Droit de la vie. Droit de la mort

cours-europeen-droits-hommesL’actualité m’incite à revenir sur le droit de la mort, un thème que j’ai déjà traité plusieurs fois mais qui au fil des années a bien du mal à trouver une solution satisfaisante.

L’acquittement du docteur Bonnemaison et la décision du Conseil d’État suivi de la décision de la Cours Européenne des Droits de L’Homme sur le cas Vincent Lambert apportent des éléments éclairant sur ce thème.

Tout d’abord, dans mes billets précédents sur le sujet, je défendais le principe même d’une décision aboutissant à l’arrêt de la vie du moment que cela était encadré par la loi et prenait en compte

  • l’avis de la personne concernée, qu’il soit exprimé explicitement ou implicitement
  • l’avis de l’entourage proche
  • l’avis du corps médical
  • l’avis de la société par la voix de la justice

Les deux cas d’aujourd’hui montrent que si la loi Léonetti est une bonne chose, elle n’est pas suffisante, ce qui était connu.

Elle n’est pas suffisante dans le cas Bonnemaison puisqu’il y a hiatus entre les actions du médecin qui sont stricto sensu hors la loi et le jugement de la cours d’assise (et du procureur d’une certaine façon) qui en reconnait le côté légitime et non condamnable. Si la loi avait été correcte, un procès aurait pu avoir lieu pour n’avoir pas respecté la nécessité d’une décision collégiale des tiers concernés et certes pas pour empoisonnement.  Mais comme l’a dit l’avocat du docteur Bonnemaison, on ne peut pas être à moitié coupable et c’est pourquoi l’acquittement a été prononcé.

Le cas Vincent Lambert est encore d’une autre nature puisque toutes les parties ont été consultées et que l’avis final était une décision d’arrêt des soins avec pour conséquence prévisible la mort. Le recours devant la Cours des Droits de L’Homme suspend cette décision pour passer à une décision de niveau supra-national.

À mon sens, il y a là un problème.

Si le cas étudié n’était qu’un problème légal, la hiérarchie de compétences légales, nationales et supra-nationales ne me poserait pas de soucis puisqu’elle résulte d’accords librement signés par l’État sur des cas clairs (à défaut souvent d’être simples). Le soucis est qu’ici on voit clairement que l’on est à la frontière de ce que peut faire le droit et que l’on se heurte aux impératifs d’un consensus moral sur ce qui est bien ou mal. Le droit peut être plus ou moins partagé internationalement. Mais même en prenant le point de vue très français de l’universalisme des valeurs (nos droits de l’homme), il faut bien avouer que sur ce qui est du droit de la mort (mais également de la vie), les fondements culturels d’une société (donc d’un pays) ne peuvent pas être passés sous silence.

Dans le cas Lambert, il y a eu finalement un consensus même si l’unanimité n’a pas pu se faire. Toutes les parties concernées sont arrivés à décider de ce qui pouvait être moralement fait ou pas et donc tranchait là où la justice n’y arrivait pas seule. Le jugement de la Cours De Justice Des Droits de L’Homme ne peut rien ajouter de plus à cela, sa décision qu’elle qu’elle soit sera nécessairement arbitraire, fondée soit sur une interprétation mécanique de textes qui ne peuvent prendre en compte la complexité de la situation, soit fondée sur des éléments moraux qui ne sont pas nécessairement ceux qui s’appliquent à notre société. Et encore sommes-nous ici dans un cas où les valeurs nationales et supranationales sont très proches.

J’ai bien conscience de la brèche que ces réflexions impliquent dans l’idée d’avoir des cours internationales de justice. Le droit ne dit pas ce qui est juste ou pas, il permet de donner une décision acceptable applicable sans contestation dans des cas de conflit. Cependant dans quelques rares cas complexes où les valeurs morales ne font pas l’objet d’un consensus large, la loi et la société sont en crise.

Dans le cas Lambert un consensus avait été trouvé, la Cours De Justice Des Droits de L’Homme ne doit pas aller contre et à mon sens devrait refuser de statuer.

 

Jusqu’ici tout va mal…

noaa-avril-2014Pas le temps de s’apitoyer sur la défaite des européennes (c’est quand la dernière fois où les électeurs nous ont fait confiance sur cette élection ?) ni de  s’étendre sur la dislocation de l’UMP (quand l’argent est une valeur, on finit toujours par périr par l’argent). Quant au FN, même avec un marketing efficace et un relookage « sois propre sur toi et souris sur la photo« , il reste un parti dont la valeur principale est la détestation partagée de l’autre ce qui mène là aussi inévitablement à la dislocation (de la société en l’occurrence).

Non, ce qui me préoccupe aujourd’hui ce sont les dernières statistiques sur la bascule climatique. S’il ne reste plus grand monde pour nous expliquer que l’homme n’y est pour rien et que c’est un phénomène cyclique, cette bonne blague est maintenant à ranger au rang de l’anecdote au regard de ce que l’on constate.

Aux États-Unis, ce printemps a été le plus chaud depuis le début des prises de mesures, les records s’enchaînent et en France avril a été au 5ème rang des mois d’avril les plus chauds depuis 1900.

Les concentrations de CO2 dans l’atmosphère ont pour la 1ère fois de notre histoire dépassé 400 parties par million (ppm) contre 278 ppm au début de l’ère industrielle.

Dit autrement, il est plus que probable que l’on reverra des hivers avec des tempêtes qui ressemblent de plus en plus à des ouragans (drôle de mot sur nos côtes), que toutes les villes côtières vont devoir prendre des mesures soit pour protéger les constructions en front de mer, soit pour les évacuer, que l’on attend de voir si cet été va tourner au climat tropical ou désertique et s’il faudra renommer les pluies d’automne « mousson ».

Cette fois on y est. Si l’État continue à être paralysé il faudra s’en passer. L’époque a au moins cela de positif que c’est possible, les citoyens ont les moyens d’agir et de faire lorsqu’il y a carence. C’est peut-être cela la VIème République.

201404

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Pour approfondir :

 

Dubitatif

manuel_valls_referenceAprès la défaite des municipales il fallait changer de gouvernement. C’est fait. Mais qu’en penser ?

Le gouvernement Ayrault souffrait de problèmes de visibilité et de discipline et si on ne doute pas que Manuel Valls a de la poigne, le moins que l’on puisse dire et qu’il a intérêt en plus d’être fin stratège puisqu’il devra trouver une cohérence entre l’orientation social-libérale qu’il incarne à gauche, la gauche plus ou moins radicale à la sauce Montebourg ou Hamon, le retour des Royalistes et les zélotes de la synthèse.

Le départ des écologistes (toujours aussi incompréhensibles d’ailleurs puisqu’ils refusent le ministère qu’ils ont toujours voulu avoir) lui faciliterait la tâche s’il ne trouvait en face de lui Christiane Taubira avec qui il a pu afficher ses divergences et une Ségolène Royal sur le retour, personnalité dont on connaît l’imprévisibilité et le goût pour les coups d’éclat.

En terme de courants (puisqu’on aime bien cela au PS), on a finalement un barreur au centre gauche, des ministres de la gauche radicale, l’affaiblissement des socdems et des Hollandais pour essayer de faire tenir la sauce.

Voila pourquoi je suis dubitatif. Au moins va-t-on savoir si Manuel Valls est un meneur d’hommes hors pair ou pas.

Le Sénat planche sur le bitcoin

bitcoinsÉtrange sentiment en regardant cette vidéo.

Le bitcoin, une monnaie qui n’ose pas dire vraiment que c’en est une, aux fluctuations erratiques très rapides, au fonctionnement qui reste mystérieux au commun des mortels, dont on vous dit à la fois qu’elle est anonyme tout en affirmant plus loin que « tous le monde regarde si les bitcoins du FBI sont utilisés », un nombre maximum de bitcoin disponibles fixes mais des destructions régulières certaines (suite à des pannes informatiques par exemple), une fragilité intrinsèquement liée à sa nature technologique, un délai important entre l’ordre d’achat et l’achat.

Il ne suffit pas d’être fasciné par une nouvelle technologie, même acceptée ailleurs, pour se jeter dessus. La monnaie est un attribut régalien des États et que n’a-t-on pas dit sur la perte de souveraineté lorsque nous sommes passés à l’euro.

À quel(s) besoin(s) répond le bitcoin ? Qui peut garantir sa valeur ? Quel intérêt a-t-il pour un pays et ses citoyens ?

Complément : FAQ sur le bitcoin

Criage et tri sélectif

guerilla-poubelle-photo-50efe919ba6c9Comme pour tous les habitants en Iroise, cette année a été celle d’un changement visible, d’une révolution urbaine colorée : j’ai reçu il y a quelques semaines ma poubelle jaune qui a rejoint harmonieusement sa compagne verte au coin de la maison.

Ce ballet coloré est aussi l’occasion pour les ardents partisans des collectifs anti-tout de trouver en cette grise fin d’année une occasion de donner de la voix et de la pétition revendicative. En effet, pour ceux qui seraient très récemment revenus de vacances ou qui souffriraient de dyschromatopsie, la règle est maintenant d’alterner chaque semaine la jolie poubelle jaune toute neuve avec la non-moins jolie mais plus vieille poubelle verte.

Certes, il faut désormais maîtriser sa production de déchets, jongler entre le recyclable sans le verre, le verre qu’il faut toujours amener au point de recyclage, les déchets ordinaires et pour leurs heureux prioritaires, avec le bac à compostage. Alors oui c’est un peu plus compliqué qu’avant, et oui, les déchets peuvent rester jusqu’à 2 semaines dans leur bac. Mais cela vaut-il un début de révolution avec ou sans bonnet rouge ?

Dans la recherche de rationalisation de ce mouvement est apparu l’argument idiosynchratique censé renverser cette déferlante jaune : ici on mange des crustacés et 15 jours dans la poubelle, cela ne va pas le faire (ailleurs sans doute aurait-on eu recours au fumet du reblochon ou au reste de rollmops).

Que chacun se rassure, emballé correctement dans son sac, les déchets ne causeront ni Tchernobyl olfactif, ni épidémie de choléra et les éventuels accidents devraient pouvoir être gérés par les municipalités concernées. Tout changement de ce type génère son lot de soucis, mais généralement cela se résout correctement au final.

Je m’interroge par rapport à cette histoire à l’état de notre société où tout changement, petit ou grand, est prétexte à partir en campagne. Est-ce l’expression d’un symptôme à l’échelle de l’individu du malêtre face à de réels changements, aussi globaux que particulièrement profonds ? Est-ce une perte de repère de ce qui importe vraiment ? Est-ce l’état d’esprit de Français devenus acariâtres et qui cacheraient un abattement quotidien un peu lâche par quelques éclats collectifs ?

ilotplastique-350x250Il y a de vrais combats à mener. De vrais défis à relever. Un monde à inventer. Oui il y matière à se battre, à se révolter, à contester, à bâtir différemment.

Mais de grâce, n’usons pas notre force sur des problèmes de poubelle de ce genre !

Mandela day

mandelaIl n’a pas amassé une fortune colossale en ruinant des boursicoteurs naïfs.

Il n’était pas un artiste marketé survendu à coup de j’aime sur Facebook.

Il ne faisait pas partie de ces sportifs se plaignant de payer trop d’impôts.

Il n’était pas un de ces penseurs dont les pensées profondes sont rythmées par les rentrées littéraires et les salons où ils faut être.

Il n’était pas de ceux qui renoncent en se justifiant d’un gauche / droite c’est tous les même.

Il n’était pas un politique bateleur de foire, carriériste, vendeur de discours chamallow.

Non, il était de ceux qui écoutent encore plus qu’ils ne parlent, de ceux qui risquent leur liberté pour de nobles et grandes idées, de ceux qui combattent pour la justice, de ceux qui ont l’humilité d’apprendre de leurs erreurs, de ceux qui pensent qu’un honnête homme doit s’occuper des affaires publiques, de ceux qui tissent des liens entre les hommes, en particulier lorsqu’ils sont différents.

Il était Mandela et il montre le chemin à tous ceux qui veulent avancer.

L’écho des taxes

imagesLe gouvernement a mis de côté l’écotaxe, ce projet initié par l’UMP sous la houlette de Jean-Louis Borloo après le grenelle de l’environnement. Je ne sais pas si l’euthanasie est proche mais il serait bon d’éviter l’acharnement thérapeutique… En tout cas, il est plus que judicieux d’avoir arrêté les frais car le niveau de violence était monté au-delà du raisonnable et le mouvement assez largement partagé il me semble, commençait à être parasité par des aspects indépendantistes plutôt radicaux et des appels à la casse.

Cette histoire est révélatrice de bien des choses.

D’abord, et comme le ministre de l’économie Pierre Moscovici l’avait déjà relevé pendant l’été, nous sommes arrivés à un niveau de pression fiscale maximale. Les Français, bon gré mal gré ont accepté de payer pour les carences passées mais il n’est plus envisageable d’en demander plus, et il me semble même souhaitable de commencer à sérieusement réfléchir au calendrier de retour à une pression fiscale plus soutenable. On peut voir que les efforts consentis n’ont pas été vains, mais on voit aussi que la situation budgétaire n’est pas encore assainie. Reste-t-il des marges de manœuvre pour diminuer la dépense ? On veut nous faire croire « qu’à l’évidence c’est oui« , mais lorsque je vois nos gendarmes réduire leur présence sur le terrain parce que leurs véhicules sont usés voire tout simplement que le budget carburant est épuisé, j’ai des doutes. Je craints qu’il ne faille songer à vendre une partie des meubles mais aussi, plus problématique encore, songer à diminuer certains salaires ou indemnités, si possible les plus hauts puisqu’en bas de l’échelle on a déjà atteint le seuil des travailleurs pauvres et que le stade d’après c’est la misère.

On ne doit pas non plus faire l’économie d’une réforme complète de la fiscalité. Je crois me souvenir que c’était dans le programme pour lequel j’ai voté. Pataquès pour pataquès, il faut s’y mettre et lancer le grand chambardement pour le budget 2014.

Mais il n’y a pas qu’une simple histoire de taxe ici. La situation économique en Bretagne est belle et bien spécifique mais elle pourrait aussi être emblématique. Des erreurs stratégiques ont été commises dans l’industrie agro-alimentaires, avec des responsabilités qui semblent largement partagées entre les dirigeants de certaines entreprises et un système de financement national et européen qui aboutit à une impasse. Comme dans le même temps on doit gérer (pour ne pas dire improviser) une transition énergétique sur fond d’impératif climatique, on aboutit à de la casse sociale et à des réactions de révolte. L’agro-alimentaire va mal, les transports vont mal, la situation sociale est très mauvaise, l’État devenu faible ne répond plus aux attentes : que l’on soit rustre ou cultivé, quand c’est amer il faut cracher !

Le rôle des élus est donc il me semble de recoller les pots cassés, de fédérer les acteurs et de co-bâtir un plan global de sortie de crise. Si certains pensent s’en sortir seuls ils périront seuls, si l’État croit qu’il peut tout qu’il regarde la santé des services publics. Les Bretons savent travailler ensemble, ce n’est pas en pleine tempête qu’il faut se disperser.

Enfin, un an et demi est passé depuis l’élection de François Hollande. Le bilan n’est pas en lui-même catastrophique mais il est loin des attentes des Français. Il me semble nécessaire de réfléchir à une nouvelle étape, avec une équipe resserrée et cohérente soudée autour d’objectifs réaffirmés. Notre programme contenait de bonnes choses, certaines ont été mises en œuvre, mais on attend toujours par exemple que la facture soit présentée à la finance, notre ennemi commun ai-je entendu. Ces gauchistes d’américains ont bien réussi à faire condamner JP Morgan pour l’affaire des subprimes (5,1 millard de dollar). Après avoir sauvé le système bancaire, j’attends toujours que ces financiers qui ont semé ruine et malheur participent à la réparation des dégâts causés par leur cupidité.

La révolte gronde et le bruit est arrivé à Matignon, tant mieux. Maintenant on a le choix entre tout casser ou bâtir du neuf et du solide. Je ne crois pas au renoncement, je ne crois pas à la décadence, je ne crois pas que l’autre est mon ennemi. Je crois qu’il faut du courage et des convictions et je crois que nous serons nombreux sur le pont.

Climat : la grenouille commence à cuire…

Je relaie régulièrement les rapports du GIEC sur le changement climatique et ce dernier vient de livrer un nouveau rapport.

Dans cette saga qui dure maintenant depuis de longues années, je me souviens de l’époque « mais non le climat ne change pas, c’est juste un cycle » et de celle du « oui cela change, un peu, mais l’homme n’y est pour rien, c’est un cycle« . Et bien ce rapport met clairement les points sur les i, oui le climat change, oui il change même plus fort qu’anticipé, non cela n’a rien d’un cycle, oui il y a un lien entre CO2 et changement, et oui l’homme est très largement responsable.

Pour se donner un repère simple sur la situation, il suffit de se souvenir que 2 degrés Celcius en plus c’est le début des problèmes, 4 degrés en plus c’est le début de l’inconnu et 6 degrés en plus c’est la fin. La « fin » cela veut dire la disparition possible de toute vie sur la planète.

La modélisation actuelle du GIEC table selon les scénarios sur une élévation de température entre 0,3 °C et 4,8 °C pour la période 2081-2100. Parallèlement, le niveau des océans augmenterait entre 26cm et 98cm.

Je n’essayerai pas de convaincre les « incrédules par conviction« , l’augmentation du nombre et de l’intensité des événements climatiques extrêmes devraient s’en charger.

Pour les autres, ceux qui veulent agir, je les engage à faire pression autant qu’ils le peuvent sur les pouvoirs publics et les forces politiques, autant que sur eux-même. Et pas à la façon bisounours. Nous n’en sommes clairement plus à une situation où un changement de comportement suffirait à arrêter à coup sûr l’augmentation de température : nous allons devoir ouvrir le très périlleux chantier de l’ingénierie bio-climatique (je ne sais pas s’il faut l’appeler la géo-ingenierie, mais le mot importe peu). Plus nous le faisons tôt, et plus nous aurons de chances de le faire correctement et en douceur. Plus nous retardons l’échéance, et plus nous devrons jouer aux apprentis sorciers.

Le changement climatique est là, et il est plus intense qu’on ne l’envisageait il y a 10 ans. Changer de comportement ne suffira pas, il faut parier sur la volonté et la raison.

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Sources complémentaires :

La mondialisation ne converge pas vers une société unique

Global_Corp_Control_470x260J’étais cette semaine à Brest pour une conférence donnée par Emmanuel Todd. Le sujet était en substance de voir si le phénomène de mondialisation que nous vivons va conduire à une convergence des sociétés mondiales vers un modèle unique.

Tout d’abord, Emmanuel Todd a rappelé que ce n’était pas la première fois que nous subissions un mouvement de mondialisation. Le début du XXème siècle était déjà dans ce mouvement (avec d’autres mécanismes qu’aujourd’hui). Or ce mouvement n’a non seulement pas abouti à une convergence des modèle, mais au contraire a abouti à une exacerbation des différences qui, mal maîtrisées, ont fini en guerre mondiale.

Todd analyse la nature des sociétés à partir de trois grands marqueurs : la natalité, l’alphabétisation et la structure familiale (dans une moindre mesure, le vieillissement de la population intervient également dans le sens d’un frein ou d’un accélérateur des changements). Or ce qui semble expliquer fondamentalement les choix de société c’est le modèle familial.

Si l’on constate bien une convergence mondiale vers une famille type (duo parental dont le niveau d’éducation est en hausse, fécondité aux alentours de 2 enfants / couple), la nature des relations au sein de cette famille reste profondément différente.

Rien qu’en Europe, on trouve par exemple des types familiaux français et anglais qui sont plutôt proches mais qui diffèrent toutefois sur des relations plus libérales outre-manche et plus égalitaires en France. Ce qui explique selon Todd que les modèles économiques soient plutôt de nature très libérales au Royaume Uni et que nous restions si attachés à l’égalité en France.

Les Allemands eux (comme les Japonais) fonctionnent sur un modèle naturellement inégalitaire où prime le respect de l’ordre établi, parfois même selon un mode très martial. Là aussi, on ne manquera pas de se souvenir de l’attitude actuelle de l’Allemagne dans la crise européenne, attitude dure sans grande considération pour les plus faibles.

Enfin, il reste dans le monde beaucoup de sociétés marquées par des liens familiaux fondés sur le cousinage qui rendent très difficiles l’ouverture vers l’extérieur.

On remarque donc que le fait économique et la marche vers la mondialisation ne sont pas les éléments structurants de nos sociétés.  Ce n’est pas parce que nous échangeons et consommons les mêmes produits que cela nous définit. En ce sens, la mondialisation n’est pas une menace identitaire. Ce pourrait être même le contraire puisque cela rend finalement plus visible le modèle du voisin et nous incite à réaffirmer notre identité… comme cela avait été le cas au début du XXème siècle. Todd semble penser qu’en fait, cette réaffirmation identitaire est un facteur de performance. Il est vrai que l’exemple de l’Allemagne qui justement a récemment fait sa révolution identitaire grâce à l’accident historique de la réunification fait partie des gagnants de la mondialisation tout en affirmant clairement sa différence identitaire.

La mondialisation est un facteur économique important, mais elle ne change pas notre identité. Nous sommes Français (et Bretons et citoyens d’Iroise pour ce qui me concerne) de part notre histoire collective et notre construction familiale. L’affirmation de cette identité n’est pas un archaïsme qui serait économiquement ridicule. Elle est une affirmation nécessaire aux chemins que nous pouvons tracer pour l’avenir, aux actions que l’on peut collectivement mener.

2013-09-17 18.09.15