Toulouse : Le droit de poser les questions

Il semblerait  qu’il soit interdit de poser des questions ou de s’exprimer sur la triste affaire Merah. Et bien tant pis, au risque de m’attirer les foudres de la cellule « riposte » de l’UMP, de ses officines et de son président border line, bien qu’instruit par la vindicte lancée à l’encontre de Jean-Jacques Urvoas hier,  je ne vais pas me limiter à un tweet mais je veux poser des questions, non en qualité de militant mais bien de citoyen qui s’interroge sur le fonctionnement de la police, des renseignements et de l’État Français.

Ces questions ne remettent pas en cause les fonctionnaires de la DCRI ou du RAID dont l’engagement et le courage a été démontré une fois encore dans cette affaire.

La DCRI

Le gouvernement Sarkozy a restructuré les renseignements français. Cette restructuration a-t-elle atteint ses objectifs, à savoir au minimum assurer aux Français d’avoir de meilleurs renseignements pour une meilleure sécurité ?

Il apparaît que la DCRI a eu, avant les tueries et durant la période de cette série d’assassinats, en sa possession beaucoup d’éléments qui pouvaient lui permettre au minimum d’appliquer une surveillance particulière à une personne dont les condamnations multiples montraient sa dangerosité, dont le discours, ses fréquentations,  ses voyages et les diverses plaintes contre lui montraient sa détermination. Pourquoi tous ces éléments n’ont-ils pas pu être assemblés à temps ? Est-ce un problème de moyens techniques ? Est-ce une conséquence de la baisse des effectives liée à la politique de non renouvellement d’un fonctionnaire sur deux ? Autre chose ?

Le RAID

Le RAID comme le GIGN ont toujours prouvé aux Français qu’ils étaient des policiers et des gendarmes d’élites dont les missions ont été à de multiples reprises des succès. Or à Toulouse, la mort de Merah, les policiers blessés et le risque encouru par les habitants à cause d’une évacuation tardive conduisent à constater que c’est un échec. Les explications données par le responsable de l’opération laissent penser que Merah a été sous-estimé et que les choix tactiques n’ont pas été les bons. Je ne suis pas en mesure d’en juger précisément, mais qu’est-ce qui n’a pas marché ? Pourquoi l’arrestation n’a-t-elle pas pu être faite au premier assaut ? Quels moyens ont réellement été engagés ?

Le ministre de l’intérieur

Eva Joly a évoqué la possibilité d’une faute de procédure concernant la présence et les actions menées par Guéant à Toulouse. A-t-il oui ou non outre-passé son rôle de ministre du pouvoir exécutif et privé le pouvoir judiciaire local de ses prérogatives ? Sa présence explique-t-elle en partie les dysfonctionnements de l’opération ? Sa politique du chiffre explique-t-elle que la police nationale n’a pas pu se concentrer sur ses actions de fond en matière de sécurité au profit d’actions permettant plus facilement de remplir les « quotas ». Ses multiples prises de position de stigmatisation communautaire (les roms, la viande halal pour les derniers en date) ont-elles contribué à renforcer le climat général qui a conforté Merah dans sa dérive vers la folie meurtrière ?

Conclusion

Si nous n’étions pas en campagne, ces questions seraient normales et chacun chercherait ensuite à en tirer les leçons pour améliorer le fonctionnement des renseignements, de la police et de l’État. Ne laissons donc pas des gens comme Copé essayer de faire diversion. A gauche, au centre, comme à droite avec Alain Juppé qui se montre comme un homme d’État responsable, nous demandons à comprendre où sont les failles actuelles des services assurant la sécurité des Français.

La Réunion : après l’indignation, la rébellion

En pleine campagne présidentielle, Nicolas le bafouilleur du Fouquet’s enchaîne déclamations et incantations à qui veut l’entendre. Mais entre deux annonces contradictoires, il ne dit rien des émeutes qui se déroulent depuis plusieurs jours à La Réunion.

La crise économique est évidemment à l’origine de ce mouvement social, mais contrairement à la métropole, le mouvement est en train de prendre une tournure dramatique. Claude Guéant, fidèle serviteur de la sarkozye, voudrait nous faire croire qu’il ne s’agit là que d’un mouvement de quelques jeunes, s’insurgeant contre des violences «absolument inacceptables», violences qui ne «vont pas permettre de régler les problèmes». Sans blague…


Il est légitime de se demander pourquoi à La Réunion les conséquences de la crise sont arrivées à un niveau inacceptables, et pas sur le continent.

Il y a plusieurs raisons à cela. La crise est d’abord plus aiguë pour les départements et territoires d’outre-mer car du fait de leur isolement maritime, la vie est déjà habituellement plus chère, la République ayant toujours échoué à résoudre cet aspect économique particulier. Et naturellement, les conséquences de l’incurie de 10 années de gouvernement UMP dont 5 particulièrement catastrophiques sont ressenties de façon beaucoup plus dures : le taux de chômage élevé devient explosif (28.9% contre 9% en métropole, et en particulier un taux ahurissant de 53.5% pour les 15-24 ans !), la vie qui était difficile devient alors dramatique (taux de pauvreté de 49% à La Réunion contre 13% en métropole). Pendant que Nicolas Sarkozy bat la campagne en jouant l’illusionniste, sa politique a tout simplement fait entrer ce territoire français dans ce que l’on appelait jadis le tiers monde.

Un dernier élément aggrave la situation réunionnaise, à savoir le fait que la population est jeune (34.4% ont moins de 20 ans), et ce qui pour une société est une formidable promesse d’avenir et un atout économique, est ici un honteux gâchis explosif.

Je ne fais pas partie de ceux qui chantent à tout vent leur amour de la révolution, mais je sais parfaitement voir et comprendre les situations où entre le désespoir et la révolte, les citoyens qui refusent la fatalité et le joug du renoncement créent des barricades et y mettent le feu.

La situation réunionnaise peut-elle s’étendre ? Sans aucun doute. D’abord bien sûr aux territoires dont la situation économique et sociale et très proche de celle de La Réunion, mais également en métropole si la situation devait continuer à s’aggraver. Je l’ai écrit depuis maintenant plus d’un an : ce que l’on a vu en Tunisie, puis en Égypte, puis en Libye, puis en Syrie, ce que l’on voit par épisodes en Grèce, ne sont pas des éléments isolés de quelques États « exotiques ». Ces situations ont en commun des éléments démographiques, des éléments économiques et des éléments liés à la libéralisation des moyens de communication et d’association numériques. La démocratie retarde l’expression violente des peuples car elle porte en son sein la promesse de l’expression de chacun et chacune. Mais en Grèce l’Europe se comporte comme un colonisateur qui refuse l’expression populaire lorsqu’elle ne va pas dans son sens. C’est suicidaire et criminel.

Quant à la France, le cri « dégage » se fait de plus en plus fort, et s’il est envoyé aujourd’hui à l’endroit de celui qui a plongé notre pays dans le puits sans fond de ses erreurs, il est également envoyé comme un rappel impérieux à François Hollande et au PS. Nous ne sommes pas là pour gagner par défaut, mais bien pour redonner à la jeunesse un avenir, à l’économie sa vitalité, à la France sa place et son honneur. Pas une voix ne manquera, mais pas un candidat de notre camp ne doit manquer !

Analyse critique de la connerie : de la déliquance au sécuritaire

UMP national socialisme

Cet été, l’équipe de com’ du gouvernement Sarkofillon a semble-t-il décidé d’occuper le terrain en ressortant un dossier pourtant plus usé qu’une vieille espadrille : la sécurité.

La chanson est charmante : ces socialistes mâtinés de national-socialisme (rien que cela), ces incapables angéliques qui pérorent et n’agissent jamais (communiqué du 11.8.2010 de D. Paillé), alors que nous à l’UMP on est bons, on défend les Français (les vrais), on agit (même si c’est pour arrêter des dizaines de types devant les caméras et les relâcher le lendemain vu que l’on n’a rien contre eux), bla bla bla, bla bla bla. Je pense que d’ici la fin de l’été nous aurons droit à l’annonce d’une nième loi sécuritaire dont le francicide Sarkozy a le secret, et qui viendra compléter utilement la loi de déchéance de nationalité qui a peu de chance de passer à moins d’une reddition parlementaire vichyssoise (méfions-nous tout de même !).

Mais revenons aux bases du problème en quelques questions.

  1. La France a-t-elle des problèmes de délinquance, en particulier de délinquance des jeunes ? Oui, c’est une évidence.
  2. Les lois sécuritaires dont Sarkozy nous abreuve tous les trois ou quatre mois ont-elles donné des résultats ? A l’évidence non puisqu’il ressent le besoin de continuer à en générer de nouvelles en montant crescendo dans la privation de libertés et de droits (alors même que la loi annoncée sur la nationalité est en conflit direct avec l’article 15 de la déclaration universelle des droits de l’homme).
  3. La gauche est-elle permissive, angélique, criminogène, contre l’honnête citoyen et pour les voyous ? Non, tout acte délinquant ou criminel doit être condamné et réparé sans faillir ni faiblir. Mais cela mérite que l’on s’y arrête 2mn pour expliquer un tant soit peu les fondements de notre position.

Le traitement réfléchi de la sécurité mêle au moins deux éléments forts et clivant droite / gauche dans l’approche que l’on peut avoir d’une société :

  1. le rapport à l’ordre
  2. le rapport à la responsabilité groupe / individu

L’homme de droite a généralement un rapport à l’ordre très marqué : la déviance à la norme n’est pas tolérable, l’ordre doit être respecté avec une composante judiciaire et policière puissante (on remarquera au passage chez Sarkozy un fort attachement à la police et une défiance tout aussi forte envers la justice).
Concernant la responsabilité, chacun est supposé éclairé et comptable de ses actes : même si les conditions sont défavorables, le délinquant disposant de son libre-arbitre pouvait choisir le bien ou le mal, s’il dévie il doit en assumer l’entière responsabilité, le “bon citoyen” n’ayant aucune responsabilité soutient totalement les actions allant dans le sens de l’ordre qui par ailleurs le protègent.

L’homme de gauche a un rapport à l’ordre moins marqué, la liberté s’accommodant plus difficilement de la norme sociale, et le citoyen émancipé se retrouvant quelque peu étouffé dans un univers normatif trop contraignant. Les relations avec le groupe sont choisies, non subies.
Concernant la responsabilité, chacun est contraint par son environnement et lorsque quelqu’un se retrouve dans un environnement criminogène, l’individu seul ne peut pas être comptable de tout : la société a sa part de responsabilité.

Il est à noter que ces deux positions sont présentées de façon simplifiée et ne représentent pas la complexité qui construit effectivement chacun de nous.

A partir de là, il est aisé de comprendre qu’une position de droite est plus facile à défendre qu’une position de gauche : pour la droite, un délinquant = une sanction sans nuance = la préservation de la quiétude de tout un chacun, alors que pour la gauche, la sanction est nécessaire mais nous questionnons la part de responsabilité de monsieur tout-le-monde. Avons-nous fait ce qu’il fallait pour éviter que le délit ne soit commis ? Ce qui aboutit à la question de l’équilibre entre prévention et répression. Réprimer est facile et visible (satisfaisant ?), prévenir est long, non visible, aux résultats éternellement remis en question.

Les discussions autour des “shooting rooms” illustrent d’ailleurs parfaitement ce débat. Roselyne Bachelot vient de se faire sévèrement recadré pour avoir voulu tester en France ces lieux où les toxicomanes (donc délinquants aux yeux de l’ordre) peuvent venir prendre leur drogue. Les intérêts sont pourtant là : disparition des seringues dans la nature, possible encadrement psychologique et médical des toxicomanes, diminution du trafic de drogue et de la délinquance liée. La société s’occupe d’un problème de façon préventive. Certes, mais du point de vue de l’homme de droite, c’est un délinquant, il est libre et comptable de ses choix, la société n’a pas à faire autre chose qu’à le ramener de force dans le droit chemin : l’aider à se droguer est inacceptable même si de facto, cela permet de traiter nombre de problèmes de sécurité et de santé.

La gauche n’aime pas l’approche sécuritaire (voire militaire ce qui est le degré au-dessus) des problèmes sociaux, non pas parce qu’elle est tolérante vis-à-vis de la délinquance, qu’elle a une vision angélique des solutions, mais parce qu’objectivement, les problèmes de sécurité sont un tout incluant éducation (l’école), prévention (l’assistance sociale et judiciaire) et répression (police et justice). Ces trois éléments doivent être adressés de façon globale et cohérente. Lorsque ce n’est pas le cas et que l’on se focalise sur le sécuritaire, c’est l’échec assuré même dans les expériences d’encadrement militaire qui finissent invariablement par échouer, où la volonté de prévention est traitée de façon coercitive et normative (ce qui est en soit un paradoxe puisque le rejet de l’autorité est censé être traité par un renforcement de l’autorité)

La société, en créant des situations qui désespèrent les jeunes parce qu’objectivement ils n’ont pas d’avenir, doit également travailler sur elle-même. “L’honnête citoyen” ne peut pas se contenter d’avoir peur devant sa télé, mais doit encourager les efforts pour recréer les conditions d’un avenir pour tout-un-chacun. Quelqu’un qui n’a pas d’avenir a toutes les raisons de se révolter : ce n’est pas une idée laxiste, mais un constat de bon sens. Les réflexions sur la politique de la petite enfance menées par les sociaux démocrates vont dans ce sens : comment peut-on rebattre structurellement les cartes attribuées à la naissance, cartes qui vous condamnent parfois dès votre première heure de vie à entrer sur la voie de la délinquance. Cette voie nouvelle doit être explorée et proposée aux Français en 2012.