Littérature : “Le liquidateur” par P. Moscovici

Peu de temps à consacrer au blog ces temps-ci ; il y aurait pourtant tellement à dire.

e-politis : Pierre Moscovici

Je me limiterai donc à signaler la sortie du livre de Pierre Moscovici (”Le liquidateur” pour ceux qui ne sont pas encore au courant). En cliquant sur le lien ci-dessous, vous pourrez également voir les autres livres de Pierre (et les acheter !).

Ils sont nés, souffrirent et moururent

Mars 2008. Il est des sujets de sociétés que l’on traite avec plus d’enthousiasme que d’autres. Ecrire sur le droit de concevoir un enfant ou celui de l’évolution de la cellule familiale fait partie des premiers. Ecrire sur le droit de la mort est tout autre. Le plus simple est de lâchement détourner le regard, de s’en remettre à quelques généralités, d’espérer que la question ne nous touchera pas. De toute façon, il ne s’agit que d’un mauvais moment à passer n’est-ce pas ? Et bien non, ce n’est pas qu’une question de mauvais moment, c’est un point fondamental de droit qui doit régir notre société et notre façon d’accueillir et de dire adieu à un citoyen.

Le droit à mourir n’est pas un choix d’un seul individu, en aucun cas, même si bien évidemment cet individu est l’acteur essentiel de ce choix et qu’il doit exprimer de façon claire et forte sa décision de mourir de façon volontaire. Cette expression est le préalable de tout, que la personne soit consciente au moment de l’instant de sa mort, ou que cette expression soit un choix exprimé bien avant, dans un contexte détaché de l’urgence. Mais si le choix de l’individu prime, il ne peut pas être détaché du contexte familial ou proche. La perte d’un être proche est une charge portée par l’entourage et cette charge doit, autant que faire se peut, être allégée. Il ne faut pas ajouter la culpabilité au deuil, le remord à la douleur. La rupture volontaire du lien avec la vie doit, dans ce cas précis, être un soulagement, un apaisement, pour que la vie puisse continuer avec le plus de force possible après cette mort. Enfin, la société par la voix de la loi, ne peut elle non plus pas être mise à l’écart. La République ne peut se désintéresser du cas dramatique de quelques uns de ses enfants. Elle ne peut pas faire peser la menace d’une condamnation, d’une injustice, juste parce que par principe, il est plus facile de ne pas regarder dans les yeux l’extrême douleur de ces enfants. Oui la République doit fixer un cadre formel, solennel, exceptionnel, dans lequel elle aussi accepte de porter le poids de l’arrêt d’un souffle de vie. Je crois que c’est là tout le sens du combat de Chantal Sébire, du moins c’est le sens de ce que j’ai pu comprendre d’une situation aussi exceptionnelle que dramatique. L’ayant entendu s’exprimer, j’ai été frappé par la clarté et la vivacité de son esprit, par la dignité qu’elle revendique et par le courage d’un combat qu’elle aurait pu s’épargner.

Aujourd’hui, je ne peux que plaider pour son dernier combat et lui écrire que mes pensées de citoyen d’une société bien moins courageuse qu’elle, l’accompagnent, même si elle ne lira probablement jamais ces lignes. En ce monde du moins.

Petit lendemain d’élections

Après ce premier tour d’élections municipales et cantonales, la gauche peut être satisfaite d’une bonne victoire d’étape, mais ne peut pas se glorifier d’un élan irrésistible et encore moins se réclamer d’une large sanction assénée au gouvernement, les élections au premier tour de certains ministres ou secrétaires d’état en étant la meilleure preuve. En gros, si la droite médiatique a été sanctionnée (et le silence sarkozien est éloquent), le vote des municipales a quand même gardé son caractère de proximité (les cantonales elles, moins compréhensibles pour le quidam, ont eut un caractère plus national et amplifient le bon résultat de la gauche).

Est-ce surprenant ? Non, je ne le crois pas. Depuis la primaire socialiste, on sait que le pays aspire à être gouverné à gauche, mais depuis cette même primaire, on sait que le PS n’a ni leader incontesté, ni même une direction porteuse d’un projet, d’un espoir, d’une dynamique en phase avec l’attente des français. La gauche a les jambes et les bras pour aller à la bataille et les gagner, mais elle n’a pas encore de tête pour gagner la guerre. Si la tendance électorale est confirmée au second tour dimanche prochain, le PS aura cependant reçu des français à la fois un soutien marqué, et une exigence pour en finir enfin avec une idée de la politique qui se limite aux effets de manche et au marketing de la politique yaourt. Ces derniers mois ont montré que les militants socialistes pouvaient ouvrir de nouvelles voies d’avenir (voir les travaux du manifeste social-démocrate) autant qu’ils étaient porteurs d’une force combative intacte (voir le redressement opéré juste après la présidentielle avec la législative, et tous les mini-combats qui ont contré plusieurs fois les dérives sarkozystes comme avec la bataille contre l’identification aux meurtres nazis par les enfants). Le PS est mûr pour son congrès et seules les ambitions personnelles peuvent maintenant le faire capoter, ce qui signifierait probablement son explosion. Enfin, que dire des alliés traditionnels du PS. Les verts confirment leur effacement du paysage politique, ce qui devrait être effectif lorsque la refondation aura inclus clairement et puissamment les rapports entre les sociétés et les écosystèmes dans son corpus idéologique. Quant au PC, il résiste finalement assez bien, confirmant qu’il existe bien une demande électorale pour une gauche radicale de gouvernement.

Une bonne victoire d’étape, continuons…

Des nuages sur la République

J’ai comme le sentiment d’être en apesanteur ce matin : aurais-je halluciné ? En quelques jours, nous avons eu des dérapages non contrôlés sur la laïcité, la shoah et les sectes, pour passer samedi à un merde au conseil constitutionnel et finir en apothéose dimanche par un “casse toi pauvre con” envoyé à un citoyen qui fait partie des 2/3 des français qui ne font pas à Sarkozy l’honneur de l’apprécier.

Pierre Moscovici avait parlé de vulgarité, je crois qu’il faut y ajouter un étage supplémentaire, totalement politique : le non-respect de l’esprit de la constitution et la contestation de la lettre. D’où ma crainte, en prolongeant un peu la tendance : on peut imaginer sans trop de difficultés que Sarkozy s’engage dans une logique de coup d’état.

Si on garde cette hypothèse, que peut-il se passer ?

1) L’UMP prend ses responsabilités et s’appuie sur la popularité de Fillon pour mettre Sarkozy en quarantaine. En respectant à la lettre la constitution, le 1er ministre a les pouvoirs nécessaires pour reprendre en main la conduite de la politique du pays et ne laisser à Sarkozy que les “honneurs” de la présidence. Ce serait la sortie de crise la moins cataclysmique mais cela demande un minimum de courage à droite et une conduite exemplaire à gauche. La seule riposte possible pour Sarkozy serait de dissoudre l’assemblée. Dans un tel scénario, il faut remarquer qu’en l’absence de congrès et de choix clair, le PS est toujours out…

2) La fronde des élus de gauche et du centre. Je ne sais pas trop quelle forme cela pourrait prendre mais la crise liée à un individu s’essuyant les pieds sur une constitution moribonde aboutirait ici à une crise dont la solution passerait par une nouvelle République accouchée par une insurrection constitutionnelle des élus locaux et régionaux contre le pouvoir central. Possible, cela dépendrait cette fois du courage de la gauche, du centre et d’une partie de la droite.

3) L’acceptation du coup d’état de Sarkozy devant des élus médusés. Possible que l’improbable réussisse parce que personne n’y croit. Mais je ne pense pas que cela tiendrait longtemps à cause de l’impopularité de Sarkozy autant que la conjoncture économique.

4) Autre scénario sombre, une épidémie de suicides à l’Elysée. Solution qui trahirait une noirceur insupportable de la République, mais qui a des précédents.

5) Enfin dernier scénario que je vois, même si je le tiens pour peu probable, un putsch militaro-industriel mettant fin à la République.

Voila, ce n’est qu’un sentiment, une projection sans valeur de prédiction, mais le seul fait que de tels scénarios soient un tant soi peu plausibles est inquiétant.

On sait que la République va mal, mais à quel point ?

Cruauté mentale

Je suis absolument révolté contre les propos de Nicolas Sarkozy voulant faire porter aux enfants du CM2 le poids du souvenir de crimes commis il y a plus de cinquante ans.

Jamais je ne pourrai accepter que mes filles aient à assumer la charge psychologique destructrice que serait une identification à une petite victime des crimes nazis.

Un tel cours ne serait ni enseigner l’histoire, ses faits, son contexte, ses conséquences, ni répondre dignement au devoir de mémoire. Il ne ferait que revenir sur un deuil douloureux et long et le prolonger ad vitam eternam à travers des enfants dont la plupart risquent d’être profondément bouleversés voire perturbés par le récit d’enfants arrachés à leur petit monde, entassés dans des camps, rationnés en nourriture et en soin, enfournés dans des bétaillères, glacés par le froid, séparés de leur famille, assistant parfois aux exécutions des fuyards, terrorisés par les chiens et les gardes, écœurés par l’odeur des camps, agonisant dans les vapeurs de ziclon B.

Propos excessifs ? Non, propos d’un père qui a compris la charge émotionnelle d’une simple chanson comme celle de Goldman (Comme toi) ou d’un film comme le Choix de Sophie. En tant qu’adulte et citoyen, je peux faire façe à cette charge émotionnelle et la prendre à mon compte pour me souvenir de ne jamais faillir devant la barbarie et le fascisme, en tant que père, je sais les dégâts que pourrait faire cette même charge émotionnelle sur de jeunes enfants ; et les propos que j’ai lu ou entendu aujourd’hui venant de pédopsychiatres me confortent dans mon devoir de protection de mes enfants, de tous les enfants.

Si cette décision devait être prise, elle ne serait purement et simplement qu’un acte de cruauté mentale envers ces enfants, acte perpétré au nom même de tous ceux dont on prétend honorer la mémoire. Ce serait une infamie, un crime.

Bulles et boulettes

Février 2008. Papy Marx nous a légué une réflexion sur le capitalisme qui a chatouillé le XIXème siècle et mis le XXème sans dessus dessous, mais qui au final, s’est révélée inefficace pour corriger les excès de ce monde, et fort douloureuse pour les peuples.

Parmi les erreurs de conception qui ont mené à l’échec, j’en retiendrai ici deux : une pensée newtionienne totalement déterministe (action implique prédiction de réaction, de ce principe découla nombre de théories économiques et d’outils inadaptés telle que la planification et le collectivisme), et second élément, l’idée qu’une analyse est indépendante de son environnement, de la structure même des sociétés. Or les sociétés de la fin du XIXème siècle, jusqu’à la 1ère guerre mondiale, étaient des sociétés très figées, stables (même dans leurs conflits et le colonialisme en fut un des résultats), faite d’optimisme sur ce que sera demain. Toute la fin du XXème siècle fut l’illustration du décalage entre le monde selon Marx et le monde réel fait de mouvement, d’émergence et de renaissance. Le mouvement n’est probablement pas fini et la mondialisation n’en est que la plus flagrante illustration.

Du coup, papy Marx étant renvoyé aux erreurs de l’histoire, le capitalisme s’est libéré du frein marxiste pour n’avoir d’autres horizons que… lui-même. Il me vient cette image : nous sommes passé d’un monde d’intérêts (a priori) opposés entre le salarié de Germinal et le patron repus dont le capital s’exprimait en usines fumantes, à un monde où une partie du capitalisme s’est détaché pour devenir antagoniste et du salarié, et du patron.

Cette excroissance du capitalisme, c’est le capitalisme financier qui partant du mécanisme boursier destiné à construire les usines de notre patron du XIXème siècle, en est arrivé à s’abstraire totalement de la réalité et à s’auto-alimenter spéculativement en pariant sur la rapidité des échanges et sur ce que sera demain. Ce capitalisme là profite à plein de la mondialisation, mais en tant que parasite, pas en tant qu’acteur construisant une nouvelle réalité ; dans cette sphère, l’argent n’est plus lié à la valeur des choses (en l’occurrence des entreprises, de leur marché, de leur savoir et savoir-faire) et réussit à imposer une logique qui souvent implique de tuer une entreprise, simplement parce qu’elle ne génère pas assez de mouvement, de possibilités spéculatives. C’est la fuite en avant des invasions dévastatrices de criquets.
Dans nos sociétés devenues mouvantes et sans visibilité sur l’avenir, le capitalisme financier est devenu à la fois l’adversaire du salarié (à moins qu’il ne tire ses revenus de la finance) et de l’entrepreneur (dont le projet peut à la fois être viable et pas suffisamment rentable pour mériter d’être financé). Le cas des chausseurs de Roman ou du jouet français illustre très bien cet état de fait : une marque peut temporairement avoir plus de valeur que ce sur quoi elle s’appuie. Dans cette optique, vendre la marque et liquider l’entreprise a un sens. Dans le vrai monde, c’est simplement une tragique stupidité.

En bout de course, on peut quand même se demander si la sphère financière qui détruit notre présent, a un intérêt qui compenserait le désastre immédiat. Difficile d’être catégorique, mais c’est peu probable, d’une part parce que ce qui est détruit ne peut facilement se reconstruire et que si on veut le faire, ce sera extrêmement plus couteux que ce qu’a rapporté la destruction, et que d’autre part, le mouvement de fuite en avant de la sphère financiaire est régulièrement stoppé par l’éclatement de bulles spéculatives (la réalité est têtue, on ne crée pas de la richesse avec rien). Rien qu’au mois de janvier, on estime par exemple à 5000 milliards de dollar les dégâts causés par la crise des subprimes (qui sont de la spéculation sur le financement des habitations).

A l’arrivée, si notre monde n’est plus déterministe, causal, si la réflexion ne peut plus se concevoir une fois pour toute et détachée des sociétés humaines, mieux vaut envisager des politiques économiques qui s’ancrent dans la réalité et combattre sans relâche les mécanismes qui s’en détachent en gardant la possibilité de la détruire. La sphère financière doit être contrôlée par des mécanismes qui expriment l’intérêt des peuples.

Misère en tête de gondole

Le mardi, pour moi, c’est le jour des courses. Et ce mardi, alors que j’examinais les mérites comparés du quinoa et du riz thaï estampillé commerce équitable au rayon bonne conscience de mon hypermarché, j’ai été abordé par une jeune fille en noir.D’une voix mal assurée, elle m’a demandé si je voulais bien… lui payer ses courses. Je ne sais pas si c’est la fatigue de la journée, ou le fait que quelqu’un vienne faire la manche d’une façon si inattendue qui m’a quelque peu assommé et donc empêché de fuir à toute jambe, mais toujours est-il que je me suis retrouvé soudain face à l’expression de la misère dans sa nudité la plus crue.Jusqu’ici, je savais que des bidons-villes s’étaient reconstituées en France et je manque peu d’occasions de dénoncer la politique de logement de notre riche pays, mais là, la misère venait taper à mon porte-monnaie avec un degré supplémentaire : il ne s’agissait plus de ne plus dormir dans des taudis, mais de manger. Tout simplement. Quel décalage entre les envolées pseudo-lyriques sur la politique de civilisation, les milliards budgétisés pour des réformes qui n’aboutissent pas, la mise en scène de carrières politiques qui ne valent même pas un classement en série B et cette jeune fille (20 ans peut-être) aux dents gâtées et qui ne demandait que de pouvoir manger des nouilles, quelques saucisses, et luxe suprême, avoir un peu de lessive.J’ai lu dans ses yeux l’abattement de ceux qui ont moins que rien, le courage qu’il faut pour surmonter la honte de n’être que moins que rien, mais aussi la peur d’être prise par les vigiles. Vu son accent, elle était probablement en situation peu régulière et en filigrane j’ai ressenti comme un étrange sentiment de traque venue d’un autre âge.Je crois que si nous réussissons à en sortir, nous aurons honte de l’époque que nous vivons actuellement.

Comment piper les dés démocratiques ?

Internet est un très bon univers probabiliste : s’il est possible de calculer qu’une chose a une certaine chance de se produire, on peut être sûr, vu le nombre élevé d’événements liés à cette chose qui se produisent, que cela arrivera, même si on n’est pas en mesure d’établir par qui et comment. Une probabilité de un sur un million devient une certitude sur internet parce que plusieurs millions d’internautes génèrent des milliards d’événements.

Du point de vue de la démocratie, cela signifie-t-il qu’il est possible d’extraire du web des événements capables de prédire ou de modifier un résultat électoral qui lui aussi est un événement probabiliste mesurable (ce qui est l’objectif des sondages) ? Et si oui, est-il possible d’agir pour faire pencher la balance dans un sens ou dans un autre ?

Dans une configuration où un seul des partis saurait utiliser le web, il est clair que la diffusion large d’une information destinée à orienter un vote serait en mesure de faire basculer une substantielle proportion de votes, parce que le web atteint une très large population et parce ce qu’il a une image de « vérité » supérieure aux médias traditionnels dont l’image s’est fortement dégradée (à telle point que « le tir au journaliste » assure un regain d’intérêt à l’endroit des politiques adeptes de ce sport). Dans cette configuration, il suffirait de dire partout et souvent que la vérité est à un endroit, sans contradiction, pour que la probabilité que cela ce produise augmente. Ce phénomène a été très bien illustré par le « il n’y a qu’elle qui peut le battre » qui à force de répétitions s’est autoalimenté et à rendu très improbable tout autre résultat, d’autant plus que pour la primaire socialiste, le web et les médias étaient très en phases.

Les partis ayant assimilé l’intérêt d’un relais sur le web, ils se sont naturellement dotés de moyens d’action sur la toile. Du coup, les probabilités se diluent en fonction du nombre d’acteurs politiques identifiés : a priori et au départ, chacun à une équiprobabilité de chance ce qui réduit d’autant la part de chacun (1 acteur = 100%, 2 acteurs = 50%). Cette dilution aboutit-elle vraiment à un espace équiprobable et à une diminution de la probabilité de « truquer » le résultat pour forcer un événement favorable (en l’occurrence faire basculer suffisamment de votes pour faire basculer une élection) ?

La dernière présidentielle est sur ce point à nouveau très instructive, en particulier la primaire socialiste.

Techniquement, de tous les postulants, Royal avait incontestablement avec Désir D’avenir l’instrument le plus organisé et le mieux à même de quadriller l’électorat.

Strauss-Kahn bénéficiait également d’une présence active avec son blog, mais plus orientée vers la réflexion et l’argumentation militante là où Royal ciblait une présence pertinente du point de vue marketing : écoute des doléances et renvoi vers les internautes sous la forme d’un message « j’ai bien compris que vous m’aviez dit que ». Un marketing inachevé de l’offre contre un marketing ficelé d’une promesse de réponse à la demande.

Enfin, il semble que Fabius, trop confiant dans ses réseaux (façon « vieille politique », parallèle de la « vieille économie »), se soit dès le début privé d’occuper sa part de densité de probabilité internet ; impossible pour lui de peser pour augmenter ses chances et même de diminuer la part des autres, malgré une part respectable au sein des journaux de gauche.

La primaire s’est donc jouée sur le web entre deux candidats, mais avec des moyens n’étaient pas du tout équivalents. Désir d’Avenir a procuré une structure opérationnelle permanente, active et coordonnée, un financement et un cadre identifiable par les autres médias.

La « petite boutique internet » strauss-kahnienne s’est limitée à quelques dizaines d’internautes militant de concert en se relayant sur un mode globalement autonome.

On pourrait ici faire un parallèle avec ce que l’on constate en informatique entre les sociétés de logiciels et les développeurs du monde open : cela marche dans les deux cas, mais la force de vente n’est pas la même !

Le nombre d’acteurs été sans doute moins déterminant que l’utilisation simultanée des médias et d’internet. Là où DSK avait une couverture médiatique bien inférieure à la couverture web (ce qui fut une des motivations du démarrage sur internet au début de l’été), MSR avait une puissance marketing qui s’est traduite par des pratiques médiatiques peu critiques (les « sœurs Brontë » n’en furent qu’un des exemples les plus flagrants). Les probabilités sur le web étaient appuyées par les probabilités s’appuyant également sur celles des médias classiques. Or pendant près de 6 mois, ces derniers furent mis à la disposition de Royal, probablement avec un appuis de circonstance de la droite française. A l’arrivée, les probabilités ont permis à DSK d’éroder fortement la popularité de MSR, d’avoir l’avantage sur le web mais pas dans les médias ; le délai ne fut pas suffisant pour provoquer une redistribution de la densité de probabilité, pas suffisant pour que l’influence du web prenne le dessus sur l’influence des médias traditionnels.

Statistiques de la présidentielle 2007

Cette redistribution eut lieu à l’entrée en campagne de Nicolas Sarkozy. Le premier coup de boutoir fut donné par le retournement du monde médiatique qui se mis à critiquer ce que les journalistes avaient encensés pendant six mois, voire chercher à « piéger » la candidate. Dans un deuxième temps, l’appareil internet de l’UMP put largement entrer en action et annuler l’avantage probabiliste de Désir d’Avenir.

Le même phénomène qui avait donné l’avantage à Royal à l’automne s’est inversé pour donner l’avantage à Sarkozy au printemps. La seule différence résidant dans l’orientation générale des médias, cela montre que pour cette élection en tout cas, si internet fut incontournable, les médias traditionnels furent déterminants.

Au final, tout ceci n’est pas très brillant car la distribution probabiliste s’est faite sur les apparences et pas sur le fond, ce qui a rendu le retournement de l’hiver possible, et qui se prolonge aujourd’hui avec un retournement contre le président élu.

Que faire à l’avenir pour éviter cela ? Plusieurs pistes.

D’abord chercher encore et toujours à renforcer la pluralité d’expression aussi bien dans les médias que sur le web. Pendant la campagne, les moteurs de recherche des journaux et du web permettaient facilement de constater d’énormes différences. Si le web est d’abord le reflet de ce qu’y mettent les internautes (et donc les militants et sympathisants), en ce qui concerne les journaux, c’est d’abord une affaire éditoriale, et l’indépendance des journaux est un vrai problème.

Les appareils politiques ont donc tout intérêt à ouvrir sur internet un espact ouvert aux militants d’une part, mais aussi aux sympathisants et aux citoyens qui ne demandent qu’à mieux participer à la vie démocratique de notre pays.

Une autre piste est de complexifier les espaces probabilistes. Aujourd’hui, une élection se fait sur un mode binaire (je vote ou pas pour quelqu’un), ce qui facilite la prédiction (les sondages). En changeant quelque peu le mode de scrutin, on peut rendre impossible la prédiction (ou la rendre totalement non fiable ce qui revient au même). C’est assez facile à faire en passant à un vote pondéré (chaque électeur donne une note de 0 à n en fonction du degré d’approbation qu’il porte à chaque candidat). On aboutit ainsi à une élection au consensus mais surtout, à cause de l’énorme variabilité des pondérations (si on donnera la note maximum à son candidat préféré, les autres varieront jusqu’au dernier moment), on aboutira à une imprédictibilité de fait du vote. Les sondages seront trop aléatoires pour peser et les candidats seront obligés d’argumenter sur le fond (l’offre) plutôt que de surfer sur des prévisions (la demande).

Un président made in China

Il y a quelques semaines, en passant dans les rayons du supermaché, la plus grande de mes filles a aperçu une 2CV parmi les petites voitures du rayon jouet. L’objet du désir ne coûtant que deux euros, Chloé est ressortie du magasin avec le superbe engin. Hélas, mille fois hélas, le bolide était passé au travers des crash-tests de l’Euro N Cap et voici tout ce qu’il reste d’une voiture qui fut en son temps la référence :

Non au made in China

Il est à noter que ceci n’est pas le résultat de plusieurs heures de sévices d’un ado turbulent, ma fille a trois ans et la voiture s’est retrouvée dans cet état en moins de 2mn ! Résultat, le pas cher “made in China” a fini a la poubelle et le joli rêve de Chloé s’est terminée en larmes, sans compter le fait que toutes les petites pièces présentent un réel danger. Cette voiture n’aurait tout simplement jamais due être vendue. Et dire que ce genre de pratiques commerciales exécrables ont réussi à couler la majeure partie de l’industrie du jouet français. Tout cela pour cela, c’est promis, la prochaine fois je paie le prix et quant à faire, j’achète européen !

Collisions d’éléments qui n’ont rien à voir entre eux, notre président s’est livré en ce début d’année à une conférence de presse disons, décallée. Là aussi nous avions acheté du clinquant en rayon et après des offres promotionnelles ciblées (défiscalisation en été, promesse de pouvoir d’achat contre heures supplémentaires ou rachat de RTT, PIB à 3% et plein d’autres douceurs), nous avons eu droit à un étonnant “le pouvoir d’achat c’est pas moi”, faisons marche arrière et marchons en crabe on verra où cela nous mènera. Si l’électorat de gauche ne doit pas être franchement surpris, à droite on doit être pris d’un certain malaise devant un président qui se veut sur tous les fronts, n’assume pas ses premières décisions et va à contre-courant de ce qu’il a décidé en annonçant la fin des RTT par exemple (et nouvelle collision, monster.fr vient de publier un sondage montrant que les français prenaient moins de congés maladies que leurs homologues européens et que ceci n’est pas sans lien avec les RTT justement…).

Quelle est la morale de ces histoires ? Qu’il faut savoir payer le prix des choses et que la qualité n’a pas grand choses avec le marketing. Alors je ne sais pas ce que nous aurons dans les rayons aux prochaines présidentielles, mais en ce qui concerne les jouets je m’en tiendrai aux jouets en bois bien de chez nous (petite pub gratuite…).

Le pétrole déjà out ?

J’ai découvert une étonnante nouvelle cette semaine en lisant la presse. Une société avait résolu tous les problèmes liés à la mise au point d’un nouveau mode de propulsion pour les véhicules et s’apprêtait à le commercialiser. Plus étonnant encore, le carburant utilisé pour la onecats (puisque c’est le nom de la future voiture) n’était autre que de l’air comprimé (carburant inépuisable quand on voit tous ceux qui brassent du vent de nos jours…). Et pour terminer sur le registre de l’étonnement, cette invention, française, avait réussi à intéresser le constructeur indien Tata Motors qui devrait commencer dès c

Voiture a air comprimé minicats

ette année la commercialisation. En somme, le monde se retrouve avec une voiture on ne peut plus écolo, utilisant un carburant inépuisable et pour une fois, les brevets ne seraient pas enterrés histoire de préserver les finances des conglomérats bien établis.

Les caractéristiques annoncées par la société mdi sont par ailleurs on ne peut plus alléchantes (de 3500 à 11900 euros), autonomie de 200 à 1500 km (selon le mode de carburant, tout air comprimé ou mixte avec essence) et un prix de consommation d’environ 1euro au 100km. Que lui manque-t-il ?

Bornes AireServices

Peut-être juste de l’avoir essayée mais aussi de voir sur pied un réseau commercial (MDI promeut d’ailleurs un modèle économique très innovant sous forme de micro-sociétés de proximité qui construisent et commercialisent les véhicules). Côté station service, des sociétés (AireServices par exemple) commercialisent déjà des bornes qui pourraient facilement être adaptées pour répondre aux besoins de ces nouvelles voitures.

Au bout du compte, que manque-t-il à cette voiture pour mettre fin à l’ère du pétrole en matière de transport et plus encore, à la plus grande menace qui ait jamais pesée sur notre société moderne, c’est à dire la non-maîtrise de la production de CO2 ? Je ne vois rien, sinon la disponibilité du bon de commande. Rendez-vous cet automne, en France peut-être, en Inde sûrement…