Rêverie d’été

Il m’est arrivé un truc pas banal. Je somnolais dernièrement dans mon jardin, bercé par la brise d’été et, peut-être suite à une conséquence inattendue du changement climatique ou alors simplement à cause d’une perturbation cosmo-tellurique dont les terres bretonnes ont le secret, j’ai eu l’impression de soudainement me retrouver en un tout autre lieu, en un tout autre temps.

sum_adorantImaginez mon étonnement : revêtu d’une sorte de toge de lin, je me retrouvais à participer à une docte assemblée où siégeaient des hommes à la capillarité très frisotante. Je compris bien vite qu’il s’agissait d’une réunion du PS (Parti Sumérien) qui se penchait sur un sujet fort déconcertant.

Un orateur qui semblait passablement agité s’adressait à l’assemblée et à son radieux président Gilgamesh (on parlait alors plutôt de roi de la cité, mi-homme mi-dieu…). Il tentait de défendre une idée totalement nouvelle, à savoir l’utilisation de symboles en forme de bâtonnet pour stocker de l’information dans l’argile.

C’est merveilleux disait-il, la connaissance ne sera plus tributaire de la fiabilité de la mémoire des hommes, on pourra la graver dans l’argile, la dupliquer et ainsi propager le savoir au plus grand nombre. Jamais l’homme n’aura été aussi savant dans toute son histoire ! On pourrait même oser imaginer des lieux où serait déposé cette fantastique somme de savoir. Et je rêve du jour où en plus d’accéder à la connaissance, un outil nous aidera à mieux réfléchir !

Mieux encore, on pourra stocker tellement d’informations, que nous serons en mesure d’élargir notre vision du temps, de développer de façon merveilleuse notre production de poteries et conclure par écrit des accords avec d’autres cités distantes de plusieurs collines !

Nos lois pourront être écrites pour être mieux appliquées en tout lieu, elles seront en détail connues de tous.

Et combien d’autres merveilles seront-elles permises par une telle invention !

J’observais cependant du coin de l’œil une partie de l’assemblée qui ne semblait guère goûter cet enthousiasme.

Fariboles & rêveries de gamin ! répondit un chevelu échevelé. Le savoir ne peut et ne doit être conservé que dans l’esprit des érudits de la cité.

L’outil ne peut supplanter l’homme, il en est ainsi depuis l’origine des temps.

Et qu’arriverait-il si chacun devenait savant et était libéré des saines contraintes du labeur ? Car nulle doute que votre invention en changeant la façon d’échanger et de travailler aurait de graves répercutions sur notre économie et notre société.

Lorsqu’ils sont libérés des contraintes de leurs besoins fondamentaux, lorsqu’ils ont acquis la connaissance, lorsqu’ils peuvent échanger autant qu’ils le veulent, les peuples rejettent l’ordre établi pour en demander un meilleur.

Hérésie, blasphème, qu’on lui coupe la tête !

C’est alors qu’une prune trop mure m’est tombée sur le nez et m’a sorti de mon rêve. Après m’être débarbouillé, je me suis précipité sur mon ordinateur pour vous narrer mon aventure.

Ah, n’est-il pas merveilleux de disposer de toutes ces ressources numériques (dont beaucoup sont gratuites ce qui les rend accessibles à tous ?

N’est-il pas extraordinaire d’avoir un moyen de produire et de partager si facilement la connaissance ? Sans compter qu’aujourd’hui, la résolution de nombres de problèmes est devenu facile avec l’aide de l’espace numérique alors qu’ils auraient pu rester insolubles sans !

Quelle chance ont nos enfants de pouvoir se dire que tout le savoir qu’ils n’auront pu acquérir à l’école est à portée de main. Quelles merveilleuses opportunités ont nos entrepreneurs de voir s’ouvrir un espace économique au-delà de l’horizon.

Et en plus, contrairement à ma rêvasserie sumérienne, notre élite est maintenant prête à accompagner le changement. Enfin je crois.

Une rentrée très militaire

syrie-masque-a-gaz-arme-chimiqueEn partant en vacances, je ne m’imaginais pas revenir dans un contexte marqué par les bruits de bottes valsant grotesquement sur une musique internationale peu glorieuse.

Les lois internationales, les valeurs démocratiques et l’image que nous voulons donner à la France sur la scène internationale nous poussent à réagir à l’utilisation à grande échelle de gaz de combat en Syrie, qui plus est contre la population.

Comme le régime syrien est plus que fortement soupçonné et que pour cette fois les faits semblent bien être ce qu’ils paraissent être, nous sommes en face d’un crime de guerre perpétré par un criminel clairement identifié.

Comment dans ce cas ne pas réagir, ne pas aller au-delà de protestations de pures formes sans s’humilier et perdre la face, ou pire, prendre fait & cause pour un régime criminel ? Nombre de pays ont choisi la voie de la honte silencieuse, le Royaume Uni a de façon incompréhensible entaché son image et l’Amérique prend le risque de s’échouer sur les récifs de sa politique interne.

Dans ce triste tableau international, la France se retrouve bien seule (comme au Mali tient donc) pour défendre le droit internationale et essayer de limiter les souffrances du peuple syrien. Certains en profitent pour se gausser, tourner cela en ridicule et chercher à polémiquer.

Le ridicule dans le fait de se retrouver isolé dans cette histoire concerne ceux qui sont absents, pas la France. La Syrie tient une grande place dans l’histoire Méditerranéenne et Européenne, voire l’histoire occidentale. C’est la terre des Amorrites, très ancienne civilisation, c’est aussi le chemin de Damas de Saint Paul pour la chrétienté, c’est la civilisation qu’on découvert les croisés, c’est le protectorat français, et bien d’autres choses encore. La Syrie fait partie de l’histoire Européenne, elle mérite plus d’attention des Européens qu’un voile plus ou moins pudique destiné à protéger sa très bourgeoise tranquillité. L’année prochaine nous entrerons en campagne pour les élections européennes mais si l’Europe est incapable d’être forte et coercitive sur un tel événement, il serait plus décent de compléter son album pokemon plutôt que de prétendre défendre un projet politique européen lors de cette élection !

Le ridicule est également en voie d’impacter Obama qui a toutes les raisons d’agir, en a les moyens mais qui se trouve mis à mal par la soupe politique américano-américaine et réussit au passage à être indélicat avec le seul allié qui se révèle fiable dans cette histoire : la France. John Kerry a opportunément rappelé que la France était son « oldest allies « . Alors oui, nous sommes bien un pays ami des États Unis, mais l’indélicatesse et les hésitations américaines sur la Syrie ajoutées à l’affaire Prism d’il y a quelques semaines nous poussent à nous demander si les américains sont toujours les nôtres, hélas… Espérons qu’ils retrouveront le sens de la droiture et ne perdront pas celui de l’honneur eux aussi.

Autre question, celle du débat ou non au parlement. La guerre n’est pas exactement un exercice démocratique et c’est sans doute pourquoi notre constitution sort ce cas de l’exercice démocratique. Le rythme et les conditions de la guerre ne sont pas conciliables avec celui du parlement. Ceci dit, puisque du côté rythme une éventuelle intervention en Syrie est déjà hors du chemin le plus efficace, il me semble que l’on peut et que l’on doit engager un tel débat, exposer solennellement les faits et les preuves, définir une position claire et entendre les objections éventuelles du parlement. Faut-il voter pour autant ? À mon sens non. Pour une action de guerre, la responsabilité incombe seule au chef de l’État et des armées, elle ne peut se diluer. Là est bien la dureté de la charge. Chef de l’État n’est pas un job sympa permettant de vivre dans les ors de la République, c’est une responsabilité qui vous amène parfois à décider de la vie ou de la mort des hommes, de la souffrance des peuples. Les parlementaires ont été élus pour voter des lois, pas pour assumer les actes liés à une guerre.

 

Il n’y a pas que le(s) sexe(s) dans la vie !

intersexuation
intersexuation

Voilà qui risque encore de plonger Christine Boutin dans une vague de protestations outrées : en Allemagne il sera bientôt possible de n’être légalement ni homme, ni femme, mais du type  » intersexué « .

Diantre, l’austère Angela aurait-elle succombé à une quelconque machination de joyeux lobbys complotant contre l’avenir de l’humanité ? À moins qu’il ne s’agisse d’un effet à retardement d’une substance dopante dont les sportifs de l’Est avaient jadis le secret (à l’ouest on était clean).

Que nenni, pas plus qu’il ne s’agit d’une « légalisation » de la théorie du genre (théorie étant un grand mot d’ailleurs). En fait, cette loi cherche moins à tenir compte de facteurs psychologiques qui entraînent parfois des écarts entre son corps et son ressenti que de cas biologiques, génétiques & physiologiques bien étudiables.

Comme je le rappelais dernièrement lors d’une réunion, je ne sais personnellement pas définir de façon précise & définitive ce qu’est un homme ou une femme et j’attends que quelqu’un puisse le faire de façon claire et objective (j’ai eu droit à quelques regards amusés). Si dans l’immense majorité des cas, tous les éléments « discriminants » homme/femme sont clairs, dans un certain nombre d’autres cela ne l’est pas, et choisir dans un sens ou un autre relève de l’arbitraire. C’est par exemple le cas d’environ 5000 nouveaux nés en Europe (200 en France) chaque année qui sont génétiquement féminins (XX) mais hormonalement masculins (d’autres variantes existent).

Les facteurs génétiques, physiologiques, physiques, psychiques ne sont pas toujours clairs et concordants. Fixer un sexe à la naissance et/ou le rendre immuable est une simplification administrative certes, mais plus encore une violence contre les personnes et une négation de la réalité. Il est donc sage pour la loi, d’admettre l’ambiguïté et l’évolutivité dans un cadre réfléchi et contrôlé.

Il faut aussi se méfier des lois trop définitives et coercitives, même (surtout) lorsqu’elles partent d’un bon principe comme l’égalité (ici des sexes). Je pense en particulier à la parité où à force de vouloir bien faire on prend le risque d’en faire trop et trop mal. La population d’élus et le corps électoral doivent être représentatifs de la population et lorsque les choses n’arrivent pas à avancer d’elles-même, il faut savoir être incitatif voire directif. Cependant, lorsque l’on introduit des éléments discriminatoires (au sens de « action de séparer, de distinguer deux ou plusieurs êtres ou choses à partir de certains critères ou caractères distinctifs »), on s’expose aussi à l’arbitraire et à l’injustice. Prudence et réflexion sont plus que nécessaires…

Nul doute qu’après l’Allemagne, la question de l’intersexuation va se poser en France car elle s’impose dans les faits. Mais quand à réfléchir sur ces questions, prenons soin d’élargir la réflexion et de clarifier les principes. Si l’on devait voter des lois obligeant à la stricte parité électorale, on s’expose à refuser le droit d’être élu à des personnes intersexuées ou transsexuelles. Je n’approuverais pas une telle situation. Il faut trouver une solution.

 

 

 

Auto-entreprise approximative

jean-marc-ayraultJ’aurais bien aimé finir cette belle période d’été sans être chatouillé par des annonces dont on ne sait pas très bien si elles tiennent du ballon d’essai ou du coup de soleil.

Toujours est-il qu’au lieu de se prendre ses 15 jours réglementaires de repos il semble que des petites mains ministérielles se soient agitées ces derniers temps (et au passage je trouve pour ma part totalement idiote l’idée qui veut qu’en travaillant non-stop un ministre est plus efficace que s’il prend un repos plus que nécessaire).

Un projet de loi touchant les auto-entrepreneurs vient en effet de sortir :

Dans cette histoire d’auto-entrepreneur, ce qui m’agace suprêmement c’est qu’une logique d’influence d’intérêts semble devoir prendre le dessus sur les principes républicains & économiques et que le tout soit noyé dans un galimatias d’ignorance sur la nature de ce que sont les PME en général et les TPE en particulier.

En matière d’entreprises, nos grandes écoles semblent être en mesure de former correctement les cadres de grandes entreprises (et des institutions publiques, même moule !) mais incapables de faire comprendre qu’une petite entreprise ne fonctionne pas comme une multinationale, qu’il n’y a pas un joli découpage finance, commercial, logistique, etc… plus un service dédié à la gestion des contraintes administratives & fiscales.

Pour en revenir aux TPE et aux auto-entrepreneurs, il faut clairement en finir avec les statuts d’exception. Cela amuse sans doute les assistants des ministres en leur donnant du travail, mais c’est un non-sens.

Non-sens par rapport à l’égalité. Pour quelle raison, une personne qui crée une activité se voit appliquer des régimes légaux différents en fonction du statut d’entreprise choisi : ce que vous vendez est déconnecté de la nature juridique de votre entreprise, que ce soit une auto-entreprise, une SARL, une SASU, une SAS, une SCOP, etc (j’ai recensé 29 statuts différents et je ne suis pas sûr d’avoir tout !). Si encore ces statuts étaient légalement gravés dans le marbre, cela pourrait à la rigueur se concevoir pour gérer des situations particulières. Mais ce n’est pas le cas. Prendre une rédaction des statuts d’une SAS type pour l’adapter à un fonctionnement de SCOP ne me semble pas infaisable (je ne suis cependant pas juriste pour le garantir). C’est un problème de règles de gouvernance entre actionnaires.

Toujours est-il que si notre gouvernement veut faire une vraie réforme de simplification, je lui conseille de supprimer l’intégralité des statuts existants pour n’en garder qu’un et de fixer un cadre pour que chaque entrepreneur puisse l’adapter au fonctionnement futur de l’entreprise qu’il veut créer.

Non-sens par rapport à l’impôt. Pour quelle raison un artisan en SARL doit-il facturer avec un taux de TVA à 19,6% et qu’un auto-entrepeneur qui fait la même facture ne doit aucune TVA ? Je peux comprendre que l’état veuille aider les TPE, c’est même souhaitable, mais dans ce cas qu’il les aide toutes de la même façon, et qu’on choisisse une manière intelligente de le faire. Si, par exemple, on veut les aider dans le but de les faire grossir pour qu’elles embauchent, alors remplaçons la suppression de la TVA par une suppression des cotisations sociales patronales, de la CFE ou de l’impôt sur les sociétés par exemple, avec une limite de chiffre d’affaires. Avec ce mécanisme il n’y aurait pas de distorsion de concurrence et l’argent qui ne part pas en impôts pourrait servir à se développer et à embaucher (les premières embauches sont particulièrement difficiles pour les TPE).

Non-sens social enfin. L’auto-entreprise est un excellent moyen pour une grosse entreprise (tient les revoilà) pour se débarrasser d’un coûteux salarié et de le remplacer pour un ou plusieurs auto-entrepreneurs forcément précaires et payés au lance-pierre. Quel beau statut : il y a pléthore d’auto-entrepreneurs (pas loin de 900 000) dont la moitié environ exerce une réelle activité, ce qui fait autant de salariés de moins à employer et autant de pression supplémentaire sur les sociétés sous-traitantes. L’auto-entrepreneur se contentant de peu (il n’a pas le choix !), c’est tout bénéfice pour les grosses entreprises (on vous l’avait dit) et une perte lamentable pour tous les autres, État compris.

Conclusion

Il faut en finir avec les statuts d’exception. Il faut un statut de base qui puisse être adapté au fonctionnement souhaité de l’entreprise et de ses relations avec les administrations fiscales, sociales, éventuellement l’autorité de régulation des marchés, etc.

Je soutiendrai sans réserve toute mesure qui ira dans le sens d’une aide au développement et à la croissance des TPE. On pourrait se fixer par exemple l’objectif d’aider les TPE a atteindre un chiffre d’affaires suffisant pour employer 5 salariés. En 2012, il y avait plus de 2 millions d’entreprises « sans » salarié. En les aidant à embaucher ne serait-ce qu’une personne de plus, on solderait le problème du chômage, excusez du peu !

Alors arrêtons de perdre du temps pour savoir s’il faut oui ou non plafonner les revenus des auto-entreprises, arrêtons d’inventer des pseudo-aides qui ne profitent qu’à ceux qui ont les moyens de gérer la paperasse, faisons simple et efficace !

_____

PS : et pendant que j’y suis, si quelqu’un peu m’expliquer pourquoi un dirigeant salarié ne peut pas bénéficier d’éventuelles allocations chômages (et en conséquence ne paie pas de cotisations chômages), qu’il n’hésite pas à l’écrire. Cette mesure est totalement idiote.

 

Mandela : l’empreinte indélébile de l’espoir

Le souffle de vie de Nelson Mandela devient de plus en plus ténu et si l’inévitable s’impose à tous, je ne souhaitais pas avoir à écrire d’ici quelques temps un hommage, bien qu’il soit impossible pour moi de passer sous silence un tel événement.

Au-delà de l’homme nécessairement mortel, je me suis demandé quelles images, quels élans, quels sentiments il nous lègue à tous.nelson-mandela-in-traditional-clothing

Nelson Mandela nous lègue la preuve que nous ne sommes pas définitivement conditionnés par l’accident de nos origines.

Lui, le noir né dans un village du pays qui fut le plus raciste de notre monde, s’est élevé au plus haut niveau politique, mais plus encore moral.

Le courage, la probité, l’éducation, l’exemplarité peuvent tout.

 

Nelson MandelaDe Nelson Mandela j’ai toujours ressenti un halo de sérénité, de calme voire de lenteur.

Quel étrange sentiment dans un monde où tout va si vite, où l’instant s’impose au flux de nos vies, où il est urgent de faire mille choses avant de devoir les oublier, pris dans le maelström de l’agitation de nos sociétés.

L’exécution lente des choses qui importent vaut mieux que l’agitation de celles qui nous emportent.

liberation-Nelson-Mandela Nelson-Mandela-prix-Nobel-de-la-paix mandela-tutu-reconciliation Mandela-rugby-1995

De Nelson Mandela je retiens le merveilleux sens du pardon, de l’intérêt collectif et du sens du symbole.

L’apartheid fut un régime de douleur, d’humiliations, de haine et de mort. Et pourtant Mandela a réussi à faire passer son pays dans une ère qui à défaut d’être parfaite n’a pas été bâtie sur la vengeance et le sang et qui rend l’avenir possible pour tous. J’ai en mémoire quelques images des confessions des acteurs ordinaires de l’apartheid lors de la transition et le symbole de l’espoir de tout un peuple soudé autour de son équipe de rugby, ce sport de blancs.

De Nelson Mandela il restera cet incroyable message d’espoir marqué du sourire d’un homme infiniment respectable. La lumière de ce qu’il a été éteint au combien la vanité de tant d’hommes et de femmes cupides qui, ces dernières années en particulier, ont si mal utilisé les chances qui leur avaient été données. De tous ceux qui ont participé à la ruine du monde il ne restera pas de trace, mais de Nelson Mandela qui n’a finalement fait qu’une petite chose, défendre pacifiquement et avec constance la dignité humaine, il restera un exemple et l’empreinte d’un espoir dans lequel nous pouvons tous inscrire nos pas.

Nous pouvons tous être Mandela, nous devons au moins essayer.


Johnny Clegg Asimbonanga (Nelson Mandela) par Texwolf

Eau amère… une fois encore

innondationLes terribles images diffusées ces derniers jours après les inondations cataclysmiques du sud-ouest m’ont tristement renvoyé à trois posts que j’avais faits sur le changement climatique il y a déjà plusieurs années :

Aux inondations, on peut ajouter la même semaine les violents greleépisodes orageux accompagnés de grêle, conséquence d’une différence de 20°C entre Brest où il pleuvait et Strasbourg sous la canicule.

J’avoue être très triste en tant que citoyen et las en tant que militant. Si les scientifiques se doivent d’être prudents en matière de prédiction de l’évolution du climat, leurs modèles se sont bien améliorés depuis les premiers travaux du GIEC. Si on ne peut pas décrire avec certitude comment sera notre monde avec ce changement climatique, prévoir des épisodes météorologiques plus extrêmes dans leur fréquence et leur intensité ne relève pas de la divination mystique mais bien de la responsabilité politique.

hollande-inondation_scalewidth_961Nous en voyons l’illustration directe dans les Pyrénées : la fonte des neiges, les inondations ne sont pas nouvelles ou même rares, mais elles sont ici hors norme. Il en était de même des tempêtes Klaus ou Xynthia et il en sera de même à l’avenir, et ceci de façon certaine. On ne peut pas empêcher ces catastrophes, mais on peut en prévenir les conséquences. Il faut à la fois apprendre à redevenir humble face à la puissance des tempêtes mais aussi courageux pour se prémunir des conséquences humaines.

Même si cela n’a aucune chance d’être populaire, il faut évacuer les zones inondables et submersibles à risque, et détruire les habitations de ces secteurs. À défaut, il est nécessaire de mettre en place des plans d’évacuation en redoutant le jour où le climat viendra à bout de notre résistance au changement et de notre lâcheté à le mener.

Il est également nécessaire de progresser rapidement sur l’ingénierie climatique et ouvrir un débat sur le fait de savoir si oui ou non nous devons agir directement sur notre atmosphère : captage de CO2, augmentation artificielle de la nébulosité, dissémination de fer dans les océans, … beaucoup de pistes sont possibles, on ignore si elles sont souhaitables mais il est temps de regarder nos problèmes en face.

Je vous renvoie enfin sur deux de mes textes où cette question de la rupture climatique est traitée :

Dans quelques mois nous allons entrer en campagne, nous allons choisir nos nouvelles équipes municipales, intercommunales et dans la foulée nos députés européens, une partie de nos conseillers départementaux et nos sénateurs. À chacun de nous de poser aux candidats les questions importantes, à chacun de nous de choisir nos élus sur ce qui compte vraiment pour notre avenir et celui de nos enfants.

Hautes-Pyrénées : au cœur des vallées dévastées par lasemainedespy

 

Il y a des semaines comme cela…

Menu de la semaine

imgresPrenez une dose de Guéant à la sauce enquête préliminaire pour une histoire de rémunération en liquide (240 000€ tout de même !) qu’il avait lui-même interdite il y a quelques années, un soupçon de Cahuzac pour rallonger la sauce avec une nouvelle histoire de liste d’exilés fiscaux, pimentez d’un Tapie me revoila avec un air de « je porte la poisse » qui vient d’embarquer Stéphane Richard, et liez le tout par un reportage intéressant de France 2 sur « l’optimisation fiscale » (poétique euphémisme…), vous aurez alors le menu (un tantinet écœurant) de la semaine.

Certains en tireront peut-être la définitive conclusion que décidément il n’y a pas de salut autour de l’homo politicus ou que seule l’ignorance et l’aveuglement peuvent vous apporter sérénité et béatitude.

Pour ma part, cela me conforte dans l’idée que pour lutter contre les faiblesses humaines en générale et la corruption en particulier, il faut être du genre marathonien et s’appuyer sur les maigres progrès qui se présentent et ne pas s’arrêter sur les désillusions qui s’accumulent.

Les progrès ici sont de deux ordres : d’abord la justice avance, cahin-caha certes, mais finalement à un rythme presque supersonique par rapport aux dernières années. L’autre élément de satisfaction est que la corruption du système et des hommes n’est pas celle de tous les systèmes et de tous les hommes. Nombre d’acteurs forcés de ce système commencent à se rebeller et c’est bien pourquoi ces listes apparaissent. Il faut beaucoup de courage et de force morale pour oser dénoncer puis se battre alors qu’il serait plus simple et confortable de passivement y contribuer. À chacun de nous de se demander si autour de lui il ne voit pas aussi des choses inacceptables, et si c’est le cas s’il n’est pas temps de ne plus les accepter. La corruption, lorsqu’elle est à ce point généralisée, ne perdure que grâce à la complicité passive de ceux qui renoncent à la combattre lorsqu’ils en ont l’occasion. Facile à dire certes, oui, mais certains le font et ils n’avaient pas a priori le profil de vengeur ou de sauveteur de l’humanité.

Du point de vue politique cette fois, comment avancer ?

D’abord pour ce qui est du cas Richard, il est nécessaire d’étendre la jurisprudence politique qui veut que l’on démissionne lorsqu’on est mis en examen. Stéphane Richard n’a certes pas un mandat politique mais en qualité d’ex directeur de cabinet de Christine Lagarde il ne peut s’exonérer de ce passé. Sa nomination à France Télécom-Orange a nécessairement une composante politique et par ailleurs l’État n’est pas un actionnaire comme les autres dans l’histoire. Si on mélange affaires et politiques alors la règle la plus contraignante doit s’appliquer, Stéphane Richard doit se mettre en retrait de FT.

Au-delà, puisqu’à l’évidence les très mauvaises habitudes et le passif sont des freins douloureux pour retrouver une République et un système politique où la vertu et l’intérêt général sont la règle, il faut accélérer le renouvellement du personnel politique et la mise en place de règles de transparence d’abord, de contrôle ensuite. Le renouvellement peut être accéléré par une loi de non-cumul des mandats : cette loi est un engagement pris avec les Français en 2012, il doit être mis en place. Quant à la transparence, elle commence par la publication des revenus et dans une certaine mesure du patrimoine des candidats & élus.

Le temps des choix et des actes est venu.

Jean Jaurès On peut discuter du périmètre et des modalités, mais en aucun cas du principe et du fait que cela doit s’appliquer systématiquement pour toutes les futures élections.

Ne pas le faire reviendrait à se déclarer ouvertement corrompu.

Ne pas le dénoncer reviendrait à accepter ouvertement la corruption.

Le mode d’emploi perdu de l’emploi

450px-Pericles_Pio-Clementino_Inv269_n3J’étais invité à participer jeudi à une réflexion sur l’emploi mais n’ayant pas de don d’ubiquité dans le monde physique, je profite des possibilités du numérique pour d’une certaine façon être à mes deux rendez-vous tout en partageant largement certains points de ce difficile problème.

La plus grande difficulté est sans doute d’éviter d’enfoncer les portes ouvertes ou de se noyer dans des poncifs un peu trop faciles. Par facilité, nous aimerions que le chômage soit d’abord la faute de l’autre, que cet autre s’appelle d’un côté mondialisation, finance, libéralisme ou de l’autre archéo-communisme, étatisme et autres mots en isme qui essaient de cacher notre impuissance derrière le cache-sexe de l’emphase.

En Europe, un regard détaché est amené à constater au moins les éléments suivants :

  • contrairement à l’époque souvent regrettée des 30 glorieuses, nous sommes dans la grande majorité des pays européens dans une économie mature, pas une économie de (re)construction
  • contrairement à tout ce que nous avons pu connaître dans le passé, le niveau général d’éducation est pour beaucoup de métiers plus que suffisant et le diplômé n’est plus une rareté sur le marché du travail
  • le travail n’est plus une valeur monolithique qui unissait le revenu nécessaire à la subsistance de la famille et un statut social « honorable ». L’évolution sociale a bien souvent abouti à créer des emplois vidés de leur sens tout en déformant l’échelle des salaires de façon de plus en plus écœurante.

Dit autrement,

  • un jeune diplômé arrivant sur le marché du travail à une valeur très inférieure à ce qu’elle aurait pu être quelques décennies plus tôt,
  • qu’en l’état nos sociétés « repues » n’ont que peu de goût pour se dépasser et lui offrir un espace pour construire un monde nouveau
  • et qu’au contraire le modèle « valeur travail » qui lui est proposé est celui du non-sens cupide ou misérable en fonction du côté où il tombera.

La mondialisation, la crise etc… n’arrangent pas les choses mais elles ne sont pas à mon sens la racine du problème. Si l’on regarde les statistiques un peu vite, on peut penser que tous les pays ne sont pas logés à la même enseigne:

Mais en fait, les pays européens comme l’Allemagne ou dans une moindre mesure l’Angleterre qui arrivent à un taux de chômage « gérable » le font en grande partie en maltraitant la valeur travail à travers la précarité et des bas salaires plus qu’indécents.

Bien d’autres paramètres interviennent dans l’équation et ce post n’a aucunement la prétention d’être exhaustif et de postuler pour le Nobel d’économie. Mais si j’ai retenu ces paramètres, c’est à la fois pour leur importance structurelle et parce que l’on peut agir sur eux.

  1. Nous nous devons d’être honnête avec les jeunes générations et arrêter de leur faire croire aux vertus magiques des diplômes. L’éducation est indispensable dans l’exercice d’un métier, elle peut être un idéal (surtout lorsque l’on est socialiste) mais elle n’est plus un ticket pour avoir une place réservée dans un des wagons de la société.
  2. Nous nous devons de permettre à ces jeunes générations de construire un avenir qui nous échappe et qui potentiellement menace le confort établi au profit des générations qui ont jusque là verrouillé la société française.
  3. Nous nous devons de redéfinir ensemble la valeur travail et accepter que le statut et le moyen de gagner sa vie soient dissociés, que la hiérarchie sociale actuelle soit revue et que l’échelle des rémunérations soit reconstruite dans le sens de la décence et de l’équité de chacun.

Sur le point 1) nous sommes dans un état proche du déni catastrophique.

Sur le point 2) les changements extraordinaires que nous vivons actuellement devraient permettre d’abattre toutes les murailles qu’il faut (d’une certaine façon les contrats intergénérationnels mis en place par le gouvernement vont dans ce sens).

Enfin sur le point 3) la tâche est complexe mais des progrès ont déjà été enregistrés avec l’encadrement des salaires pour ce qui est du secteur public et malgré ce qui a pu être retranscrit par la presse, le chantier n’est pas clos pour le secteur privé. On en jugera par cette déclaration de P. Moscovici fin mai au parlement :

Vous m’interrogez sur les mesures que le gouvernement entend prendre – ou a déjà pris – concernant les rémunérations des dirigeants de nos grandes entreprises.  Je veux être sur ce dossier extrêmement clair. Nous n’avons renoncé à rien. Ni à agir. Ni à légiférer si c’est nécessaire. Je partage le désarroi de nos concitoyens qui voient certains patrons s’octroyer des rémunérations indécentes – y compris lorsque leur entreprise est  en difficulté – alors même que l’ensemble de la communauté  nationale souffre de la crise.

La société française (et au-delà l’Europe) est riche. Elle peut permettre à tous ses citoyens de vivre dignement et d’accéder aux revenus nécessaires à une vie décente. Mais nous devons accepter l’idée que ces revenus ne sont plus nécessairement et définitivement issus du travail tel que nos sociétés l’on connu jusqu’ici. La place que chacun peut avoir dans la société à travers ce qu’il produit et ses revenus sont devenus deux choses différentes.

Parallèlement, notre société est pauvre d’avenir. Nous sommes des arthritiques peureux, sans ambition pour nous-même, mais ce qui est plus grave, sans ambition pour nos enfants autre que la reproduction d’un modèle qui les exclut ! Cette jeunesse n’est pas veule, elle est ce que nous l’obligeons à être.

Enfin, il faut en finir avec l’éloge de la cupidité. Nous devons en finir non pas parce que c’est la crise et qu’il faut punir ceux qui nous y ont largement plongé, mais parce que dans ce nouveau monde qui change sous nos yeux, nous ne devons pas retrouver le pire de l’ancien. Les changements en court sont immenses et peu de gens aiment fondamentalement le changement. Il est plus que temps de faire naître aux yeux de tous  la promesse de ce monde qui se transforme. Il est plus que temps de laisser ce vieux monde qui nous est devenu insupportable. Beaucoup d’outils du changement sont déjà là : les nouvelles possibilités énergétiques, le numérique, les impératifs climatiques. Il ne reste plus qu’à se mobiliser et à bâtir un nouveau monde avec ces outils, à inventer le mode d’emploi des talents et des forces qu’il y a en nous et autour de nous.

 

Pas content

Ecoutez-nous !Le ciel d’Iroise a beau être bleu en cette fin de semaine, je suis d’humeur ronchonneuse.

Et ce ne sont pas les condamnations de justice de la semaine qui me chagrinent. La justice passe sans entrave et je tiens à rassurer nos concitoyens. Avoir un gouvernement de gauche n’induit pas de protection et de traitement de faveur pour la droite : leurs élus qui auront fauté d’une façon ou d’une autre auront eux aussi droit à leur procès en bonne et due forme. Même si en face on semble avoir plus de mal à avouer ses fautes, il est de l’intérêt de tous les Français que la probité soit garantie à gauche, mais aussi à droite. Aidons donc l’opposition dans cette tâche difficile…

Non ce qui m’énerve c’est la reculade sur l’encadrement des salaires du privé. Et comprenons-nous bien là aussi. Il ne s’agit pas d’un réflexe paléo-gauchiste mais bien d’une position réfléchie dans l’intérêt général. Les dérives constatées sur les plus hauts salaires sont tout à la fois indécentes, injustifiables et scandaleuses.

Tout d’abord, en matière de rémunération (ce qui inclut plus que le salaire), je suis contre l’idée de plafonner le montant lui-même. Dans une audace libérale débridée, je défends l’idée de salaires les plus hauts possibles. Gagner un million d’euro par an ? Merveilleux ! Oui mais à une petite condition : puisque l’on parle de rémunération en entreprise et que les rémunérations distribuées sont le fruit du travail de tous, ce fruit doit être équitablement réparti. Si celui ou celle qui gagne le plus a 1 million alors cela doit vouloir dire que tous les salariés à temps plein touchent au moins 100 000 € (et comme je suis socdem, je suis prêt à discuter de l’échelle pour trouver un compromis).

Ne pas avoir d’encadrement des rémunérations et permettre le versement de sommes exorbitantes ressemble de plus en plus à du détournement de fonds légalisé. Et si cela ne peut pas être géré rationnellement par un encadrement réfléchi alors cela finira forcément au tribunal un jour ou l’autre. Dans un système de conseils d’administration incestueux, dans un système qui couillonne les actionnaires minoritaires (souvent avec leur bénédiction), dans un système qui a démontré une aliénation dramatique du sens moral et de l’intérêt général, il est inacceptable de s’en remettre à de vagues engagements. Voilà pour l’indécence et le scandale.

Mais en plus, cela est injustifiable. Il est faux et largement démontré comme tel par l’économie comportementale, de prétendre qu’une forte rémunération est nécessaire pour récompenser la performance des hauts dirigeants. C’est même très exactement le contraire : l’incitation financière rend idiot (cf. la vidéo ci-dessous).

Lorsque le cerveau humain doit prendre une décision, contrairement à ce que nous aimerions croire (ou que le libéralisme voudrait le faire croire), une décision est rarement rationnelle, logique, objective. Il en est de même pour la fixation du montant des rémunérations. Dans ce cas, notre cerveau va naturellement chercher un « ancrage » et va s’ancrer vers ce qui le séduit, ici les plus hauts salaires existants. C’est ce mécanisme qu’il faut casser avec l’encadrement salarial, car au lieu de creuser l’écart de rémunération au détriment des plus bas salaires, l’encadrement par rapport aux plus basses rémunérations permettra de tirer tout le monde vers le haut. Si le patron progresse, alors il entraîne tout le monde avec lui et du coup il sera vu positivement comme une locomotive au lieu d’apparaître comme celui qui fait main basse sur les fruits du travail de tous !

Le système actuel est celui du divorce cupide au sein de l’entreprise. Le système de l’encadrement des revenus sera celui de l’équipe qui partage équitablement les fruits du travail. Aussi bien du point de vue moral qu’économique ou managérial, il faut faire passer la loi sur l’encadrement des rémunérations.

Il faut en finir avec le discours schizophrène sur l’entreprise et cela commence par ce qui est le plus scandaleusement visible : la rémunérations des (quelques) patrons de grandes entreprises. À l’égal des traders qui ont construit le naufrage de 2008 par pure cupidité, l’image de ces patrons salit tous les dirigeants d’entreprise (dont certains ne se paient même plus en ce moment pour essayer de sauver leur entreprise et leurs salariés !) et humilie les salariés.

Une loi qui arrimerait les bas salaires au plus haut revenu d’une société est une loi qui construirait une solidarité de destin au sein des entreprises. Nous avons tous besoin d’une telle loi.

Les faucheurs de marguerites

OLYMPUS DIGITAL CAMERALe projet de l’aéroport de Notre Dame des Landes oscille toujours entre l’euthanasie et la résurrection. Avec la chaîne humaine de vendredi dernier, l’euthanasie a un peu repris le dessus mais comme son premier défenseur est le premier ministre, il semble clair que le point marqué cette semaine n’est que temporaire.

Mais au-delà des actions plus ou moins spectaculaires, que révèle ce conflit ?

P2779373D2180231G_px_512_D’abord qu’en matière d’aménagement du territoire, les choix ne sont pas fondés que sur la rationalité. Si Nantes a effectivement un problème de développement aéroportuaire, la création d’une infrastructure de cette ampleur a nécessairement des implications régionales. Et en terme d’aménagement régional justement, de priorité de développement, ce projet ne prend guère en compte la présence de l’aéroport de Rennes (sinon sous forme de rivalité en terme de leadership) ou l’isolement péninsulaire de Quimper & Brest. Au moins, si le projet de Notre Dame des Landes devait être abandonné, pourrait-on formuler le souhait que les 550 millions d’euro de budget soit réaffectés à la construction des lignes TGV Brest-Morlaix & Quimper-Lorient.

Mais plus profondément, il me semble que ce mouvement de contestation  porte en lui une dimension conservatrice dans un monde qui change vite, très vite, sans doute trop vite. Après tout, pourquoi dans une période économiquement catastrophique une partie non négligeable de la population se mobilise-t-elle ou a minima trouve-t-elle sympathique ce mouvement contre la construction d’un aéroport au milieu de nulle part ? La construction générerait forcément de l’activité économique & de l’emploi, son exploitation ultérieure également. Rationnellement (à nouveau), les champs et les marais de la campagne nantaise devraient peser peut de choses dans une telle situation. Or on voit se rejouer la lutte du Larzac près de 40 ans plus tard et peut-être comme à l’époque, sans en comprendre la nature émotionnelle profonde.

Nous ne sommes pas au début du XXème siècle dans un monde dirigé par une bourgeoisie qui pense que demain sera à l’identique d’aujourd’hui. Nous ne sommes pas dans un monde de progrès lent, régulier et maîtrisé. Nous ne sommes pas dans un monde où chacun identifie sa place avec clarté.

Et ceci ne se limite au seul symptôme de l’aéroport nantais. Pourquoi le mariage pour tous, qui après tout est une réforme qui n’a aucun impact pour tous ceux qui se déclarent contre, a-t-il tellement agité les foules ? Parce que lui aussi détruisait une certitude culturelle tenue pour vérité immuable : un mariage c’est un homme et une femme. Et bien non.

bebeEt que se passera-t-il lorsque les gens comprendront que du point de vue médical et biologique, un enfant n’est plus le fruit d’un seul homme et d’une seul femme justement, mais en l’état des connaissances actuelles, potentiellement d’un homme et de deux femmes (trois lorsque la greffe d’utérus aura complètement réussi). Nous ne savons plus dire clairement ce que donner la vie signifie. Et il existe tant d’autres changements radicaux en marchent !

Nos certitudes culturelles, philosophiques, identitaires sont battues en brèche par cette époque. Mon propos n’est pas ici de dire si c’est bien ou pas, s’il faut y aller ou le refuser. Non, mon propos et plutôt d’essayer d’aider chacune et chacun à mettre un nom sur ces peurs du changement, d’inciter à la réflexion, et politiquement permettre de tracer sereinement un chemin éclairé vers un avenir construit en commun.