DSK victime d’un lynchage médiatique en Grèce

Ce post m’a été envoyée par Catherine S. et c’est avec plaisir que je le relaie.

Selon un article d’Alexia Kefalas paru dans le Figaro du 14 mars, le ʺfilmʺ  de Canal + sur DSK aurait provoqué un tollé en Grèce et ce seraient les petites phrases lâchées par DSK « La Grèce est dans la merde » et « La fraude atteint des sommets en Grèce » qui seraient à l’origine de ce presque ʺincident diplomatiqueʺ entre la Grèce et le FMI.

Grecque par mes origines, cet article du Figaro, mais aussi l’écho de la presse française sur la prétendue bourde de DSK, m’ont vivement interpellée d’autant plus que j’étais en Grèce la semaine dernière pour raisons professionnelles et que je me souviens très bien du reportage que j’ai vu jeudi 10 mars sur Alpha News (alphatv.gr, Στρος Καν: « Η απάτη πάει σύννεφο στηνΕλλάδα » http://www.alphatv.gr. Il y était question de ce documentaire, la scène des manifestants était la même, mais après, on voyait Papandréou et DSK assis ensemble en train de discuter. Le son était coupé et le tout était reproduit en traduction simultanée accompagnée de quelques sous titres. Il faut savoir que la chaîne grecque avait passé cette information à l’ouverture du journal du soir et qu’elle n’en avait reproduit qu’un tout petit extrait.

Et voilà ce qu’a donné la version grecque du documentaire français : DSK aurait dit « La réalité est que la Grèce est dans le caca et très profondément même ! Quand une femme dit qu’elle ne peut plus acheter du pain, elle dit la vérité. Toute cette colère est légitime. Les gens dans la rue ont le sentiment d’avoir été trompés alors que ce sont eux-mêmes qui ont mijoté les ingrédients (de la crise) et qui ne payent pas d’impôts avant d’ajouter littéralement « la fraude monte jusqu’au ciel en Grèce ».

Ce qui a déchaîné l’opinion publique, ce n’est pas le documentaire de Canal + comme l’affirme la correspondante du Figaro mais l’interprétation des propos de DSK par les journalistes grecs qui ont divulgué l’information en rajoutant des choses et en grossissant les traits.

D’autre part, dans le petit extrait qu’ils ont montré, ils ont affirmé aussi que Papandréou aurait sollicité l’intervention du FMI dès fin 2009 (à peine deux mois après son élection) alors qu’à l’époque le discours officiel du Premier ministre était qu’il rejetait complètement cette éventualité. Il ne s’agissait-là que d’une consultation privée entre les deux hommes puisque la décision de demander l’intervention du FMI a eu lieu après le vote de la loi fiscale du 5 mars, autrement dit après le plan d’austérité du 14 décembre, celui du 5 janvier, celui du 5 février … . Déjà en février 2011, le journal grec « Kathimerini » avait titré « Stauss-Kahn, une bombe pour la Grèce » dans son quotidien du 20 février http://news.kathimerini.gr/4dcgi/_w_articles_politics_2_20/02/2011_433401 en annonçant que le documentaire à venir réserverait des révélations sur Nicolas Sarkozy.

De retour en France, j’ai visionné le documentaire incriminé et je dois avouer qu’il n’y a rien dans ce reportage qui m’ait choqué vraiment, si ce n’est la scène où un mannequin à l’effigie de DSK est pendu par des manifestants sur une place publique. Si l’expression « la Grèce est dans la merde » est un peu dans la limite du politiquement correct, je ne comprends pas l’acharnement des journalistes qui en ont fait une montagne.

À titre de comparaison, je vous mettrai la transcription des propos réellement tenus par DSK sur la chaîne française avant de vous présenter les commentaires grecs de ces mêmes propos. Ainsi vous pourrez juger par vous-mêmes, si oui ou non, ce n’est pas d’un lynchage médiatique dont il s’agit.

Extrait du documentaire français : ʺUn journaliste interroge les manifestants dans la rue « Que pensez-vous de DSK ? » Réponse de la première dame en grec : « Qu’il aille se noyer » avant l’intervention d’une deuxième qui dit : « Moi, je lui donne un euro pour s’acheter un petit pain grec au sésame (genre donuts salé). Voilà ce que j’ai, c’est tout l’argent qu’il me reste (en montrant quelques pièces de monnaie qu’elle tient dans sa main) ». « Oui, ils nous ont tout pris » lance une troisième, « ils ont appris qu’il y avait de l’or en Grèce et ils sont venus tout nous prendre … » et on voit une foule en colère et quelques personnes qui portent trois potences avec trois mannequins dont l’un à l’effigie de DSK. Le reportage continue : Pour les Grecs, le plan de sauvetage est surtout synonyme de trois augmentations de TVA, d’un gel des retraites, d’une diminution des salaires des fonctionnaires, d’un allongement de la durée du travail et des baisses de crédit dans l’éducation. À leurs yeux, un seul coupable : DSK. Réponse de l’intéressé : « C’est normal et inévitable qu’ils nous en veuillent, même si on n’y est pour rien. Ça, c’est le raisonnement à froid. La réalité est que ces gens sont dans la merde et ils y sont gravement. Quand la dame dit « je ne peux plus acheter mon pain », la formule est un petit peu exagérée, mais c’est quand-même vrai. Et donc la colère qui s’exprime tombe sur ces salauds du FMI qui viennent et qui leur ont tout pris. Ce n’est pas vrai, on ne leur a rien pris. C’est le contraire, on leur a apporté de l’argent. Mais cette colère est légitime, les gens dans la rue ont le sentiment qu’ils ont été blousés, trompés. Eux-mêmes, ils ont beaucoup bricolé, ils savent très bien qu’ils ne payent pas d’impôts, que c’est un sport national de ne pas payer d’impôts en Grèce parce que ça truande un maximum et d’un autre côté, si on n’était pas venu à la dernière minute, quand ils nous ont demandé de venir, ils seraient tombés au fond du gouffre, c’est-à-dire deux semaines plus tard, le Gouvernement ne payait plus les fonctionnaires, il commençait à avoir des files devant les banques pour y retirer les sous, les banques fermaient, donc l’écroulement total. C’est injuste ce qu’ils nous reprochent, mais c’est normal » avant de poursuivre en anglais « tout le monde du haut au bas de l’échelle sociale doit comprendre qu’il doit participer à l’effort et plus vous êtes riches, plus votre participation sera grande ». DSK a beau vouloir faire payer les riches, les plus remontés ne l’entendent plus depuis longtemps. (…)ʺ.

Comme on le voit, le langage de DSK est loin du langage populaire et vulgaire que lui prêtent les médias grecs qui pendant quelques jours ont passé cet extrait en boucle sur toutes les chaînes. On voit bien que ce n’est pas la bourde de DSK mais l’interprétation des propos de DSK qui a déchaîné l’opinion publique en Grèce ! C’est comme si les journalistes cherchaient un bouc émissaire et qu’ils l’avaient trouvé en la personne de DSK, car il est plus facile pour eux de taper sur un étranger que sur les politiciens du pays. Même si c’est dur à entendre, DSK a raison de dire que la fraude fiscale atteint des sommets en Grèce, c’est une réalité ! Oui les Grecs ont triché sur tous les plans (fraude, corruption, pots de vin etc.). Pour plus d’informations sur ce point, vous pouvez également lire mes deux autres posts ʺCrise grecque – Qui est responsable ?ʺ et ʺUn autre regard sur la Grèceʺ dont voici les liens : http://www.lepost.fr/article/2010/05/03/2059361_un-autre-regard-sur-la-grece-crise-grecque-qui-est-responsable_1_0_1.html

et http://www.lepost.fr/article/2010/05/03/2059354_un-autre-regard-sur-la-grece_1_0_1.html

Même le Ministre de l’économie grec, M. Papaconstantinou, l’avait dit ouvertement en admettant que l’économie souterraine était évaluée de 30 à 40 % du PIB. http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/02/la-dette-grecque-bientôt-restructurée.html

Depuis la sortie de ce reportage, la presse, les journaux télévisés et les émissions politiques se sont relayés pour réagir aux propos de DSK oubliant complètement le travail de journaliste qui consiste à vérifier ses sources avant de divulguer des déclarations aussi polémiques qui ne sont basées que sur des traductions. Ainsi, le documentaire de Canal +, si inoffensif en apparence, a donné libre cours à l’imagination des journalistes qui ont tous affirmé que DSK aurait eu des propos très durs sur la Grèce.

Ainsi le journal ʺKathimeriniʺ a titré dans son édition du 10 mars http://news.kathimerini.gr/4dcgi/_w_articles_politics_100073_10/03/2011_435299 que Strauss-Kahn s’était exprimée sur la Grèce en utilisant les pires des mots « La réalité est que ces gens sont dans le caca (…) même si c’est eux qui ont cuisiné un peu, ils ne payent pas d’impôts, c’est un peu un sport national, du vagabondage à l’extrême ».

Selon le journal ʺto vimaʺ

http://www.tovima.gr/opinions/article/?aid=388946&h1=true

DSK aurait dit « Les gens sont dans le caca et même très profondément. Toute cette colère est juste. Les gens dans la rue ont le sentiment d’avoir été escroqués. Et ce même si ce sont eux-mêmes qui ont mijoté cette cuisine, qui ne payent pas d’impôts. La fraude atteint des sommets. On n’avait pas besoin de la confession de Strauss-Kahn pour voir le trou noir dans lequel nous nous trouvons. Ce qui nous dérange, c’est quand certaines vérités sont dites par des étrangers et tout particulièrement par le patron du FMI qui, du moins selon l’avis de l’opposition, est responsable de tout le mal qui nous arrive ».

 

Le journal ʺta neaʺ

http://www.tanea.gr/default.asp?pid=2&ct=3&artid=4621749

a fait sa une sur DSK en titrant « Si nous n’avions pas été là, VOUS seriez tombés dans l’abysse » comme si l’intéressé avait tenu ces propos en s’adressant directement aux Grecs.

 

D’autres journaux ont cru utile d’écrire que selon DSK « Les Grecs baignaient ou nageaient dans le caca » ou encore « qu’ils étaient plongés dans le caca jusqu’au cou » en expliquant que DSK aurait parlé d’eux de la pire des manières imaginables, traitant tous les Grecs de voleurs, de fraudeurs, d’escrocs et de tout ce qu’on veut.

 

Comme vous le voyez, l’acharnement des journalistes est incroyable et ils vont jusqu’à lui prêter des mots qu’il n’a jamais prononcés.

 

Qu’en pensent les Grecs que j’ai rencontrés sur place de tout cela ?

 

Et bien, il y a ceux qui ont très bien compris que l’Europe les a sauvés et qui reconnaissent volontiers qu’il y a plus de choses qui ont changé en six mois dans ce pays que pendant dix ans sous les gouvernements précédents tout en affirmant que la vie est devenue très dure pour eux. Après, il y a les mécontents qui tapent à fond sur Papandréou, surtout les fonctionnaires et les indépendants qui voient leur activité asphyxiée depuis qu’ils ne peuvent plus tricher comme avant et puis, il y a ceux qui pensent sincèrement que la Grèce s’en serait mieux sortie s’il elle était sortie de l’euro en disant que tout allait bien avant et que tous leurs problèmes sont venus avec l’euro.

 

Après, il faut dire aussi qu’ils ont l’impression que l’effort demandé n’a pas été réparti équitablement. Selon eux, les salariés et les retraités seraient les plus pénalisés. Mais ce qui fait râler les Grecs, c’est surtout le fait que ceux qu’ils croient responsables de leur situation n’ont pas été traduits devant la justice. Ils ont le sentiment que certaines personnes se sont enrichies impunément sur leur dos alors qu’on vient leur prendre leurs dernières économies.

 

Pour les supposés propos de DSK, il faut dire qu’ils ont du mal à digérer et on peut le comprendre. Il y en a un qui m’a dit : « Et bien si nous, on est dans le caca, on n’a qu’à le payer avec notre caca, comme ça, il sera aussi dans le caca et l’Europe avec ». On a beau leur expliquer, ils ont tellement été bombardés avec cette information qu’ils ne vous croient plus quand vous leur dites que DSK n’a pas dit ces choses-là.

Pour ce qui est du prochain déplacement du patron du FMI dans ce pays, je pense qu’il est un peu prématuré et qu’il ferait mieux d’attendre que les choses se soient clarifiées. J’estime qu’il est en droit d’exiger une rectification, voire des excuses publiques de la part des médias grecs qui se sont tellement acharnés sur lui. Quelles que soient nos convictions politiques, quoi que l’on pense de DSK par ailleurs, j’estime que Dominique Strauss-Kahn n’a pas mérité un tel traitement de la part des Grecs.

http://www.lepost.fr/article/2011/03/18/2439234_dsk-victime-d-un-lynchage-mediatique-en-grece.html?doFbPublish=2439234

Stupeur et tremblements

Quelle terrible début d’année !

Après la révolte des peuples du bassin méditerranéen, la semaine passée a été celle d’un début de renversement contre-révolutionnaire en Libye et surtout, le Japon a connu une série de catastrophes qui laissera longtemps des traces profondes. Voilà qui mérite qu’on s’y arrête pour en tirer un certain nombre de premiers enseignements.

Le Japon d’abord. Plus que nul autre peut-être, le Japon c’est le pays qui se voulait celui du triomphe de la technologie. Même si chacun au fond de lui le sait, dure leçon que celle qui nous rappelle que l’homme est loin, très loin, d’avoir les moyens de résister aux fureurs de la planète. Le pays qui est sans doute le mieux préparé aux tremblements de terre et aux tsunamis n’a pas pu empêcher grand chose cette fois-ci : deux catastrophes naturelles qui s’enchaînent c’est une de trop, et les catastrophes industrielles qui en découlent ne font qu’achever le triste constat.

Les images qui passent en boucle doivent maintenant nous renvoyer à notre propre cas. Même si nous ne sommes pas sur des failles sismiques aussi actives que celles du Japon, la France (métropolitaine ou pas), a elle aussi ses points chauds, est elle-aussi sous la menace d’un tremblement de terre suivi d’un raz-de-marée. Le golfe du lion est par exemple un bon candidat. Par ailleurs, Xynthia nous a montré, à toute petite échelle à côté du Japon, ce que pouvait donner chez nous un raz-de-marée.
Or il me semble évident que notre urbanisme côtier en particulier, est très en dessous d’un niveau de sécurité ne serait-ce que raisonnable vis-à-vis de tels phénomènes, et qu’il est même très probablement condamné face à la montée prévue des niveaux de l’océan suite au réchauffement climatique. J’avais écrit il y a quelques années un texte sur les éléments qui rendaient nécessaire le lancement d’un nouveau programme d’urbanisme, je crois que ce texte trouve une de ses justifications ici.
Après la catastrophe naturelle, sont venues les catastrophes industrielles. D’abord il me semble que l’on se focalise un peu vite sur le nucléaire en oubliant le reste. Les incendies des raffineries et dépôts de carburants auront-ils si peu de conséquences ? Aucune usine chimique n’aurait-elle été détruite ou cela aurait-il été sans conséquence également ? Probablement non, mais il est vrai que notre prisme de lecture est un peu déformé lorsqu’il s’agit de nucléaire. Le débat mérite cependant bien d’être mené et les écologistes s’en sont naturellement emparés rapidement.
La question posée est de savoir s’il faut supprimer ou pas toute production d’électricité nucléaire. Les plus radicaux des écologistes nous répondent oui, avec les images des explosions des centrales nucléaires japonaises à l’appui. Pour ma part, je poserai la question un peu différemment : quelles mesures peut-on mettre en œuvre pour diminuer régulièrement et fortement le risque lié à la production d’énergie (nucléaire ou pas) ?
Les écologistes sont allergiques au nucléaire et en font une question première. Pour ma part, je n’en suis pas fan, mais la question première est la production sécurisée d’énergie. Aujourd’hui, si vous décidez du jour au lendemain de supprimer la production nucléaire (ce qui est possible), il faut que chacun soit prêt à diminuer sa consommation électrique des 3 quarts (concrètement, sur 24h vous coupez votre électricité pendant 18h et vous diminuez drastiquement votre consommation pendant le temps restant). Sans oublier que ce que consomme les ménages est finalement assez faible en regard des besoins industriels. Ne demandez donc pas qui l’acceptera, demandez-vous si vous le ferez et si oui, commencez maintenant.
Faut-il alors considérer (comme au Japon) que nous n’avons raisonnablement pas d’autre choix ? Il se trouve qu’au sein du mouvement social-démocrate, nous avons pas mal réfléchi sur le sujet, et pour ma part, j’avais écrit en coopération avec quelques camarades un texte sur le sujet il y a quelques années. Sur cette question, l’idée de sortir du nucléaire ne nous était pas apparue comme hérétique, mais nous avions tracé un chemin qui était certes long mais raisonnable. L’idée était de dire qu’il fallait diminuer régulièrement le nombre de réacteurs, mais qu’il était possible d’en construire de nouveaux, plus puissants et sûrs remplaçant les anciens. Si on construit 2 réacteurs de nouvelle génération pour remplacer 3 réacteurs d’ancienne génération, on comprend bien qu’à terme, il ne restera que très peu, voire plus de production nucléaire mais que l’objectif premier (produire de l’électricité bon marché pour tous) est conservé.
Couplée à l’idée d’un nouvel urbanisme capable de produire sa propre énergie (entre autre), nous aurions là deux nouveaux outils de grande qualité. Voici donc un sujet tout à fait d’actualité, sujet auquel les sociaux-démocrates ont réfléchi et sont à même d’apporter des propositions intéressantes. Nous avons bel et bien des choses à proposer aux Français pour 2012 !

Deuxième sujet, la Libye. Je serai plus bref. Autant j’approuve la position de Nicolas Sarkozy lorsqu’il met en avant la défense de la révolution Libyenne (pour une fois que je suis d’accord avec lui !), autant je trouve que cela a mal été mené et pour l’heure contre-productif voire préjudiciable. Oui à la défense de la liberté contre l’oppression, oui à l’idée d’aider ce peuple, oui à l’étendard des valeurs universelles défendues par la France, mais non à cette manière irréfléchie qui court-circuite manifestement et la diplomatie française et nos alliés, qui fait dans le déclaratif, accélère les actions militaires du régime dictatorial Libyen et lui laisse le temps de faire sa sinistre besogne. Si l’on est pas capable de montrer rapidement le nez de ses avions, si l’on n’est pas capable de prendre les risques à la hauteur de ses ambitions et de son discours, alors que l’on assume son cynisme et sa lâcheté et que l’on reste au chaud.

DSK sur France 2 : le verbatim

Le dimanche 20 février 2011, DSK était l’invité de Laurent Delahousse, sur France 2. Il y eu une excellente audience de 6.9 millions de personnes, soit 7% de plus que l’audience habituelle de France 2 à cette heure.

Voici une synthèse faite par BFM.

Voici un verbatim.

00:45 la crise est loin d’être terminée
00:50 l’éloignement crée une vision de la France par rapport au reste du monde comprendre les avantages et les difficultés
01:20 tout ce que je lis de la presse française, italienne, allemande, l’Europe est dans une situation difficile
01:50 le devoir de réserve au sein du FMI
02:22 je suis un homme plus libre que je ne l’ai jamais été. J’ai la possibilité de dire à tous les chefs d’État de la planète, ce qui va et ce qui ne va pas.
02:40 on a pas dominé la crise sociale, et particulièrement en Europe
04:52 le G20 et la Chine, on a évité l’effondrement mais on a pas évité les souffrances, chacun revient à ses petits problèmes nationaux
05:30 le risque de déclassement de l’Europe, croissance faible, dette forte, prix des matières premières
06:02 souffrance en France, en Europe, les classes moyennes, Jacques Julliard dans Marianne parle du chiffre effrayant du quart des salariés qui gagnent moins de 750 euros par mois
06:39 rigueur ? il faut des finances publiques qui tiennent la route… relancer la croissance, celle de l’Allemagne est plus forte que la française
07:00 d’autres politiques économiques doivent pouvoir être engagées, plus actives
07:37 il n’y a pas d’orthodoxie libérale là dedans, lorsque le FMI a été le premier à dire qu’il fallait faire du stimulus budgétaire, faire de la dépense, parce que sinon l’économie mondiale, on nous a dit “mais on ne reconnait plus ‘notre’ FMI » le fait est qu’il a changé.
07:52 on n’échappe pas à mener des politiques raisonnables, on peut pas se permettre d’avoir des choses qui dérapent… il faut aider les gens sur-endettés à se remettre de façon juste.
8:18 “Vous aimez Keynes, la relance, Jacques Delors avait proposé une politique de grands travaux » : c’est une grande idée, j’ai toujours été un fervent défenseur de la construction européenne, la France toute seule, l’Allemagne toute seule, l’Italie toute seule c’est trop petit face aux géants que sont l’Inde, le Brésil, la Chine ou les États Unis
08:47 On a besoin d’une impulsion européenne plus forte
08:58 ce qui compte c’est ce qui se passe pour les gens dans la rue, dans la vie de tous les jours qui cherche un boulot, qui le trouve pas, qui a du mal à payer ses notes d’électricité, ou son loyer, on peut pas rester aux considérations générales sur la croissance, les grands chiffres macro-économiques, la réalité de la vie, c’est ce qui fait que l’Europe s’en sortira ou pas.

(…)

09:13
Question
On se souvient de Jacques Delors, lui il y quelques années, il s’interrogeait. Il était l’homme le plus populaire à l’époque, il envisageait peut être d’être candidat, puis dans cette interview, faite par une intervieweuse de qualité, Anne Sinclair, il avait répondu finalement “je n’y vais pas”. Qu’est ce que vous évoque cette histoire là, de Jacques Delors
Réponse
J’avais regretté qu’il n’y aille pas.
[long silence]
Question
ça ne vous suscite pas plus de com…
Réponse
C’est de l’histoire.
[hésitation du journaliste… silence]

(…)

09:49 Le monde arabe.
10:16 autocritique, nous avons été trop concentrés, moi-même, sur la macro économie, pas assez sur les inégalités et le chômage, pour ces pays qui reviennent à la démocratie.
10:45 il n’y a pas de bienveillance envers la Tunisie… le jugement qu’on portait il y a deux ans ne portait pas assez sur les inégalités
11:14 il y a 3 mois en novembre au Maroc, on disait que la bombe à retardement dans le Maghreb est la démographie et le chômage des jeunes, c’est exactement ce qui s’est passé et en Tunisie et en Égypte.
11:34 j’ai une mission à remplir, je la remplis… je n’entre pas dans le débat politique français… j’ai toujours dans ma vie essayé de faire en sorte que ce que ma responsabilité et ce que mon devoir me dictait là où je pouvait être le plus utile, je fasse ce qui était le plus utile, eh bien je continue, et aujourd’hui, clairement, c’est au FMI que je travaille

(…)

12:18 question « Votre épouse a eu une idée, c’est qu’elle ne souhaite pas elle que vous fassiez un second mandat au FMI, est-ce que vous êtes un homme qui écoutez parfois votre épouse”
Réponse “Toujours, d’abord on en discute, c’est bien normal, ce qu’elle dit a beaucoup d’importance pour moi, quand elle a quitté 7 sur 7, on a a discuté, c’est elle qui l’a choisit,… quoique je fasse à l’avenir évidemment on en parlera ensemble et son avis comptera”
12:48 mon travail aujourd’hui c’est de faire en sorte que Pays par Pays, on essaye d’arranger les choses, que pays par pays, on essaye de convaincre les gouvernements, et c’est jamais la même chose qu’il faut faire, parce que chaque pays est différent, pour que la situation aille mieux, que les plus vulnérables soient protégés… ça occupe mon temps, c’est ce qui aujourd’hui me semble être ma mission et je la remplis.
13:20 je comprend que vous vouliez m’entrainer sur ce débat, je suis le directeur du FMI aujourd’hui, et je ne suis que ça.

(…)

13:28 sur les attaques… « dans le métier que je fais, je suis capable de supporter des critiques plus dures que celles là »
“mais je vais vous dire autre chose quand même, ce qui m’indigne… c’est qu’il y a mieux à faire pour les responsables européens, en général, français en particuliers, que de la polémique. Les élus ils sont là parce que des gens leur ont demandé de résoudre les problèmes des gens et leur temps, ils doivent le consacrer à résoudre les problèmes des gens, pas à se préoccuper de leur prochaine élection. c’est vrai ici, c’est vrai ailleurs… si les gouvernements ils se préoccupaient de ce pour quoi ils ont été élus plutôt que de savoir comment ils vont gagner les prochaines élections, les choses iraient mieux »

(…)

14:50 Aujourd’hui au FMI, je m’occupe concrètement des problèmes des gens, on a sauvé des pays de l’effondrement, l’Islande qui est le premier pays dans la difficulté et qui aujourd’hui est sauvé… dans la difficulté, dans la douleur, pour les citoyens… c’est mon travail de tous les jours de faire ce qui est utile pour les gens…
15:36 Ce qu’évoque le mot socialiste . “l’espoir, l’avenir, l’innovation”

Espoir, avenir, innovation, voici une conclusion plaisante en attendant la suite.

PS : que vous soyez militants, sympathisants, ou citoyens simplement curieux, vous pouvez rejoindre notre groupe Facebook du « cercle FB des ami(e)s de DSK« .

Le vent du renouveau de mare nostrum


Peut-être est-ce que je me trompe, mais il me semble que nous n’avons pas assez pris de hauteur pour comprendre la force de ce qui est en train de se passer chez nos voisins méditerranéens. Pas assez de hauteur, mais également pas une vision temporelle assez large ce qui est une détestable dérive de notre mode de vie où la consommation est immédiate, où l’on oublie presque immédiatement ce qui vient d’être fait.

Essayons-nous donc à une autre grille de lecture. Depuis la fin de la deuxième guerre mondiale, les pays européens (ce qui incluait leurs colonies) s’étaient engagés dans un double mouvement d’intégration continentale et de désintégration extra-continentale, dont la désintégration en Afrique du Nord. Il est d’ailleurs intéressant de noter que le Royaume Uni qui a sans doute été le plus activement réfractaire à une intégration continentale forte est aussi celui qui a essayé le plus de garder au moins les apparences d’une unité de sa domination coloniale historique avec le Common Wealth (né en 1926).

L’Europe politique a cependant échoué, non pas que rien n’ai été créé, mais ce qui a été créé n’arrive pas à dépasser une technostructure, une philosophie de développement économique décidée de façon non démocratique, des institutions démocratiques déconnectés de l’intérêt des citoyens (d’ailleurs il n’y a pas dans la réalité de citoyenneté européenne, au mieux une vague aspiration à cela) et pas de vrai système de séparation de pouvoir législatif, exécutif, judiciaire couplé à un système d’investigation et d’information indépendant, puissant et unifié au sein de l’Union. Qui plus est, cette Europe, par le jeu du développement accéléré de l’Asie, de l’Amérique du Sud et sans doute bientôt de l’Afrique, est en train de perdre sa place historique de référence culturelle, de force économique et militaire majeure, ce qui est fort déstabilisant. Déclin inéluctable diront certains, fatalisme devant les marchés censés avoir toujours raison, mystique de quelques mystérieux cycle naturels, etc… Et bien non, et ce qui se passe en Méditerranée me semble en être un excellent exemple !

Tout d’abord, il me semble que les choses n’ont pas commencée à Carthage (Tunisie), mais à Athènes (Grèce). Dans la logique de la « décadence naturelle des peuples », la Grèce aurait dû faire faillite, sortir de l’Europe, accepter sa période de ruine. La tentation a d’ailleurs il me semble été assez forte à un certain moment, et cela aurait été économiquement « justifié ». Mais cela ne s’est pas passé ainsi parce que quelques hommes, européens convaincus malgré tout, se sont mobilisés. Fondamentalement, je pense qu’ils l’ont fait pour des raisons qui vont bien au-delà des considérations de dettes souveraines et de sauvetage de l’Euro.

Le vent du boulet passé, les choses ont continué cahin caha jusqu’à ce qu’un vendeur de fruits et légumes se donne la mort en Tunisie. Et le régime est tombé à une vitesse et avec une « facilité » qui reste étonnante. Il y avait des raisons politiques et économiques certes, il y a la révolution de la communication universelle et immédiate certes, mais une révolution est d’abord le fait d’éléments qui vont bien au-delà d’un problème économique ou politique immédiat : un mobile et un moyen ne suffisent pas au « crime ». Athènes a tremblé, la secousse s’est amplifiée à Carthage, l’onde de choc est parvenue à Alexandrie. Il me semble qu’il y a derrière cela les prémisses de quelque chose de profond, propre à l’histoire même de ce bassin d’histoire, de culture, qui dépasse le fatalisme des marchés ou des religions (« si dieu le veut« ), quelque chose qui doit être compris par l’ensemble des dirigeants de ce bassin, de chaque colonne d’Hercules en faisant le tour par Troie.

En reprenant l’idée du projet euro-méditerranéen exprimée entre autre dans « La Flamme & la Cendre« , la France aurait pu être la cheville ouvrière du renouveau de la Méditerranée. Hélas il ne suffit pas de savoir lire le titre d’un livre pour être un érudit et nous apparaissons dans ce mouvement naissant, au mieux comme un organisateur d’inutiles réunions internationales, au pire comme l’agent supplétif maladroit des forces de l’ordre locales. Par ailleurs je défends depuis assez longtemps déjà l’idée que pour ne pas créer une séparation nord-sud du projet Européen, il faut que cette Europe ait chaque pied dans un de ses deux bassins historique, créer une Europe de la Hanse et de la Méditerranée. Si j’ai raison, le mouvement actuel va donc se propager au sud certes, mais aussi remonter vers des pays comme la Roumanie, la Bulgarie, les Balkans, et il n’est pas exclus qu’il remonte par Massilia.

Il est temps de replacer la politique dans une perspective politique historique, il est temps d’arrêter de se laisser leurrer par la consommation immédiate de l’instant, il est temps que les aristocrates républicains français dont  la conscience démocratique est encore vivante redescendent à la rencontre de tous les vendeurs de fruits et légumes pour ensemble refonder l’avenir.

Sarkozy et le désert des Tartar(in)s


Figurez-vous que je me suis fait avoir.

Je m’étais dit benoitement que j’allais attendre un peu pour faire un petit billet sur notre sommité élyséenne, histoire de faire une synthèse sur ce qui avait été écrit de ce qu’il avait dit à sa conférence de presse. Après Jaurès et Guy Mocquet, notre touriste de l’histoire littéraire était semble-t-il devenu depuis lundi un social-démocrate convaincu, un défenseur de la régulation à deux doigts de présenter sa candidature aux primaires socialistes, pourfendant ainsi tous ces socialistes qui décidément seraient bien trop à droite à son goût.

Fébrile, je me décide à faire ma petite revue d’e-presse, demandant à l’oracle google ce que la toile pensait de la parole révélée lundi à la face du monde. Et me voici bien marri : sur les plus de 12000 résultats d’actualité, l’oracle nous renvoie en première page :
* du Sarko flic (affaire Laeticia, la récidive)
* du Sarko juge (loi sur les conflits d’intérêts – là il faut vraiment être frappé d’un Alzheimer violent pour avoir oublié Woerth)
* ouf en 3ème sujet, du Sarko pourfendeur de spéculateur capitaliste (il n’a pas été bon lundi sur ce coup là mais au moins il reste un petit quelque chose)
* du Sarko piraté chez Facebook (fichus internautes, vivement Adopi III, IV et V !)
* du Sarko tunisien (faisons voir notre savoir-faire en matière de recollage de pots cassés)
* et une future communication de Sarko en février.

En somme, 3 jours après une intervention archi-vendue, de Sarkozy icône étincelante du monde il ne reste plus grand chose sur la toile. Dommage, moi qui me réjouissait de faire un comparatif avec son futur adversaire probable à la présidentielle, c’est à l’eau.

Tout s’y prétait pourtant :
* le G20 où il y a quelques mois il a snobé l’ouverture et où DSK s’est retrouvé de facto le réprésentant le plus en vue de la France
* la politique internationale où Sarko vola naguère au secours de la victoire de Poutine, obligea la République à faire la révérence à Kadhafi ou Assad ou encore transforma l’idée d’un projet Euro-Méditerranée (idée piquée à DSK -p 260 de la Flamme et la Cendre chez Grasset) en un aimable jamborée, en face des louanges adressées à DSK (rassurez-vous, elles ne viennent pas de France et encore moins de la gauche radicale, ouf !)
* l’économie (mais là c’est de toute façon trop facile) où lundi Sarko reprend à son compte l’idée de la taxe Tobin qui par nature n’est pas applicable alors que Strauss-Kahn innove en proposant un système d’assurance sur le risque qui, s’il était décidé, serait lui très facilement mis en place et très difficile à contourner (contrairement à la taxe Tobin)
* la fiscalité, monument entre tous des échecs Sarkozy qui aurait bien été inspiré de récupérer le rapport fait par DSK en 2006
* le social tristement illustré par le début de septennat où le gouvernement SarkoFillon a arrêté de lutter contre le chômage (la démographie et le marché enfin libéré allant « régler » le problème tout seul) en opposition à la volonté du président du FMI de mener de front les problèmes sociaux et économiques

Avouez qu’une comparaison argumentée de la nouvelle « vision » du Sarkozy 2011 avec la vision de DSK dont les fondamentaux n’ont pas varié depuis son passage à Bercy (sinon avant), cela aurait eu de la gueule.
Mais faute d’un adversaire solide à l’Elysée, nous nous en remettrons à l’actualité à Washington en attendant l’été.

Les droits de l’homme et du dictateur

Tous les hommes naissent libres et égaux mais il semble que nous ne sachions guère comment guider les dictateurs vers cet horizon de liberté et d’égalité. J’ai pris le temps de la réflexion pour considérer la révolution tunisienne (et j’espère qu’elle aboutira effectivement à mettre en place les conditions de la liberté et de l’égalité) et je ne voudrais pas m’arrêter à la condamnation trop rapide, définitive et hypocrite de Ben Ali.

Il est certes aisé de condamner l’homme et son régime après coup mais il me semble plus difficile, et pourtant plus utile, de nous interroger, non pas sur ce que nous n’avons pas fait, mais bien sur ce que nous allons faire dès à présent. Nous (les socialistes mais aussi j’ose l’espérer l’immense majorité des Français) déclamons à qui veut l’entendre notre attachement à nos idéaux. Hélas, nous n’avons pas une vision très claire de la conduite à adopter lorsque nous n’avons pas en face de nous une dictature à la noirceur absolue, une dictature avec qui nous ne partageons rien.

Dans la zone grise des dictatures présentables à nos consciences, il semble qu’il nous soit tout aussi bien impossible d’avoir une position intransigeante sur les principes (parce que tout simplement cela n’a aucun effet sur la dictature) qu’une position franchement amorale parée de la vertu d’une real politik économique nécessaire. Ni anges ni francs salauds, nous nous contentons au final d’une médiocrité de petites âmes aussi promptes à offrir son savoir-faire en matière de répression qu’à bloquer cette répression à la douane lorsque la mauvaise conscience frappe à la porte.
Dans une France attachée à ses valeurs et ses racines, Michèle Alliot-Marie aurait dû non seulement (être) démissionner après son odieuse offre de service mais également être définitivement mise en marge de tout mouvement républicain. Or dans un gouvernement où celui qui a été le plus réaliste sur la Tunisie (Eric Besson) est un traitre à ses premiers engagements politiques, il apparaît normal de ne voir ici qu’un écart mineur devant être traité sur le plan de la politique à court terme et non sur celui de l’honneur d’un pays. Et gageons que cela n’ira pas plus loin.

Mais même si nous n’avons pas été aussi odieux qu’Alliot-Marie, les socialistes n’ont pas été dans le passé très brillants, ni dans le présent comme on peut en juger avec l’histoire de l’internationale socialiste. Cela ne me gène pas en soit d’avoir un Ben Ali à cette internationale, à condition que sa place ne soit pas à l’égale des démocrates, à condition que sa présence s’accompagne d’une action en profondeur pour le mener vers un horizon plus juste, libre, égalitaire pour son peuple.
Refuser le contact des dictateurs est une position de « pureté » trop facile, se compromettre avec eux en cédant sur tout et n’avançant sur rien est une infamie.
Il n’y a pas de compromis à avoir sur le but à atteindre, mais l’on doit se mettre en position d’être assez fort pour tracer un chemin, pour s’impliquer de façon commune sur ce chemin, pour dessiner et atteindre des étapes intermédiaires.

Il faut en finir avec les discours schizophrènes où la forme dit « j’exige liberté et égalité » et où le fond dit « j’accepte le compromis en contre-partie de ceci ou cela » car on perd alors sur les deux tableaux. Nous gagnons le mépris (justifié) de l’autre et n’avons que des miettes du marché que nous passons.

Alors soyons clairs camarades socialistes, qu’allons-nous proposer à Mohamed VI pour l’aider à progresser vers cet horizon que nous déclarons universel, qu’allons-nous proposer à Israël et aux palestiniens pour gagner cette terre de liberté, serons-nous assez forts pour proposer aux chinois un partenariat économique et de citoyenneté, serons-nous assez intègres pour juger inacceptable tout gouvernement salissant l’honneur, l’histoire et la grandeur des idéaux de la France ?

En Tunisie le printemps est précoce cette année


Même si l’heure n’est pas encore tout à fait à la liesse, la deuxième révolution tunisienne qui a évincé Zine el-Abidine Ben Ali président depuis 1987 de la Tunisie est un évènement tout à la fois heureux et inattendu pour le voisin d’en face que je suis.

Ben Ali n’était peut-être pas le pire des présidents du genre, mais nous ne savons décidément pas comment faire avec ce genre de situation, hésitant entre un renoncement un peu lâche se satisfaisant de quelques points positifs et l’alibi de se dire que ce pourrait être pire, ou l’opposition critique frontale et stérile n’amenant que crispations et aucun progrès.
A l’évidence, Ben Ali a échoué sur une évolution vers une société politiquement plus libre et démocratique. Mais est-ce tout ?

Du point de vue économique, le web a buzzé ces derniers jours sur une déclaration d’il y a deux ans du directeur du FMI qui disait en substance que les choix économiques de la Tunisie étaient les bons. Avait-il raison et si oui, pourquoi alors les Tunisiens n’y ont-t-ils pas trouvé leur compte.
Factuellement, DSK avait raison et la courbe ci-dessous le montre sans aucun doute :

La Tunisie a eu depuis des années une croissance qui a été le plus souvent supérieure à la croissance mondiale (et à celle de la France). Oui, mais voilà, l’économie n’est pas tout.
D’abord la démographie de la Tunisie montre une forte pression de la génération arrivant à l’âge d’entrée sur le marché du travail
Pyramide des âges Tunisie
Or les événements tunisiens ont montré que cette population était dramatiquement désespérée. Souvent qualifiée mais sans emploi porteur d’avenir, cette jeunesse a condamné le régime tunisien sans parfois hésiter à donner volontairement sa vie pour cela. Un pays qui ne donne pas d’avenir à ses jeunes n’a lui-même aucun avenir, et aucune richesse ne protégera un pouvoir ou une caste de privilégiés contre le désespoir. J’aime bien l’image qui définit l’économie comme une énergie de transformation : j’espère que la leçon aura été retenue et que les premières réformes du futur régime feront en sorte de ré-allouer massivement les bénéfices de la croissance tunisienne, de cette énergie, à la construction d’un avenir pour ces jeunes.

J’espère que la deuxième révolution tunisienne gardera les acquis (dynamisme économique, éducation, laïcité, égalité des sexes), voire que ces acquis serviront de base à la construction d’une nouvelle république, plus équitable pour chacun et égalitaire pour tous, plus démocratique.

J’espère également que la France proposera autre chose que d’envoyer des renforts et son « savoir-faire » policiers (quelle honte pour nous !), et que nous serons assez inventifs pour construire vraiment un pacte euro-méditerranéen qui renouera avec l’histoire millénaire et glorieuse du bassin méditerranéen.

J’adresse enfin mes salutations et mes encouragements au peuple tunisien qui a montré ces dernières semaines qu’en ces temps de renoncement, il est encore possible de renverser la table au nom de la justice, de la liberté, et de l’espoir de construire un monde meilleur.

Comment s’essuyer les pieds sur le paillasson de la misère tunisienne ?


Les troubles, pour ne pas dire plus, en Tunisie pourraient être l’occasion d’une réflexion sur bien des choses : notre approche géopolitique en Afrique du Nord, nos complaisances avec des pays certes amis mais peu ouverts aux idées démocratiques, notre empruntement à donner notre avis lorsqu’un problème touche une ancienne colonie, les modèles de développement du bassin méditerranéen, la misère générée par la crise mondiale actuelle, plein de choses qui interpellent et dont la réponse permettrait de faire avancer les choses et le monde.

Ca, ce serait dans un monde responsable, ouvert au questionnement et un minimum généreux.

Mais non, pour certains, il semble bien plus profitable de prendre une situation de crise économique, politique et social d’un pays voisin, pour la transformer en une bonne soupe pré-électorale franchouillarde !

Que dire de la désespérance des jeunes tunisiens ? Mais que tout cela est lié à l’ignoble DSK, l’imam sioniste affameur des peuples ! La preuve ? Fastoche, en 2008 il a fait un discours sur les espoirs qu’il fondait sur le modèle de développement tunisien et sa capacité d’aller de l’avant !



En plus, Ben Ali ayant mis une sardine sur la veste de DSK, nous avons là la preuve de l’odieux complot. CQFD.

Sur ce, nos voisins d’en face de la Méditerranée seront donc heureux de savoir que leur combat n’est pas vain puisqu’il permet d’orchestrer une belle campagne de buzz à visée franco-franchouille :
http://www.google.fr/search?q=strauss-kahn+tunisie&ie=utf-8&oe=utf-8&aq=t&rls=org.mozilla:fr:official&client=firefox-a

Vous ne manquerez pas de remarquer le copier / coller des titres : « la Tunisie est le bon exemple à suivre » (rien que 274 articles à ce jour reprenant ce titre et répétant inlassablement la même chose » http://www.google.fr/search?hl=fr&safe=off&client=firefox-a&hs=Te6&rls=org.mozilla%3Afr%3Aofficial&q=strauss-kahn+%22la+tunisie+est+un+bon+exemple+%C3%A0+suivre%22&aq=f&aqi=&aql=&oq=&gs_rfai= ).

Il vous suffira de cliquer sur les liens pour savoir qui est à l’initiative de cette gentille orchestration.

Qu’en conclure ?

Sans doute qu’en 2008 DSK avait mis un peu trop d’espoir ou de diplomatie dans ses propos. Dont acte, au moins cela confirme-t-il qu’il n’a pas toujours raison et qu’il a besoin d’une équipe avec lui.

Mais aussi, qu’hélas, un bon nombre de militants manquant substantiellement d’arguments sont prêts à surfer sur le malheur des autres pour alimenter leur tambouille locale.

Et qu’au final, le PS ferait mieux d’être un peu plus courageux en matière de relations étrangères, qu’après la Côte d’Ivoire c’est la Tunisie qui nous interpelle, et que la désespérance des peuples ou les égarements des gouvernants valent une meilleure réponse que celle qui est actuellement donnée.

Il y a du boulot, la refondation que j’appelle de mes vœux, c’est aussi cela.

Slate.fr place Dominique Strauss-Kahn à la 2ème place du classement des penseurs de ce monde. Et le PS ?

DSK classement des penseurs du monde Slate.fr (site spécialisé sur l’analyse des relations internationales Foreign Policy) publie pour la deuxième année son classement des 100 «penseurs mondiaux».

Et qui trouve-t-on à la deuxième place ? Le directeur du FMI, ex aequo avec Robert Zoellick (le patron de la Banque mondiale) récompensé entre autre pour avoir «réussi à empêcher la faillite de la Grèce, de la Hongrie, du Pakistan et de l’Ukraine sans entraîner trop de résistance» et avoir «imposé sa marque sur la géopolitique en convaincant l’Allemagne de s’impliquer pendant la crise grecque et en participant à empêcher une guerre monétaire internationale».

Le deuxième Français est une Française, Christine Lagarde qui n’apparaît qu’en 22ème place. On n’y trouve pas Nicolas Sarkozy (tient pourquoi ?) alors que Barrack Obama est juste derrière DSK.
Dans le match du leadership international entre Sarkozy et DSK, ce dernier a encore marqué un point.