différence avec les écologistes sur les motivations différentes qu’il existe en eux et nous. Mais sur la mise en place rapide d’un mécanisme qui réoriente avec force le trajet d’une société qui va droit à sa perte, alors je suis en total accord avec eux. Et si l’on doit combattre ici pour plus de justice, c’est pour veiller à ce que les mesures prises pèsent sur chacun à hauteur de ses moyens, et en aucun pas pour trouver une façon cynique de trouver un moyen de détruire un mécanisme permettant (peut-être) de nous en sortir. Et si vous doutez de l’urgence, si vous doutez de l’incroyable irresponsabilité des vieux conservateurs de la Vème République, je vous invite à visionner ce petit reportage de France 3 sur le retour de Tara après sa mission au pôle. Selon les scénarios les plus pessimistes évoqués nous n’aurions même pas quatre ans pour constater la bascule climatique de façon spectaculaire au pôle nord.

Le prochain président que nous élirons sera celui qui combattra en notre nom l’une des pires menaces que nos sociétés aient eu à affronter : il se doit d’être réformateur, profondément et radicalement réformateur. Alors le moment est venu de se demander s’il faut appeler le peintre pour ravaler la façade ou si nous devons nous lancer dans un programme de refondation à la hauteur de l’enjeu : la survie de notre société. A défaut, le liquidateur actuel de l’Elysée sera parfait dans le rôle de fossoyeur.

NB : ce texte a été soumis à discussion avant publication.

Le courage et les convictions

Août 2009.

Bloggy bag

J’aime bien la maxime suivante, quand il ne reste plus rien, il reste le courage et les convictions.

En cette période de rentrée politique, il me semble qu’elle est un excellent point de départ pour nos travaux de refondation et qu’elle pourrait servir de phare pour éclairer le port de l’université d’été de La Rochelle. Contrairement aux années précédentes, je crois que l’idée de changement n’est plus le mot que l’on utilise pour dire aux autres combien ils sont has been, mais bien celui que la majorité des militants est prête à s’appliquer à elle-même. Que le chemin fut long pour en arriver là, et comme le parti a résisté, jusqu’au psychodrame de Reims, pour ne pas voir la réalité en face, pour dépasser les mots, pour aller plus loin que “oui mais pas cela”, “oui chez vous mais pas chez moi”.

Changer n’est jamais facile, alors que dire lorsqu’il faut abandonner un paquebot naguère conquérant et confortable pour s’attaquer à la construction d’un navire résolument nouveau, nécessairement innovant, où rien de tangible n’est encore visible, où seuls prévaudront les talents des architectes, l’habilité des constructeurs, et un jour prochain, le panache du capitaine.

Mais le chemin de la refondation sera long, et s’il y aura urgence à répondre à la convocation des Français, il n’y en a aucune à créer un grand n’importe quoi mal ficelé. Ce chemin commence par sortir de l’émotion immédiate qui nous a jeté dans la recherche illusoire du sauveur. Oh certes, il aurait été divinement agréable de trouver maman ou papa pour régler tous les problèmes, mais dans ce monde réel, nous sommes adultes, responsables et, en qualité de socialistes, nous savons depuis longtemps que les chances de survie et de succès sont bien plus élevées par l’union, l’addition des talents, que par l’arrivée deus ex machina du sauveur. Alors oui, nous avons de nombreux talents, mais tous ces talents doivent contribuer au succès, collectivement et quitter le costume mal taillé de Zorro se transformant en Cosette une semaine sur deux.

L’union n’est pas le seul pré-requis à notre renaissance. Il nous faudra questionner profondément nos convictions, comprendre pourquoi elles ont échoué à nous faire gagner, comprendre pourquoi elles ne sont pas devenues une évidence pour tous, comprendre pourquoi certains d’entre nous se sont accommodés d’arrangement avec elles.

La démocratie est notre idéal. L’avons-nous si bien appliquée ? L’avons-nous si bien défendue ? N’a-t-on pas renoncé à essayer d’aller au-delà ?

La République est notre référence ? Mais n’est-elle pas morte cette République ? Ne l’avons-nous pas laissée lentement dériver vers d’étranges pratiques ? Comment la faire renaître elle aussi ?
Avons-nous réussi à concilier liberté individuelle et égalité collective ? N’avons-nous pas doublement échoué à combattre l’individualisme et à empêcher le naufrage individualiste de nos sociétés ? Avons-nous dépassé l’échec de l’égalité collectiviste qui a abouti à l’oppression sans nom des peuples ? Quel point d’équilibre entre individu et société proposons-nous ?

L’idée social-démocrate de la régulation économique ne s’est-elle pas imposée sans nous ? Avons-nous vraiment admis qu’il faut être là où se décident les choses (FMI, OMC, BCE, …) pour être en capacité d’agir ? Notre vision de l’économie, bien que plébiscitée par les faits, n’est-elle pas en fait déjà dépassée ? Qu’est-ce que le capital dans un monde qui se dématérialise à grande vitesse ? Comment créer de la richesse avec les mécanismes de l’économie de la gratuité ?

Ne devons-nous pas également faire table rase de nos réflexes sociaux pour reconstruire un équilibre plus juste, plus pérenne, qui ne réduise pas nos vies en trois phases, apprentissage, production, retraite, mais qui considère un tout fait de continuité dans l’alternance, de changement continu normal et maîtrisé, un équilibre où les services publics sont des relais, des secours, des accélérateurs, des réparateurs, le liant d’un projet commun cohérent et identifié ?

Enfin, nous avons découvert que nos sociétés étaient contraintes par un monde fini, vivant, plus fragile que nous le pensions. Mais ne serions-nous pas en train de tomber dans la vision simpliste de l’écologie du rayon bricolage ? Les questions se résument-elles à la production de carbone, à quelques éoliennes et une citerne pour récupérer l’eau ? Qu’est-ce que la propriété d’un écosystème ? Quelle est la limite de transformation de ces écosystèmes ? Devons-nous nous limiter à subir le destin imposé par la déesse nature ou doit-on défendre, là aussi, l’émancipation des sociétés dans le respect des équilibres certes, mais en gardant notre volonté et notre liberté d’action.

J’ai trop peu de réponses à donner à toutes ces questions, et c’est tant mieux car pas plus que les autres, je ne peux écrire à moi seul le nouveau volume qui éclairera le chemin des années à venir. Mais je ne doute pas que nous soyons maintenant prêts à l’écrire, ensemble, parce que nous saurons questionner nos convictions et que nous avons le courage de construire un monde meilleur pour nos enfants.

L’oeil du cyclone

Alors que nous attaquons la dernière période de la pause estivale, il se dégage une impression de pause dans la crise que nous affrontons, un peu semblable à ce que nous pouvions ressentir à Noël dernier où les familles, bien que conscientes de l’avenir assez sombre, voulaient s’offrir de jolies fêtes quand même. Sans doute une preuve d’optimisme et de combativité trop mal valorisée à une époque où le crédo politique est trop souvent la gestion au jour le jour et le renoncement à agir avec force et volonté aujourd’hui, en espérant que cela ira mieux tout seul demain.

Les jours sombres, nous en avons eu une première vague, essentiellement financière et économique. Le monde financier a failli s’effondrer comme en 1929, mais cette fois, les acteurs majeurs du monde ont su correctement réagir en se coordonnant a minima et surtout en intervenant massivement sur leur économie comme l’ont fait les États Unis et la Chine. Quant aux entreprises, industrielles en particulier, elles ont vu s’effondrer leurs commandes mais ont pour une bonne part, réussi à résister à cet effondrement. Cependant, le défi pour elles est maintenant de construire leur avenir à très court terme. L’industrie automobile est un vrai cas d’école et un incroyable révélateur de capitaines d’industrie.

En effet, sans grand risque de se tromper, les dirigeants qui se contenteront de gérer au mieux leur exploitation sans réorienter activement leur modèle économique feront rapidement partie des cadavres. En juin dernier, GM et Crysler ont été mis au tapis en un mois par un pic du prix du pétrole. Aujourd’hui, le prix est revenu à un prix acceptable (aux environs de 70$), pourtant ceux qui croient encore au vieux modèle énergétique sont en grand danger. L’électricité qui n’était considérée que comme un gadget de salon, est maintenant plus que l’avenir de l’automobile. Le haut de gamme a déjà vu débarquer des modèles viables (Tesla Motor, société américaine), et à l’autre bout, les vélos et scooters électriques sont des réalités abordables. Si Bolloré réussit son passage à une production industrielle ou si un des grands acteurs actuels produit rapidement une voiture électrique de moyenne gamme viable, l’affaire sera pliée, même s’il restera encore pour un temps des moteurs à pétrole, pétrole dont il sera intéressant de voir l’évolution du marché. Étonnant marché, stratégique et source de conflits hier et aujourd’hui encore, mais  menacé de perdre un de ses débouchés majeurs, l’énergie. La bataille sur le lithium est peut-être d’ailleurs annonciateur de l’évolution en cours. Accrochez-vous, cela va secouer.

Mais revenons à notre cyclone. Nos concitoyens prennent cet été une salutaire respiration avant l’arrivée de la deuxième partie de la tempête, celle qui va faire de grands dégâts sociaux cette fois. Jusqu’ici, ce sont les emplois précaires (CDD, intérim) qui ont été principalement touchés et nous n’avons vu que les premiers plans sociaux. Mais le dur de la crise sociale arrive, parce que certaines sociétés devront faire remonter leur productivité (donc, avec une production en berne, faire baisser le nombre de salariés) et aussi, surtout, parce qu’une réorientation stratégique implique une réorientation des compétences. Un gouvernement responsable se serait déjà préparé à intervenir pour accompagner cette mutation, pour aider aussi bien les entreprises que les salariés dans cette phase critique. Mais nous avons le gouvernement Sarkozy, alors il ne faut pas attendre grand-chose d’autre que des paroles à la cantonade.

Et le PS dans tout cela. Il est sans doute aussi impuissant que les Français à infléchir la politique gouvernementale, mais étant au cœur du changement, de sa propre refondation, menacé pour sa survie même, il est particulièrement concerné et en phase avec l’époque. Alors comme pour les Français, j’espère que la respiration estivale au cœur du cyclone aura été l’occasion de se préparer avec lucidité, conviction, avec force, à la formidable bataille qui va commencer.

Nous en sortirons tous vainqueur.

Quand DSK flamme les criquets de la finance

DSK.

Dominique Strauss-Kahn n’est pas encore en vacances et il semble même offensif.

D’abord contre les criquets de la finance ayant échappé à la dernière famine qu’ils ont provoquée. Dans un entretien récent à France 24, il a lancé une charge vigoureuse contre le retour des gros bonus chez les financiers. L’approche immorale et la cupidité de quelques dirigeants du petit monde de la finance internationale est effectivement inacceptable. Ces personnes vampirisent littéralement des ressources financières qui seraient infiniment mieux utilisées pour alimenter l’économie qu’ils ont mise en vrac. Et que l’on ne nous ressorte pas l’argument de “il faut payer les talents” car les seuls talents dont ils ont fait preuve sont l’imprévoyance, l’aveuglement, la cupidité et le cynisme. Il y a finalement deux sortes de banquiers : ceux qui vous aident à développer un projet, et ceux qui cherchent à vous piller. Je crois qu’il va falloir légiférer pour ératiquer le fléau des seconds et faire ressortir la valeur des premiers.

Second élément de l’actu de Dominique Strauss-Kahn, il a commencé à tenir ses engagements du G20 envers les pays pauvres (et oui, je sais, cela va encore faire mal aux certitudes d’une certaine gauche) en prêtant 17 milliards aux pays pauvres… à taux zéro.

Alors, toujours ultra-libéral le FMI ? Cela ne sert à rien de le diriger plutôt que de le laisser aux criquets ? Protester ne sert pas à grand chose, agir permet de changer les choses et c’est ce que fait DSK.

A lire sur le web :
Le Monde: “Strauss-Kahn “scandalisé” par le retour des bonus dans les banques”

Été morose, nez dans la sinistrose ?

SocdemJe ne sais pas si c’est la crise économique,  les soldes en berne qui n’ont pas permis de se défouler, ou encore l’été qui tarde à commencer vraiment dans les esprits, mais de ronchonnades en silences renfrognés, de petites phrases assassines en condamnations définitives, les socialistes grognent. Certains le font écolo version arbre sec, d’autres scientifique nappé de formol, d’autres encore la joue grande muette à coup de grands tambours médiatiques, et même certains philosophes en mal de certitudes métaphysiques nous la chante requiem. Et pour le coup, je trouve cela décalé, joyeux et stimulant. Pourquoi donc ?

Eh bien, je crois que fondamentalement nos visionnaires ronchons ont un an de retard sur le calendrier. Il y a un peu moins d’un an en effet, du bout de ma lorgnette de militant lambda j’écrivais des choses, certes moins poétiques, moins scientifiques, moins spectaculaires et moins universelles, assez similaires à celle de notre orchestre de ténors. C’était à l’occasion de l’université d’été de La Rochelle ou un peu plus tard à la lecture des résultats sur les motions en vue du futur congrès de Reims. Mais à l’époque, mon inquiétude était surtout celle d’un militant qui voyait que son parti avait du mal à prendre en compte toute l’ampleur des problèmes, un parti qui parlait avenir tourné vers le passé (2002, 2007), un parti qui croyait au mythe du sauveur, un parti qui déclarait croire au changement en campant sur ses positions, un parti qui n’arrivait pas à sortir du déni post-mitterrandien. Mais aujourd’hui, cela n’a plus court et c’est bien cela qui a profondément changé, et c’est bien ce qui me rend optimiste.

Certes, nous ne savons pas encore très bien ce que sera demain le PS, mais dans l’immense majorité des cas, il me semble que les militants ont compris qu’il fallait vraiment aller de l’avant, et vraiment y aller dans les faits, pas seulement dans les mots. Contrairement à il y a un an, les cris de Jack, Arnaud, Manuel et des autres, ne sont pas des cris yakafocon, oui mais pas ça, mais ce sont des cris de deuil, ce deuil absolument nécessaire pour pouvoir rebondir et se projeter à nouveau dans l’avenir.

Certes, il reste encore une vague illusion, après celle du sauveur, qui est celle du bouc émissaire, ou en l’occurrence de la chèvre à bouffer en brochettes. Mais au fond, nous savons bien que Martine n’est en rien la cause de la fin de cette époque, qu’elle n’a reçu au congrès aucun moyen de l’éviter. Je suspecte même les autres prétendants de se laisser aller parfois à pousser un soupir de soulagement en pensant à ce à quoi ils ont échappé…

Alors oui, nous avons des raisons d’espérer à nouveau car nous avons probablement passé un cap psychologique. Et j’ajouterai même que certains d’entre nous ont même déjà commencé à se projeter dans l’avenir si j’en juge par les idées qui s’échangent à besoin de gauche ou ailleurs. Idées par exemple sur les impacts des évolutions de la société induites par la prise en compte de l’écologie, celles des technologies permettant la dématérialisation, et leur signification sur des sujets historiques tels que la définition de la propriété ou encore la nature du capital dans cette nouvelle société qui se construit sous nos yeux.

Alors finalement, je suis nettement plus optimiste qu’il y a un an, et je crois que nous serons bientôt très nombreux dans ce cas. Il faudra du temps parce que la tâche est d’ampleur, mais la mécanique de la refondation est bien en train de s’enclencher.

Dany, cet ami nous veut-il du bien ?

Daniel Cohn Bendit

Cher Dany, désolé de te casser les pieds, mais il faut que je fasse un peu le point avec mes camarades socialos sur le sujet de l’écologie.

Le sujet n’est pas nouveau pour nous, mais le moins que l’on puisse dire, c’est que nous n’avons jamais très bien communiqué sur le sujet. Du coup, pour rattraper le coup, certains d’entre nous ont semble-t-il l’idée de se lancer dans le plus écolo que moi tu meurs en se disant que l’année prochaine, les régionales se joueront en bonne partie à gauche sur ce sujet qui touche chacun dans son quotidien. Et figure toi qu’il ne nous a pas échappé que ce serait une excellente affaire, non pour le PS, mais bien pour les listes écologistes, tant il vrai qu’en matière de mangeons bio, récupérons l’eau et posons notre panneau photovoltaïque, les listes estampillées écolo-inside seront imbattables. Bien oui, ce n’est pas nouveau, en politique l’original est toujours préféré à la copie et vouloir te courir après serait surtout te pousser à la tête de nos belles régions. Vois-tu, nous avons beau être dans le brouillard en ce moment, nous n’en avons pas pour autant perdu notre lucidité et notre capacité d’analyse…

Alors, puisque tu es un ami et donc que tu ne peux que nous vouloir du bien, peut-être doit-on envisager de dissoudre le PS pour te rejoindre. Rejoindre qui pour quoi au fait ? Question importante parce que côté visibilité, finalement les écolos n’ont jamais franchement été plus clairs que le PS, même aujourd’hui.

Devrions-nous rejoindre l’écologie version paysan moustachu ? Franchement mon Dany, le côté conservateur réac à la sauce néo-jacquerie me rebute. Si être écolo c’est être anti-tout et retour à un monde paysan idéalisé reloocké à coup de toilettes sèches et de vieilles fermes mal chauffées, très peu pour moi, je laisse cela à quelques idéalistes sympathiques, mais prosaïquement entre allergie au lait, au gluten et rhume des foins, ma petite famille n’a aucune chance de survivre dans un monde pareil !

Devrions-nous rejoindre l’écologie version soixante-huitard qui a réalisé que le confort bourgeois avait son charme ? Où cela nous mènerait-il ? A vrai dire, je n’arrive pas très bien à décrypter ton message. Le coup de la décroissance comme mode de gestion des problèmes écologiques me paraît être être une ânerie pour madoffiser des gens qui n’ont pas eu la chance de recevoir assez d’éducation économique pour comprendre combien c’est absurde. Va expliquer au coiffeur ou à la femme de ménage qu’ils doivent moins travailler pour gagner moins (on dirait la politique de Sarko) dans le but de créer de la décroissance, seule façon pour eux de le faire puisqu’ils ne produisent que du service ! La situation économique actuelle est le parfait exemple de ce qui se passe lorsque l’on est en décroissance. Certes, je suis bien d’accord avec toi pour dire qu’il faut consommer moins d’énergie et moins gaspiller, mais il s’agit de gain de productivité, non de décroissance ! Je donne souvent une image pour illustrer ce qu’est l’économie : l’économie c’est l’énergie de la transformation. Plus il y a de croissance, et plus on a les moyens de transformer le monde, la vraie question est alors de le changer en mieux, avec la plus grande efficacité. Mais il nous faut le maximum d’énergie (de croissance) pour le faire, c’est à dire aujourd’hui à l’heure des ruptures climatique et énergétique, le maximum de croissance utilisée avec la plus grande intelligence possible pour sauver notre civilisation. Et ceci ne peut se faire que par un projet commun mené au sein d’une société réformatrice et solidaire, ce qui est presque la définition de la gauche n’est-ce pas ?
Alors non, Dany, je ne te rejoindrai pas, et je vais même te dire maintenant en quoi la refondation social-démocrate que nous sommes en train de mener, à besoin de gauche mais aussi dans tous les courants socialistes qui finiront bien par se retrouver, est fondamentalement différente de ta vision écolo.

Nous refusons de nous soumettre à une vision idéalisée de la nature, mère nourricière et protectrice parce que nous n’avons pas oublié qu’un individu soumis à la loi naturelle ne vit pas très longtemps : la déesse nature tue l’homme hors de la société, que ce soit à coup de paludisme ou de tsunami.

Nous avons compris combien il était important d’arrêter le désastre en marche, mais nous voulons chercher à équilibrer au juste niveau la pression de nos sociétés sur les écosystèmes et en aucun cas renoncer à construire une société protectrice au profit d’une mystique née d’un replis malthusien, d’une peur de l’avenir, d’une perte en l’espoir du progrès.  Alors oui, nous allons tout faire pour retrouver cet équilibre, mais la société que nous allons construire ira bien au-delà d’une taxe carbone, de légumes bios et d’une définition morale mais peu fondée de ce qui est du ressort du développement durable et de ce qui ne l’est pas.

Notre idéal reste de construire une société meilleure, plus juste, et oui, plus respectueuse des écosystèmes, mais l’homme reste au centre de notre idéologie, et l’écologie n’est qu’un élément de plus que nous ajoutons à ceux d’humanisme, d’émancipation, de liberté, d’égalité, d’universalité. Je veux que mes camarades socialistes reprennent pied sur la tribune pour, à nouveau, être fiers de présenter aux Français un projet de progrès social où chaque citoyen vivra en harmonie avec les autres et son environnement, ou chacun d’entre nous retrouvera le chemin qui guidera ses enfants vers un monde plus juste, plus sain, plus serein.

Alors Dany, certes les écologistes ont pendant des années sonné un tocsin que nous aurions dû écouter plus tôt, mais en aucun cas vous n’êtes porteur d’un projet de société, car votre projet est celui de la peur et de la domination de la nature, non de la confiance dans le progrès et le génie des hommes. La prise en compte des écosystèmes dans notre idéologie va générer des révolutions, comme celle de la notion de propriété, dont nous ne faisons qu’entre-apercevoir les lignes, mais ce sont les héritiers du socialisme et de la social-démocratie qui porteront ce projet, car nous seuls avons un héritage compatible avec la définition et les objectifs de ce projet.

Commentaires sur l’actualité

Je souhaiterais commenter deux actualités de ces derniers jours.

Tout d’abord, le retour en fanfare de DSK, dans deux registres très différents.

Celui de l’ascenseur sondagier qui l’a placé dernièrement dans une situation surprenante, celle d’avoir une majorité d’opinions favorables… à gauche. Jusqu’à présent, Dominique Strauss-Kahn faisait partie du groupe (plutôt nombreux d’ailleurs, voir Delors et autres Rocard) des “apporte-moi tes compétences mais mets-la en veilleuse”) et le voici soudain vu d’une manière beaucoup plus favorable. Il est vrai que lorsque le bâteau risque de sombrer, on se moque du côté sympa, sexy et amuseur de foire du capitaine et que les matelots demandent d’abord qu’il soit solide, compétent et capable d’amener le rafiot à bon port…

Autres éléments, nettement moins amusant, que sont les déclarations économiques du directeur du FMI. Il appelle, une nouvelle fois à plus de responsabilités des banques en leur demandant de finir leur ménage. Comment ne pas être d’accord à l’heure où les criquets ayant échappé au premier naufrage semblent vouloir repartir dans leur sinistre logique. Je craints fort que les seules mesures qui puissent leur faire peur sont d’ordre judiciaire et qu’il va falloir inventer un crime d’abus de bien sociaux contre l’humanité pour les arrêter.

Autre élément préoccupant relevé par DSK, le chômage, désastre dont nous n’avons manifestement pas pris en compte toute l’ampleur, le gouvernement Sarko II en tête, malgré la sortie de Darcos ces tous derniers jours. Eh oui, je craignais il y a quelques temps un horizon de 3 millions de chômeurs, nous y allons tout droit, et comme nous ne pourrons pas financer de front les retraites des baby boomers et un chômage de masse, il va falloir trouver des couillons, beaucoup, beaucoup de couillons pour recoller tout cela. Mais l’important est de préparer l’après-crise et de paraître optimiste devant les caméras n’est-ce pas ? Cela ne pourra aller mieux que lorsque nous aurons un gouvernement responsable, compétent et travaillant pour l’intérêt général.
Dernier élément sans rapport direct, le retour du travail le dimanche. Voilà une fixette qui si elle n’allait pas détruire de valeur, serait amusante tant elle est ridicule.

Ridicule sur tous ses aller-retours parlementaires. La droite ne veut tellement pas aller travailler le dimanche (ben oui, à droite on est plutôt catholique pratiquant, et le dimanche est quand même connoté “jour du seigneur” – ce dont se moque Sarko comme de son dernier tapoti sur son portable…).

Ridicule car la justification avancée (consommer plus) est en contradiction avec la volonté affichée de ne pas relancer la consommation. Dommage, car les quelques mesures de relance (prime à la casse par exemple) aident effectivement bien les producteurs, alors que le travail du dimanche qui n’est qu’une extension de plage horaire, n’a aucune chance d’augmenter cette consommation, tout simplement parce que le problème n’est pas un problème d’opportunité d’achat (internet est déjà ouvert 24h/24h, 7j/7) mais un problème de pouvoir d’achat. Pire, comme le travail du dimanche est plus coûteux qu’en semaine, globalement les marges seront plus faibles et le déplacement d’activité induit (vers les grands centres) va accélérer le mouvement de faillites en court ! Cette mesure n’est justifiée que par le lobbying de quelques grandes enseignes qui veulent gagner des parts de marché en tuant les concurrents qui seront trop petits pour ouvrir le dimanche. Le résultat prévisible est donc : faillites induites, hausse supplémentaire du chômage, hausse des prix pour compenser le surcoût. Et ceci n’est pas de l’anti-sarkozysme primaire, mais de l’anti-sarkozysme appuyé par la réflexion et un minimum de bon sens économique.

Un emprunt ? Quel emprunt ?

Nous sommes à la deuxième phase d’une crise qui n’a d’équivalent que celle des années 30.
Cette crise a une origine qui est la non-maîtrise des mécanismes financiers (subprimes, LBO mais aussi déficits publics) ; ça c’est pour la sphère déconnectée du vrai monde.

Mais dans le monde réel, l’origine est une inadaptation profonde de l’offre et de la demande.
L’industrie automobile attend le modèle “sans pétrole” : elle est en surcapacité monstrueuse. Et au-delà de ce cas emblématique, toute l’industrie, du primaire au tertiaire attend de savoir de quoi sera fait le monde écolo dont on prépare les normes, le monde agricole capable de nous nourrir après la rupture climatique en cours, l’ordre mondial stable après l’effondrement des repères.

Le gouvernement Sarkozy I n’a rien vu venir, Sarkozy Ibis ne sait pas le gérer et ne fait rien sinon essayer de nous laisser croire que ses milles chantiers vont nous sauver (Sarko I) et que ce prêt va financer le redémarrage (Sarko Ibis). Certes, un bon manager doit faire visualiser le symbole de la victoire à ses équipes (nous fêterons cela !), mais un bon manager se doit d’être crédible sur le chemin à suivre. Et justement, de chemin, il n’y a pas.

D’abord parce que nous n’avons pas fini de tomber. Certes, financièrement, la coque du navire a tenu, mais nous commençons à passer aux plans sociaux, et là les dommages seront autrement plus sensibles que les 5 milliards misés au casino par Kerviel, l’arnaque de Madoff où les siphonages en direction des paradis fiscaux. Un milliard de moins sur une ligne de compte fait infiniment moins de mal qu’une assiette familiale désespérément vide !
Pour l’instant, les familles semblent tenir en se rabattant sur le low cost et en tirant sur leurs économies. Mais après ? Ne pas partir en vacances (un français sur deux cette année !) ne fera que retarder un peu l’échéance.
Où est le séminaire gouvernemental qui va nous expliquer comment gérer trois millions de chômeurs et des baby-boomers en retraite ?
Où est le plan d’avenir pour ceux qui sont en ce moment dans la vague des plans sociaux ?

Sarko semble donner dans la mystique du marché : cela finira bien par repartir tout seul, comme par magie telle une mauvaise grippe, en 2010 paraît-il. Financièrement, oui, cela repartira, peut-être avant même. Et alors Sarko sera prêt, avec un emprunt magique pour l’avenir.

Seulement, l’avenir passe par ici et maintenant. Cet emprunt risque fort de finir en autodafé.