Un regard, un sourire, deux départs

À croire qu’en cet été le monde est désespérément trop laid puisqu’à deux jours d’intervalle, nous avons perdu un clown shakespearien et une icône au regard envoutant.

Ce monde en guerre est incontestablement laid, mais ce que ces deux artistes nous laissent montrent aussi qu’il pourrait être merveilleusement beau.

À nous de choisir.

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Lauren Bacall & Humphrey Bogart-Le grand sommeil par francomac

 

Et vous, auriez-vous assassiné Jaurès ?

Si l’histoire en marche est le plus souvent tragique, celle dont on est amené à se souvenir est souvent ironique. Quel plus bel exemple que celui de la commémoration de l’assassinat de Jean Jaurès ?

198-10Pourtant, à condition de sortir d’un hommage aussi béat que paresseux, il y a sans doute encore des choses à apprendre de la pensée de cet homme.

À mes yeux, ce qui reste le plus marquant, c’est certes que nous gardons de l’homme une ou deux images cultes mais surtout l’expression d’une force incroyable des idées, même si finalement peu de gens sauraient encore en donner le contenu ou simplement la ligne directrice. Jaurès n’a pas survécu dans nos mémoires parce qu’il fut un grand bâtisseur d’empire, un général victorieux ou un sauveteur des âmes, non, il a survécu parce qu’il a mis la puissance de sa réflexion au service des combats de son époque. Il a survécu également parce que globalement sa vision pacifiste, réformatrice, progressiste et volontariste était la bonne.

Parmi ceux qui se précipitent pour célébrer Jaurès aujourd’hui, combien incarnent une vraie réflexion politique en phase avec les réalités et au service d’un combat pour un Homme et un monde meilleur ? Le combat d’image ou « d’habitude » se sont depuis longtemps substitués au combat réformateur et d’idées. La gestion du quotidien a depuis longtemps pris la place de la construction de l’avenir.

Le monde de Jaurès était un monde remplit de certitudes et qui préparait la guerre. Le monde d’aujourd’hui est un monde en mutations extraordinairement profondes qui s’accommode des guerres en cours (Israël, Ukraine, Syrie, Mali, Irak, Afghanistan, …).

Il y avait derrière les combats de Jaurès un idéal de monde meilleur alors qu’il n’y a guère aujourd’hui qu’un combat pour ne pas perdre ses « acquis » ou par simple refus du changement. En ce sens, notre société est infiniment plus bourgeoise aujourd’hui (dans sa totalité !) qu’elle ne l’était au début du XXème siècle.

Nous n’avons pourtant pas le choix de prendre ou pas le chemin de la réforme et du changement. Les défis qui s’imposent à nous ne nous laissent pas d’autres alternatives que la réforme radicale et volontairiste. Mais cette réforme ne doit pas être subie, elle doit être pensée et partagée. Si elle ne l’était pas, la bascule dans le nouveau monde serait chaotique et inutilement douloureuse.

Un individu, fut-il Jaurès, ne peut empêcher les accidents de l’Histoire. Mais sa pensée peut parfaitement en orienter le sens.


Jacques Brel – Jaurès [1977] par tonio000001

Droit de la vie. Droit de la mort

cours-europeen-droits-hommesL’actualité m’incite à revenir sur le droit de la mort, un thème que j’ai déjà traité plusieurs fois mais qui au fil des années a bien du mal à trouver une solution satisfaisante.

L’acquittement du docteur Bonnemaison et la décision du Conseil d’État suivi de la décision de la Cours Européenne des Droits de L’Homme sur le cas Vincent Lambert apportent des éléments éclairant sur ce thème.

Tout d’abord, dans mes billets précédents sur le sujet, je défendais le principe même d’une décision aboutissant à l’arrêt de la vie du moment que cela était encadré par la loi et prenait en compte

  • l’avis de la personne concernée, qu’il soit exprimé explicitement ou implicitement
  • l’avis de l’entourage proche
  • l’avis du corps médical
  • l’avis de la société par la voix de la justice

Les deux cas d’aujourd’hui montrent que si la loi Léonetti est une bonne chose, elle n’est pas suffisante, ce qui était connu.

Elle n’est pas suffisante dans le cas Bonnemaison puisqu’il y a hiatus entre les actions du médecin qui sont stricto sensu hors la loi et le jugement de la cours d’assise (et du procureur d’une certaine façon) qui en reconnait le côté légitime et non condamnable. Si la loi avait été correcte, un procès aurait pu avoir lieu pour n’avoir pas respecté la nécessité d’une décision collégiale des tiers concernés et certes pas pour empoisonnement.  Mais comme l’a dit l’avocat du docteur Bonnemaison, on ne peut pas être à moitié coupable et c’est pourquoi l’acquittement a été prononcé.

Le cas Vincent Lambert est encore d’une autre nature puisque toutes les parties ont été consultées et que l’avis final était une décision d’arrêt des soins avec pour conséquence prévisible la mort. Le recours devant la Cours des Droits de L’Homme suspend cette décision pour passer à une décision de niveau supra-national.

À mon sens, il y a là un problème.

Si le cas étudié n’était qu’un problème légal, la hiérarchie de compétences légales, nationales et supra-nationales ne me poserait pas de soucis puisqu’elle résulte d’accords librement signés par l’État sur des cas clairs (à défaut souvent d’être simples). Le soucis est qu’ici on voit clairement que l’on est à la frontière de ce que peut faire le droit et que l’on se heurte aux impératifs d’un consensus moral sur ce qui est bien ou mal. Le droit peut être plus ou moins partagé internationalement. Mais même en prenant le point de vue très français de l’universalisme des valeurs (nos droits de l’homme), il faut bien avouer que sur ce qui est du droit de la mort (mais également de la vie), les fondements culturels d’une société (donc d’un pays) ne peuvent pas être passés sous silence.

Dans le cas Lambert, il y a eu finalement un consensus même si l’unanimité n’a pas pu se faire. Toutes les parties concernées sont arrivés à décider de ce qui pouvait être moralement fait ou pas et donc tranchait là où la justice n’y arrivait pas seule. Le jugement de la Cours De Justice Des Droits de L’Homme ne peut rien ajouter de plus à cela, sa décision qu’elle qu’elle soit sera nécessairement arbitraire, fondée soit sur une interprétation mécanique de textes qui ne peuvent prendre en compte la complexité de la situation, soit fondée sur des éléments moraux qui ne sont pas nécessairement ceux qui s’appliquent à notre société. Et encore sommes-nous ici dans un cas où les valeurs nationales et supranationales sont très proches.

J’ai bien conscience de la brèche que ces réflexions impliquent dans l’idée d’avoir des cours internationales de justice. Le droit ne dit pas ce qui est juste ou pas, il permet de donner une décision acceptable applicable sans contestation dans des cas de conflit. Cependant dans quelques rares cas complexes où les valeurs morales ne font pas l’objet d’un consensus large, la loi et la société sont en crise.

Dans le cas Lambert un consensus avait été trouvé, la Cours De Justice Des Droits de L’Homme ne doit pas aller contre et à mon sens devrait refuser de statuer.

 

Jusqu’ici tout va mal…

noaa-avril-2014Pas le temps de s’apitoyer sur la défaite des européennes (c’est quand la dernière fois où les électeurs nous ont fait confiance sur cette élection ?) ni de  s’étendre sur la dislocation de l’UMP (quand l’argent est une valeur, on finit toujours par périr par l’argent). Quant au FN, même avec un marketing efficace et un relookage « sois propre sur toi et souris sur la photo« , il reste un parti dont la valeur principale est la détestation partagée de l’autre ce qui mène là aussi inévitablement à la dislocation (de la société en l’occurrence).

Non, ce qui me préoccupe aujourd’hui ce sont les dernières statistiques sur la bascule climatique. S’il ne reste plus grand monde pour nous expliquer que l’homme n’y est pour rien et que c’est un phénomène cyclique, cette bonne blague est maintenant à ranger au rang de l’anecdote au regard de ce que l’on constate.

Aux États-Unis, ce printemps a été le plus chaud depuis le début des prises de mesures, les records s’enchaînent et en France avril a été au 5ème rang des mois d’avril les plus chauds depuis 1900.

Les concentrations de CO2 dans l’atmosphère ont pour la 1ère fois de notre histoire dépassé 400 parties par million (ppm) contre 278 ppm au début de l’ère industrielle.

Dit autrement, il est plus que probable que l’on reverra des hivers avec des tempêtes qui ressemblent de plus en plus à des ouragans (drôle de mot sur nos côtes), que toutes les villes côtières vont devoir prendre des mesures soit pour protéger les constructions en front de mer, soit pour les évacuer, que l’on attend de voir si cet été va tourner au climat tropical ou désertique et s’il faudra renommer les pluies d’automne « mousson ».

Cette fois on y est. Si l’État continue à être paralysé il faudra s’en passer. L’époque a au moins cela de positif que c’est possible, les citoyens ont les moyens d’agir et de faire lorsqu’il y a carence. C’est peut-être cela la VIème République.

201404

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Pour approfondir :

 

Esclavage

Ce week-end, il était prévu de célébrer l’abolition de l’esclavage, de célébrer une page du passé qui devrait être tournée.

bring-backMais la réalité est toute autre.

L’esclavage est toujours un fléau bien présent et il faut toute la mobilisation mondiale autour de #BringBackOurGirls pour qu’enfin on ait un espoir de combat efficace contre les obscurantistes de boko aram, pour que les jeunes écolières enlevées retrouvent leurs familles.

Et l’esclavage n’est pas qu’un fléau lointain réservé à des criminels d’un pays où l’État est ridiculement faible. Il est bel et bien encore dans certains esprits comme celui du maire de Villers-Coterêts, oh certes de façon honteuse et sous couvert de refuser l’auto-flagellation, mais c’est bien cette prétention d’une classe supérieure aux autres qui est à l’œuvre !

Victor_SchoelcherLe racisme, la discrimination religieuse, la haine de l’autre qu’elle soit ordinaire ou franchement assumée, font toujours partie de notre monde, et d’une partie de la classe politique en France.

Si vous voulez construire un monde de malheur, faites confiance à ces gens-là, par votre vote ou votre apathie. Pour ma part, je préfère me souvenir de Victor Schoelcher et autant que possible, faire les gestes petits ou grands qui construisent un monde meilleur.

Ces enfants du Nigeria sont aussi les miens.

Changement climatique : confirmation et alarme

IPCC_Working_Group_II_2014-03-31_18-55-43Le GIEC vient de publier son nouveau rapport sur le changement climatique en cours.

 

Ce nouveau rapport fait le point sur les impacts prévisibles et donnent des recommandations urgentes.

Il confirme l’impact de nos comportements sur le climat, appuie sur les effets catastrophiques prévisibles (sécheresses, érosion, submersion, sécurité alimentaire, extinctions massives d’espèces, …).

 

La bataille de l’augmentation de 2°C semble perdue et si nous perdons celle des 4°C, notre situation serait au-delà du préoccupant. Changement climatique : Publication du Rapport… par developpement-durable

Il est temps de dépasser le stade des blablas simplistes et d’aborder les questions qui fâchent :

  • ingénierie climatique,
  • fusion thermonucléaire comme source d’énergie,
  • déplacement préventif de population,
  • accélération du changement de mode de consommation énergétique.

_______ Pour aller plus loin : rapport de préconisation du GIEC.

Dubitatif

manuel_valls_referenceAprès la défaite des municipales il fallait changer de gouvernement. C’est fait. Mais qu’en penser ?

Le gouvernement Ayrault souffrait de problèmes de visibilité et de discipline et si on ne doute pas que Manuel Valls a de la poigne, le moins que l’on puisse dire et qu’il a intérêt en plus d’être fin stratège puisqu’il devra trouver une cohérence entre l’orientation social-libérale qu’il incarne à gauche, la gauche plus ou moins radicale à la sauce Montebourg ou Hamon, le retour des Royalistes et les zélotes de la synthèse.

Le départ des écologistes (toujours aussi incompréhensibles d’ailleurs puisqu’ils refusent le ministère qu’ils ont toujours voulu avoir) lui faciliterait la tâche s’il ne trouvait en face de lui Christiane Taubira avec qui il a pu afficher ses divergences et une Ségolène Royal sur le retour, personnalité dont on connaît l’imprévisibilité et le goût pour les coups d’éclat.

En terme de courants (puisqu’on aime bien cela au PS), on a finalement un barreur au centre gauche, des ministres de la gauche radicale, l’affaiblissement des socdems et des Hollandais pour essayer de faire tenir la sauce.

Voila pourquoi je suis dubitatif. Au moins va-t-on savoir si Manuel Valls est un meneur d’hommes hors pair ou pas.

Buisson ardent

buissonConsternation ce matin en entendant la confirmation des écoutes pirates réalisées par Patrick Buisson au plus haut sommet de l’État.

Consternation à la fois sur les faits, les explications-justifications-précisions-« je ne sais pas comment m’en sortir » des concernées, mais aussi, plus encore,  sur l’analyse qui en est faite.

Cette affaire ne relève pas d’un scandale sur les mœurs et les conséquences de la porosité des idées et pratiques d’extrême-droite au sein de la droite républicaine, mais elle relève:

  1. d’un cas d’espionnage au plus haut niveau de l’appareil d’État hors à ma connaissance la DRCI laisse M. Buisson (et ses complices ?) libre(s) de ses actes, sans mise en examen ni même le quart du début d’une convocation,
  2. et potentiellement d’une atteinte à l’intégrité de l’État (au profit de qui ?).

La République est décidément bonne fille mais à ce point de naïveté on ne va plus l’appeler Marianne mais Bécassine !

En 2007, sous couvert d’une émission quotidienne sur l’actualité politique, M. Buisson avait largement bénéficié des ondes de LCI pour faire passer son message. Cela n’avait pas ému grand monde. Aujourd’hui, le même Buisson se retrouve être l’acteur d’espionnage au sommet de l’État. Nous sommes au-delà de toutes limites.

La République doit se faire respecter. Elle en a les moyens. Qu’elle le fasse sans retard ni faiblesse.