L’économie numérique : à la fois une chance et un danger mortel

Vous avez sans doute entendu parler ces derniers jours de la triste annonce de la liquidation du journal de petites annonces Paru Vendu. Ce journal de 1650 salariés qui était leader sur son marché des petites annonces gratuites, était apprécié de ses lecteurs et s’était développé depuis des années sur un modèle économique qui a longtemps fait son succès. Pourtant, malgré ses atouts, malgré la qualité et l’engagement de son personnel, la liquidation a été prononcée.

Pourquoi ?

La première explication donnée par l’administratrice judiciaire est conjoncturelle : la crise a largement fait diminuer les ressources publicitaires qui, dans ce modèle de gratuité journalistique, est un élément fondamental. C’est un argument important, pourtant, il me semble que crise ou pas crise, ce modèle économique n’aurait à terme pas tenu.

En effet, la seconde explication avancée est l’émergence d’autres sociétés travaillant sur un modèle d’économie numérique (comme le bon coin). La semaine dernière, je faisais référence dans un post à une conférence de Michel Serres sur le thème de « l’homme a changé », mais il n’y a pas que l’homme qui soit en train de changer. La mutation numérique de l’économie est en marche, et à marche extrêmement rapide. Le problème est que cette mutation est en grande partie silencieuse jusqu’au moment où un concurrent venu de nulle part explose votre marché (et votre entreprise par la même occasion). Cette rapidité et cette efficacité sont directement rendues possibles grâce aux nouvelles règles économiques issues de l’économie numérique. La mondialisation elle-même ne serait sans doute pas aussi marquée sans le numérique. C’est un changement profond, irrésistible auquel les entreprises et les gouvernements sont extrêmement mal préparés (lorsqu’ils ne sont pas tout bonnement inconscients de ce changement autre que par des signes qu’ils ne savent pas interpréter).

La numérisation de nos vies et de l’économie est à la fois une menace mortelle mais aussi une formidable opportunité pour nos sociétés qui sont arrivées au bout du modèle de la révolution industrielle et qui doivent se réinventer. Mais s’approprier ce modèle passe par une prise de conscience et de connaissance qui me semblent encore extrêmement éloignées de nos décideurs. Qu’on en juge par la mine déconfite des dirigeants au somment du G20, qui donnent pour certain l’impression d’être à la limite de la crise de nerf ou de la dépression. Ce monde est mort. Bonne nouvelle, nous avons les moyens d’inventer le nouveau, les outils et les conditions sont là, allons-y avec force et détermination. Le temps n’est plus au gestionnaire de patrimoine, il est au bâtisseur d’avenir.

Mer d’Iroise, Terre Bretonne, énergie et députés

Politique en Iroise - FinistèrePour la campagne des primaires de 2006, j’avais mis en avant trois défis majeurs : la rupture climatique, la rupture énergétique et la bascule démographique. A l’époque, le changement climatique était plus un sujet de contestation qu’un élément profond de réforme politique, les effets de la bascule démographique n’étaient envisagés qu’à travers le déni de l’urgence du financement des retraites, quant à l’énergie, le débat politique se focalisait sur une opposition peu utile pro-nucléaire contre écolos. Militant pour une refondation politique à gauche, je n’ai guère eu de sujets de satisfaction pendant ces longues années d’errements sarkozystes.

Depuis nous avons dû cheminer en affrontant une crise économique majeure et ces thèmes sont devenus une évidence au point d’être le point de départ du projet socialiste pour 2012. Bien qu’il manque à mon sens un quatrième défi (la numérisation de la société), le débat national a progressé, en particulier grâce aux socialistes.  Mais au niveau local, qu’est-ce que cela donne concrètement ? Comment cela impacte-t-il et impactera-t-il nos vies ?  Comment les députés qui seront élus après la présidentielle pourront-ils agir ? Comment le « métier » de député doit-il évoluer pour aider à résoudre nationalement et localement ces défis.

Dans la 3ème circonscription du Finistère, ma députée est UMP (pas de chance pour elle, elle devra assumer 10 années de gestion catastrophique du pays l’année prochaine…). Élue depuis 2002, c’est une politique plutôt de la vieille droite, c’est-à-dire quelqu’un qui est plus assidue aux inaugurations locales et petits fours qu’active au micro de l’assemblée ou au stylo des commissions. Le classement 2010 des députés l’a d’ailleurs classée 319ème sur 575 (le classement a « oublié » 2 députés) avec 39 interventions au total dont 14 en séance et 25 en commission, 3 rapports et avis, pas de loi. Si cette approche a un évident intérêt électoraliste, elle est surtout préjudiciable à l’évolution de l’économie locale (ici en Iroise), car elle ne porte en elle aucun dynamisme de développement pouvant être relayé à Paris.

Un exemple simple peut illustrer cela.

Brest pourrait devenir un pôle énergétique majeur à travers le déploiement en mer d’un projet ambitieux d’éoliennes et d’hydroliennes. Voilà un projet industriel qui représente à mes yeux une fantastique opportunité économique pour le Finistère nord où les acteurs de la mer ont plus l’habitude de se battre contre la peste des algues vertes ou la survie du métier de pêcheur face à la Politique Commune de la Pêche. La « politique du petit four » permet certes de compatir au malheur des pêcheurs en leur servant de jolis discours et de prendre des positions défensives, mais rien de plus. Seule une vision plus large, seule une action au plus haut niveau de l’État relayée efficacement sur le terrain est en mesure de mettre en place une politique globale, cohérente et conquérante de la mer (en nord Finistère comme sur toutes les côtes françaises d’ailleurs). Pour reprendre l’exemple des pêcheurs, nous avons affaire à des professionnels qui certes défendent une vision de leur métier, mais sont aussi tout à fait capable de comprendre les problèmes, de saisir des opportunités et d’évoluer du moment que l’on est en mesure de leur proposer quelque chose de solide. Ce n’est pas à coup de taxe poisson accordée un jour de colère et abandonnée quelques années plus tard pour cause de stupidité contre-productrice que l’on résout un problème structurel. L’outil de travail doit évoluer, le stock halieutique n’est pas infini, Bruxelles légifère : voilà les menaces. Une nouvelle industrie d’énergie maritime est en train de se construire : voilà une opportunité. Il me semble que le rôle du législateur, surtout si c’est le député local, est de proposer et de favoriser un cadre général pour qu’une industrie en difficulté comme la pêche puisse tirer parti d’une industrie naissance comme celle de l’énergie. Et au-delà, c’est tout le bassin de Brest qui doit pouvoir en bénéficier ! Pour cela il faut peser sur les lois, pour cela il faut s’appuyer sur le relais efficace des élus locaux dont c’est le métier d’être tous les jours sur le port, pour cela il faut aider les entrepreneurs à faire évoluer leur modèle d’affaires, pour cela il faut mettre en place des canaux de communication plus souples et efficaces, sortir des interminables réunions et passer à des groupes de travail utilisant les outils numériques modernes par exemple. Pour cela, peut-être aussi faut-il plaider pour une nouvelle vision de l’exécutif et défendre l’idée d’un vrai ministère de la mer.

Les défis qui s’opposent à nous nous imposent de repenser notre tissu économique et social, nous imposent d’innover et de saisir les opportunités, mais nous imposent également de changer notre façon de faire de la politique, de changer les métiers de la politique et en particulier celui très important de député qui ne peut plus se contenter de faire un peu de présence à Paris et beaucoup dans les soirées festives en ville. L’évolution technologique permet d’avoir des liens journaliers directs (voir le blog de Jean-Jacques Urvoas ou Pierre Moscovici par exemple) entre les citoyens et leur député. Mais au-delà, ils permettent aussi de travailler sur des problèmes à distance et de façon efficace. Il est nécessaire d’évoluer dans ce sens, tout en s’appuyant fortement sur les élus locaux, maires, conseillers cantonaux ou régionaux, ainsi la chaîne démocratique reprend tout son sens au service du citoyen.

En 2012 nous élirons un nouveau président, élisons également une nouvelle façon de servir la démocratie et de faire de la politique !

Globalisation et PME en Iroise

Je continue ma petite déclinaison locale bretonne des grands thèmes qui seront peut-être les sujets de la campagne de 2012, en espérant qu’on ne nous refera pas le coup des photos people et autres coups foireux de sous-bois (ce qui n’est pas gagné si on en juge par l’affaire DSK).

L’économie sera donc le sujet de ce billet. Loin des multinationales, aussi loin du libéralisme échevelé que du marxisme impénitent, le Finistère nord est une terre de PME, TPE, d’artisans, d’agriculteurs et pécheurs, a un tel point que je me demande parfois si tout le monde en Iroise n’a pas été, est ou sera un jour dans un de ces statuts ! L’histoire, le climat et la situation géographique de presqu’ile y sont sans doute pour beaucoup. Ce qui m’étonne le plus dans le tissu économique local c’est la capacité étonnante à conjuguer un individualisme fort (être maître chez soi !) avec un incroyable tissu associatif, aussi bien économique que culturel. Les citoyens d’ici ont su trouver la formule pour conjuguer l’individu et le collectif, le destin personnel qui s’accomplit au sein d’une société qui a une identité marquée et cohérente. Ni marxiste ni néo-libéral, une société qui convient au social-démocrate que je suis.

En Iroise, on n’attend pas grand chose de la finance mondiale et les banques mutualistes ont encore un bel avenir devant elles. S’il y a bien une chose que j’ai compris en travaillant ici, c’est qu’en économie, on ne donne pas deux chances à quelqu’un de foireux : il faut tenir ses engagements. Nous sommes loin de la culture gouvernementale actuelle qui s’est fait une spécialité des effets d’annonce, des décisions immortelles qui ne durent que le temps du souffle médiatique. La dette en est un bon exemple. On nous promet une règle d’or, on nous affirme que c’est le chemin de la vertu. Comment le croire alors qu’une règle moins contraignante existe (les 3% de déficit de Maastricht) et que non seulement cette règle n’a pas été respectée, mais qu’il y a encore peu ce gouvernement nous expliquait que l’objectif n’était pas si impératif que cela et que l’on pouvait biaiser en distinguant bonne et mauvaise dette. Tenir un tel discours ici serait s’exposer à finir à la baille dans le port de Brest…

Quelles décisions concrètes seraient en Bretagne (comme ailleurs) utiles ? Les libéraux n’ont que le mot « charges » à la bouche, ce qui est facile puisqu’à première vue, n’importe quel entrepreneur est réceptif à ce discours et que la logique présentée est simple : moins de charges égale plus de compétitivité. Or c’est en général faux et il n’est pas très difficile de comprendre pourquoi. Imaginons qu’au lendemain de l’élection, toutes les charges des entreprises soient mises à zéro. Les entreprises regagneront-elles de la compétitivité ? Pour la plupart non, car dans la structure actuelle du marché, l’immense majorité des ventes se font sur un seul critère, le prix (pas la qualité ou la fonction), et dans un système hautement concurrentiel, toutes les entreprises iront tôt ou tard vers une diminution maximale des prix de vente : les charges en moins seront transformées en baisse de prix, elles n’iront pas aux marges (le consommateur semblera y gagner dans un premier temps, mais devra payer ultérieurement pour des services publics qui ne sont plus financés). Comme tout le monde le fera, l’État aura perdu ses recettes mais les entreprises n’auront rien gagné. Par contre, ce dont a besoin le tissu économique concernant les charges, c’est d’être traité à égalité avec tous les acteurs : on se moque de payer 40% de charges salariales du moment que pour un même produit, tout le monde paie ces mêmes charges. Voilà qui plaiderait plutôt pour un transfert des charges patronales sur une collecte de type TVA.

Autre élément qui me semble important, c’est d’assurer la visibilité à moyen terme des charges. La suppression de la taxe professionnelle en est un bon exemple. Les entrepreneurs se sont dans un premier temps réjouis de voir disparaître cette taxe, jusqu’au moment où ils ont reçu sans être averti une nouvelle contribution qui avait été inventée pour remplacer la première. D’une part ceci n’avait pas forcément été budgétisé, mais en plus le mode de calcul a largement été changé, pénalisant parfois extrêmement fortement les services et soulageant généralement les activités lourdes. Dommage qu’au passage nos technocrates aient oublié que la tendance économique de fond soit d’aller vers plus de services, voire de passer en économie quaternaire où le service paie le matériel. Il est nécessaire d’assurer une visibilité à moyen terme sur la fiscalité.

Troisième chose : la complexité. Cette complexité fiscale est probablement (en partie) liée à une volonté louable d’équité. C’est gentil, mais de grâce oubliez cette illusion, aucun impôt ne sera parfaitement équitable, et allez au plus simple. Je rêve d’une imposition où le système prendrait trimestriellement X% du CA et Y% du bénéfice annuel et puis c’est tout. Si l’administration fiscale veut se pourrir la vie, pas de problème qu’elle le fasse mais en son sein et après la collecte ; du point de vue de l’entreprise, le temps passé à faire des déclarations est du temps perdu, de l’argent gaspillé. Une fiscalité hyper-simple, même injuste a priori, représente un gain de productivité à elle-seule.

Dernière chose que je veux aborder ici, ce sont les aides. Elles sont objectivement nécessaires dans nombre de cas, en particulier pour la création d’entreprise et l’innovation. Dans les faits, ce sont les entreprises structurées capables d’avoir un service administratif dédié, ou les sociétés qui se sont fait une spécialité de proposer des prestations pour récupérer ces aides pour les autres qui en tirent bénéfice. Pour ne retenir que l’exemple du Crédit Impôt Recherche, il est plus facile à une multinationale de se financer avec le CIR que la startup du technopôle local : dommage car la startup en question est infiniment plus créative ! Il existe aussi une difficulté particulière concernant l’innovation : pour avoir un CIR, mieux vaut avoir une innovation peu innovante avec des investissements lourds que quelque chose de révolutionnaire, en particulier si on est en innovation de service ou marketing. Google (service de recherche) n’aurait eu aucune chance d’avoir un CIR, Apple non plus (innovation marketing). L’innovation ne dépend pas non plus que de chercheurs : en Iroise, ce sont les outils de pêche qui sont à renouveler, de nouveaux modes de culture ou pisciculture, la gestion de la pollution (algues vertes en particulier) tout autant que le développement des énergies ou des services informatiques en ligne. Il faut arrêter avec les dizaines d’aides possibles pour passer à un système plus simple : par exemple une première aide à l’attribution ultra-simplifiée, puis des aides suivantes en fonction des résultats produits.

L’économie du Finistère nord me semble donner quelques exemples et éléments de réflexion qui doivent permettre de produire des outils simples, clairs et réalistes de soutien du développement économique. Le tissu économique d’Iroise ne nécessite et ne demande pas de mesures d’assistance, juste de la visibilité, de la simplicité et des actions pour faciliter la création et l’innovation.

Nucléaire, éolien et gaz, le défi énergétique : illustration en Iroise (Bretagne)

Dans mon texte des défis, j’avais mis en avant quatre obstacles majeurs à traiter pour les politiques d’avenir de la France  :

  • la rupture climatique et ses conséquences écologiques (dont j’ai traité un aspect concret avec mon post sur les algues vertes en Bretagne)
  • la bascule démographique
  • la dématérialisation numérique de nos sociétés(c) creative commons : Otourly
  • et enfin la rupture énergétique.

C’est une illustration concrète de ce dernier point que je voudrais aborder dans cet article, en prenant pour illustration l’Iroise (où j’habite). Pour ceux qui localisent mal ce pays breton, c’est le bout de la pointe nord du trident Breton (là où se trouve d’ailleurs la pointe la plus à l’ouest de la France continentale, qui n’est pas la pointe du Raz comme on le croit trop souvent, mais le cap Corsen).

La Bretagne dans son ensemble et l’Iroise en particulier, illustrent très bien les ambiguïtés et incohérences des choix énergétiques Français.

De part sa situation géographique, l’Iroise, comme la Bretagne, est déficitaire en énergie et sa situation en bout de ligne fragilise la distribution, à tel point qu’il n’est pas exceptionnel d’avoir une ou deux coupures de courant dans l’année. Et à chaque pointe de consommation réapparaît le spectre de la coupure de délestage. Comme les prévisions de consommation sont plutôt largement à la hausse (imaginez ce qui se passera lorsque chacun rentrant chez lui entre 18h et 19h avec sa voiture tout électrique et la branchera pour la recharger…), la question de construire des générateurs se posent avec force.

On le sait, l’énergie en France est d’abord nucléaire. La Bretagne a deux singularités concernant ce mode de production : Brennilis et Plogoff. Brennilis nous instruit sur la difficulté à démanteler une centrale nucléaire (le nucléaire ne pose que deux petits problèmes : on ne sait pas quoi faire lorsque cela explose, pas plus qu’on ne sait gérer correctement les déchets). Quant à Plogoff, cela montre le rejet et la peur, plus ou moins rationnels, que représente culturellement le nucléaire.

Pour les sociaux-démocrates, le nucléaire est tout à la fois la seule solution actuelle pour produire à grande échelle l’énergie qui nous est indispensable, et une solution technologique dont il est souhaitable de sortir, mais selon une démarche rationnelle qui prend en compte aussi bien les aspects de sécurité, économique, et sociaux. Fermer les centrales sans rien proposer qui soit au minimum équivalent est une tartufferie, continuer sur le tout nucléaire inacceptable. La démarche proposée est que pour chaque centrale que l’on serait amené à construire parce que c’est nécessaire, on en ferme au moins autant en fermant les plus dangereuses (Chinon, Fessenheim par exemple au démarrage de Flamanville), et que l’énergie supplémentaire manquante soit produite par des moyens complémentaires (éolien, hydrolien, …). Ouvrons à chaque étape une négociation : ce dont on a besoin et ce qui peut permettre de répondre à ces besoins. Ce processus aboutira plus ou moins rapidement à la disparition complète du nucléaire en fonction des meilleures solutions à une époque donnée et des efforts communs que chacun consentira à faire.

La notion d’effort commun n’est pas un vain mot et c’est peut-être la principale difficulté. En matière d’énergie, chacun est prompt à exiger de consommer sans restriction, et tout aussi prompt à refuser de produire près de chez lui de quelque façon que ce soit. On pourrait croire que la production d’énergie par éolienne est plébiscité dans une région qui a refusé avec tant de fougue le nucléaire. Hélas, le champ d’éoliennes que j’aperçois de ma fenêtre rencontre son lot d’opposants, avec des arguments qui tiennent parfois plus du fantasme que d’autre chose. Si les éoliennes dans les champs posent problèmes, alors construisons-les en mer. Mais là aussi, des collectifs contestent immédiatement les projets d’implantation. Soit, construisons alors une centrale classique au gaz. Patatras, un nouveau comité anti-centrale au gaz se met en place.

Non à une Centrale Gaz/Fuel à Guipavas

Reste donc les efforts d’économie et de production domestique. Hélas, si on peut espérer à terme équilibrer les besoins des foyers, cela n’est absolument pas suffisant pour les entreprises, même lorsque la plupart sont des TPE/PME comme en Iroise. Que dire alors des bassins industriels lourds ?
On sait produire toute l’énergie nécessaire, on sait même en produire une bonne partie d’une façon qui respecte les écosystèmes. Mais quel que soit le mode de production, l’obstacle principal est l’acceptation locale. Nous sommes dans un système où le citoyen se sent systématiquement agressé lorsqu’il s’agit de construire une centrale. Or on peut facilement deviner que cette opposition n’est pas forcément rationnellement fondée, et qu’il est possible que cette opposition soit plus le résultat d’une approche qui donne le sentiment que l’on imposera une solution coûte que coûte, fruit d’une erreur de méthode, fruit d’une incompréhension, peut-être aussi d’une administration d’État qui apparaît trop arrogante.

Je n’approuve pas cette opposition systématique, pas plus que je n’approuve les passages en force. Face à un problème objectif d’une consommation électrique qui n’est pas satisfaite par une production suffisante, il me semble possible de trouver des solutions sans déclencher à chaque fois une guerre picrocholine.

Où est passée la bonne dette ? Qui doit-on ruiner maintenant ?

Autant prévu que redouté, les États Unis ne sont plus un pays où l’on peut acheter des bons du trésor les yeux fermés. La perte de leur meilleure note est plus psychologique qu’autre chose, mais la finance mondiale qui faisait gris mine ces dernières semaines s’offre un plongeons supplémentaire en eau froide.

La cause de la défiance : la dette bien évidemment. Fini de s’amuser avec la « petite » dette grecque de 350 milliards d’euros, on s’intéresse maintenant aux plus de 14 000 milliards de dollar américains (soit environ 10 000 milliards d’euro). Nulle doute qu’avec nos près de 1600 milliards et une progression toujours pas maîtrisée, notre tour ne devrait pas tarder. Alors oui la crise y est bien pour quelque chose car il était nécessaire de soutenir l’économie et certaines sociétés qui se sont trouvées temporairement à court de liquidité. Oui, mais cela ne doit pas nous faire oublier la faute originelle de la droite qui a délibérément choisi de se financer à crédit, sans chercher d’autres voies. Rappelons-nous la théorie de Nicolas Sarkozy de « la bonne et mauvaise dette ».

Contrairement au PS dont les théories keynésiennes posent comme postulat que la dette est l’ennemie de la gauche, le gouvernement sarkofillon et l’ump ont délibérément choisi cette voie de la dette, pour nous amener là où nous sommes actuellement, ignorant par incompétence ou aveuglement idéologique que cette voie n’offrait aucun échappatoire en cas de problème. L’accident était inévitable.

Aujourd’hui, il est urgent de répondre à une double question :

  • comment payer ce que l’on doit ?
  • comment reprendre sa liberté financière vis-à-vis des marchés ?

Augmenter les taxes et impôts ou leur assiette (c’est-à-dire le nombre de personnes qui les paient), diminuer les dépenses, « manger » la dette par une inflation importante, refuser purement et simplement de payer. Le panel de solutions est connu, plutôt que de nier le problème il faut soit que ce gouvernement fasse pour une fois ce qu’il faut ou qu’il démissionne et rende rapidement les clés, reconnaissant son incroyable incompétence, abandonnant une politique vieille de presque 10 ans, politique qui à l’exception d’une année n’a jamais réussi à remettre la dette de notre pays dans la bonne direction.

La gauche est décidée à faire ce qu’il faut, et à la différence de la droite, l’expérience passée (1997-2002) montre qu’on peut lui faire confiance pour que cela soit aussi juste que possible et surtout, efficace.

Mais second point, comment reprendre sa liberté vis-à-vis des marchés, car on peut bien tempêter contre les financiers, si l’ump avait fait le choix d’avoir le choix, le rapport de force serait différent. En 1997 le gouvernement Jopin sous la direction de Dominique Strauss-Kahn a qualifié la France pour l’euro et nous avons choisi l’intégration européenne : il est temps d’achever le travail massacré par la droite : l’Europe doit se doter d’un organe de gouvernance dont le rôle est de veiller à harmoniser les éléments financiers structurants de l’Union, et cet organe doit pouvoir relever le défit d’agir selon des choix politiques démocratiques au niveau européen. Par ailleurs, on remarquera que des pays comme le Japon sont beaucoup plus endettés que nous mais sont moins « chahutés » par les marchés ; il y a une raison simple à cela : ces pays financent majoritairement leur dette en interne. Il me paraît donc souhaitable de réfléchir sur la possibilité d’un emprunt national forcé : transformer une partie de l’épargne des Français en emprunt remboursable à court terme (moins de 5 ans) à un taux d’intérêt à fixer. Cela me paraît être une des formes les moins douloureuses de contribution au sauvetage financier de notre pays.

La droite sarkozyste a échoué parce qu’elle a choisi depuis 10 ans une très mauvaise politique économique. Que les mois avant l’élection vont être longs et douloureux pour les Français ! Si Nicolas Sarkozy veut réussir ne serait-ce qu’une chose dans son épouvantable mandat, que ce soit sa démission.

Justice : la République Française vs Lagarde

Après le rapport de la cours des comptes concernant la gestion de l’affaire Tapie par madame Lagarde :



Après la demande des Députés de l’Assemblée Nationale :

Après la demande du procureur de la cours de cassation, la cours de justice de l’État a décidé d’ouvrir une enquête sur la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI), Christine Lagarde, en requalifiant les motifs de l’enquête, passant d’une enquête pour « abus d’autorité » à une enquête pour « complicité de détournement de biens publics et complicité de faux ». Les faits retenus sont beaucoup plus graves car passibles de 10 ans de prison et 150 000 euros d’amende, contre 5 ans de prison et 75 000 euros d’amende pour « abus d’autorité ».

Cette ouverture d’enquête n’est pas une surprise, mais les motifs le sont et renforcent la gravité et l’impact des accusations. Nous sommes ici devant une affaire d’État, ayant des retombées internationales et allant porter un grave préjudice à la France à cause de l’incroyable maladresse de Nicolas Sarkozy.

Christine Lagarde a été nommée au FMI suite à la démission forcée de Dominique Strauss-Kahn accusé par une personne dont la crédibilité a été mise en doute par le procureur de NY en charge de l’affaire suite à des mensonges proférés sous serment. Bien qu’ayant accès à des informations qui auraient pu permettre de contrer les rumeurs médiatiques qui ont construit une culpabilité médiatique sur des éléments erronés, le gouvernement n’a pas cherché à rétablir les faits, affichant au contraire un silence officiel qui lui permettait d’éliminer un candidat de premier ordre pour 2012 et de proposer la candidature de Christine Lagarde au FMI.

Christine Lagarde est ici poursuivie par la République Française suite à un travail approfondi de la cours des comptes dont le rapport a été repris par les députés puis le procureur de la cours de cassation. Les différents corps de l’État n’ont agi ni à la légère, ni à la va-vite ce qui met Christine Lagarde dans une situation particulièrement difficile et nécessitera toute son énergie pour sa défense. A la différence du cas DSK, nous ne sommes pas ici dans une situation parole contre parole, d’un individu contre un autre.

Le gouvernement français, Nicolas Sarkozy en tête, a choisi non seulement de ne pas défendre l’image de la France dans l’affaire Strauss-Kahn, mais pire encore, a délibérément pris le risque d’aggraver les choses en proposant à la présidence du FMI une personne qui se retrouve aujourd’hui accusée de faits passibles de 10 ans de prison. En somme, et même si comme cela semble possible les charges devaient être abandonnées par la justice américaine dans l’affaire DSK, l’image de la France ne pourrait être restaurée par la faute impardonnable de Nicolas Sarkozy, l’instruction du cas Lagarde prenant du temps et étant étayée par des éléments particulièrement solides.

Jusqu’à l’aboutissement de la procédure, Christine Lagarde est présumée innocente, mais à l’évidence, aux yeux du monde la France en la personne de son président a commis une faute lourde.

Le buzz contre l’information

Semaine instructive. Le monde médiatique a eu cette semaine deux raisons de s’intéresser à Dominique Strauss-Kahn.

La première est bien sûr le « scoop » dont la mèche a été allumée par le sémillant Brice Hortefeux, scoop sous la forme d’une photo de paparazzi montrant Dominique Strauss-Kahn et Anne Sinclair à côté de la Porsche Panaméra d’un proche du couple. Il semble clair que le but de la manip’ était de jouer sur l’image de la richesse censée rendre incompatible tout engagement de gauche, vieux procès fait naguère à Léon Gambetta, Léon Blum, Pierre Mendès France et tant d’autres. L’UMP a allumé la polémique et a vite reçu le renfort d’une certaine gauche décidément obsédée par l’argent en tant que valeur (même si c’est pour eux une valeur négative, cela ne vaut guère mieux que la conception de l’argent en tant que valeur positive).

Mais chose intéressante, si l’histoire a fait beaucoup de bruit, je ne suis pas sûr qu’elle été si négative pour DSK :

  • d’abord parce que les leaders de la gauche ne sont pas tombés dans ce piège déjà mille fois utilisés et certains même telle Ségolène Royal ont appelé leurs militants à ne pas aider l’UMP dans sa tentative de manipulation.
  • ensuite parce que l’UMP s’est trompé de symbole. Certes une Porsche cela évoque la richesse, mais la voiture de sport est d’abord dans l’imaginaire collectif des Français un symbole de réussite, un rêve que l’on peut toucher du doigt car même si rares sont les Français ayant les moyens de ce payer ce genre de bolide, c’est un rêve réalisable le temps d’une ballade. Cette image de DSK est d’abord celle de la réussite et ne remet pas en cause son engagement à gauche.
  • enfin, l’UMP cherchait également à relativiser le bling bling de Nicolas Sarkozy, mais là aussi, c’est à mon sens raté. Ce qui est reproché à Nicolas Sarkozy c’est son amour ostentatoire de la richesse sur des choses qui ne plaisent pas au Français. Une victoire aux élections cela se fête dans la convivialité d’une bonne bouffe entre amis et militants, pas au Fouquet’s. Les montres hors de prix c’est un truc aussi inutilement has been que clinquant. Le salaire que l’on s’augmente de 140% avec nos impôts est un trait de caractère à la Rastignac, sans grandeur. En comparaison, le vroum vroum de cette image de Dominique Strauss-Kahn est certes peu modeste, mais elle est l’image de la réussite sociale d’un couple. Entre le bling bling et le vroum vroum, il me semble que le coeur des Français penchera vers DSK.

Voilà donc pour la première actualité dont tout le monde ou presque a entendu parler. Mais quelle est donc la seconde me direz-vous ?

La seconde est un article du prix Nobel d’économie, Joseph Stiglitz, qui fut un critique plutôt acerbe des institutions comme le FMI. Et que nous dit ce Nobel cette semaine ? Il nous explique comment DSK a changé le FMI en profondeur. Quelques extraits :

« La crise a démontré que des marchés libres et sans entrave ne sont ni efficients, ni stables. De même, ils ne sont pas nécessairement performants pour fixer les prix (voyez la bulle immobilière), y compris les taux de change (…).

L’Islande a démontré que répondre à la crise en imposant des contrôles de capitaux peut aider les petits pays à limiter son impact. Et la politique non conventionnelle de « quantitative easing » (QEII) de la Réserve Fédérale américaine a inévitablement signifié la mort de l’idéologie des marchés sans entrave : l’argent va là où les marchés pensent que les rendements sont les plus élevés. (…).

L’afflux d’argent dans les marchés émergents provoqué par la politique des Etats-Unis a convaincu les ministres des finances et gouverneurs de banque centrale, y compris ceux qui y sont idéologiquement opposés, de la nécessité d’intervenir. (…).

Le FMI a finalement établi un lien entre inégalité et instabilité

(…)

Pour les progressistes, ces réalités épouvantables font partie de la litanie habituelle de frustration et d’outrage justifié. La nouveauté est que le FMI a rejoint le choeur. Pour reprendre les mots par lesquels Strauss-Kahn a conclu son discours devant la Brookings Institution quelques jours avant la réunion récente du Fonds : « En fin de compte, l’emploi et l’équité sont des éléments de stabilité économique et de prospérité, de stabilité politique et de paix. Cela est au coeur du mandat du FMI. Cela doit être placé au coeur de l’agenda politique. »

Strauss-Kahn se révèle être un leader sagace du FMI (…)« 

Ceci me rappelle une autre intervention, celle de Stéphane Hessel au début de l’année dans un entretien à Rue89 :

« Je souhaite qu’aux législatives qui vont suivre l’élection présidentielle de 2012, plusieurs partis de gauche travaillent ensemble : communistes, verts, socialistes, et même des candidats du centre républicain. Mais attention : il ne faut pas qu’ils présentent quatre candidats différents à l’élection présidentielle. Je ne vois que deux candidats possibles en l’état actuel : Martine Aubry et Dominique Strauss-Kahn.

Rue89 : Mais Dominique Strauss-Kahn dirige le FMI, qui fait partie des institutions que vous dénoncez…

DSK a pris le FMI à un moment où il fallait le dénoncer, mais il est en train de le transformer assez utilement. On ne sait pas encore bien tout ce que DSK a fait. Par exemple, le FMI ne fait plus d’ajustements structurels, c’est un progrès.

Personnellement, je préfèrerais Martine Aubry : je la considère comme plus énergiquement de gauche ; mais je sais, pour le connaître, que Strauss-Kahn est aussi un homme de gauche. S’il devient Président, il réformera l’économie française selon les même lignes que celles qu’il a soutenues du temps de Jospin ou de Rocard.

Il y a eu en France une gauche qui a fait des choses, je pense au RMI, à la couverture médicale universelle… Et elle peut en faire demain davantage.« 

Voilà deux actualités de la semaine. Il me semble que l’ordre d’importance n’est pas en phase avec l’intérêt réel et que cela méritait un article pour remettre les choses en perspective.

DSK victime d’un lynchage médiatique en Grèce

Ce post m’a été envoyée par Catherine S. et c’est avec plaisir que je le relaie.

Selon un article d’Alexia Kefalas paru dans le Figaro du 14 mars, le ʺfilmʺ  de Canal + sur DSK aurait provoqué un tollé en Grèce et ce seraient les petites phrases lâchées par DSK « La Grèce est dans la merde » et « La fraude atteint des sommets en Grèce » qui seraient à l’origine de ce presque ʺincident diplomatiqueʺ entre la Grèce et le FMI.

Grecque par mes origines, cet article du Figaro, mais aussi l’écho de la presse française sur la prétendue bourde de DSK, m’ont vivement interpellée d’autant plus que j’étais en Grèce la semaine dernière pour raisons professionnelles et que je me souviens très bien du reportage que j’ai vu jeudi 10 mars sur Alpha News (alphatv.gr, Στρος Καν: « Η απάτη πάει σύννεφο στηνΕλλάδα » http://www.alphatv.gr. Il y était question de ce documentaire, la scène des manifestants était la même, mais après, on voyait Papandréou et DSK assis ensemble en train de discuter. Le son était coupé et le tout était reproduit en traduction simultanée accompagnée de quelques sous titres. Il faut savoir que la chaîne grecque avait passé cette information à l’ouverture du journal du soir et qu’elle n’en avait reproduit qu’un tout petit extrait.

Et voilà ce qu’a donné la version grecque du documentaire français : DSK aurait dit « La réalité est que la Grèce est dans le caca et très profondément même ! Quand une femme dit qu’elle ne peut plus acheter du pain, elle dit la vérité. Toute cette colère est légitime. Les gens dans la rue ont le sentiment d’avoir été trompés alors que ce sont eux-mêmes qui ont mijoté les ingrédients (de la crise) et qui ne payent pas d’impôts avant d’ajouter littéralement « la fraude monte jusqu’au ciel en Grèce ».

Ce qui a déchaîné l’opinion publique, ce n’est pas le documentaire de Canal + comme l’affirme la correspondante du Figaro mais l’interprétation des propos de DSK par les journalistes grecs qui ont divulgué l’information en rajoutant des choses et en grossissant les traits.

D’autre part, dans le petit extrait qu’ils ont montré, ils ont affirmé aussi que Papandréou aurait sollicité l’intervention du FMI dès fin 2009 (à peine deux mois après son élection) alors qu’à l’époque le discours officiel du Premier ministre était qu’il rejetait complètement cette éventualité. Il ne s’agissait-là que d’une consultation privée entre les deux hommes puisque la décision de demander l’intervention du FMI a eu lieu après le vote de la loi fiscale du 5 mars, autrement dit après le plan d’austérité du 14 décembre, celui du 5 janvier, celui du 5 février … . Déjà en février 2011, le journal grec « Kathimerini » avait titré « Stauss-Kahn, une bombe pour la Grèce » dans son quotidien du 20 février http://news.kathimerini.gr/4dcgi/_w_articles_politics_2_20/02/2011_433401 en annonçant que le documentaire à venir réserverait des révélations sur Nicolas Sarkozy.

De retour en France, j’ai visionné le documentaire incriminé et je dois avouer qu’il n’y a rien dans ce reportage qui m’ait choqué vraiment, si ce n’est la scène où un mannequin à l’effigie de DSK est pendu par des manifestants sur une place publique. Si l’expression « la Grèce est dans la merde » est un peu dans la limite du politiquement correct, je ne comprends pas l’acharnement des journalistes qui en ont fait une montagne.

À titre de comparaison, je vous mettrai la transcription des propos réellement tenus par DSK sur la chaîne française avant de vous présenter les commentaires grecs de ces mêmes propos. Ainsi vous pourrez juger par vous-mêmes, si oui ou non, ce n’est pas d’un lynchage médiatique dont il s’agit.

Extrait du documentaire français : ʺUn journaliste interroge les manifestants dans la rue « Que pensez-vous de DSK ? » Réponse de la première dame en grec : « Qu’il aille se noyer » avant l’intervention d’une deuxième qui dit : « Moi, je lui donne un euro pour s’acheter un petit pain grec au sésame (genre donuts salé). Voilà ce que j’ai, c’est tout l’argent qu’il me reste (en montrant quelques pièces de monnaie qu’elle tient dans sa main) ». « Oui, ils nous ont tout pris » lance une troisième, « ils ont appris qu’il y avait de l’or en Grèce et ils sont venus tout nous prendre … » et on voit une foule en colère et quelques personnes qui portent trois potences avec trois mannequins dont l’un à l’effigie de DSK. Le reportage continue : Pour les Grecs, le plan de sauvetage est surtout synonyme de trois augmentations de TVA, d’un gel des retraites, d’une diminution des salaires des fonctionnaires, d’un allongement de la durée du travail et des baisses de crédit dans l’éducation. À leurs yeux, un seul coupable : DSK. Réponse de l’intéressé : « C’est normal et inévitable qu’ils nous en veuillent, même si on n’y est pour rien. Ça, c’est le raisonnement à froid. La réalité est que ces gens sont dans la merde et ils y sont gravement. Quand la dame dit « je ne peux plus acheter mon pain », la formule est un petit peu exagérée, mais c’est quand-même vrai. Et donc la colère qui s’exprime tombe sur ces salauds du FMI qui viennent et qui leur ont tout pris. Ce n’est pas vrai, on ne leur a rien pris. C’est le contraire, on leur a apporté de l’argent. Mais cette colère est légitime, les gens dans la rue ont le sentiment qu’ils ont été blousés, trompés. Eux-mêmes, ils ont beaucoup bricolé, ils savent très bien qu’ils ne payent pas d’impôts, que c’est un sport national de ne pas payer d’impôts en Grèce parce que ça truande un maximum et d’un autre côté, si on n’était pas venu à la dernière minute, quand ils nous ont demandé de venir, ils seraient tombés au fond du gouffre, c’est-à-dire deux semaines plus tard, le Gouvernement ne payait plus les fonctionnaires, il commençait à avoir des files devant les banques pour y retirer les sous, les banques fermaient, donc l’écroulement total. C’est injuste ce qu’ils nous reprochent, mais c’est normal » avant de poursuivre en anglais « tout le monde du haut au bas de l’échelle sociale doit comprendre qu’il doit participer à l’effort et plus vous êtes riches, plus votre participation sera grande ». DSK a beau vouloir faire payer les riches, les plus remontés ne l’entendent plus depuis longtemps. (…)ʺ.

Comme on le voit, le langage de DSK est loin du langage populaire et vulgaire que lui prêtent les médias grecs qui pendant quelques jours ont passé cet extrait en boucle sur toutes les chaînes. On voit bien que ce n’est pas la bourde de DSK mais l’interprétation des propos de DSK qui a déchaîné l’opinion publique en Grèce ! C’est comme si les journalistes cherchaient un bouc émissaire et qu’ils l’avaient trouvé en la personne de DSK, car il est plus facile pour eux de taper sur un étranger que sur les politiciens du pays. Même si c’est dur à entendre, DSK a raison de dire que la fraude fiscale atteint des sommets en Grèce, c’est une réalité ! Oui les Grecs ont triché sur tous les plans (fraude, corruption, pots de vin etc.). Pour plus d’informations sur ce point, vous pouvez également lire mes deux autres posts ʺCrise grecque – Qui est responsable ?ʺ et ʺUn autre regard sur la Grèceʺ dont voici les liens : http://www.lepost.fr/article/2010/05/03/2059361_un-autre-regard-sur-la-grece-crise-grecque-qui-est-responsable_1_0_1.html

et http://www.lepost.fr/article/2010/05/03/2059354_un-autre-regard-sur-la-grece_1_0_1.html

Même le Ministre de l’économie grec, M. Papaconstantinou, l’avait dit ouvertement en admettant que l’économie souterraine était évaluée de 30 à 40 % du PIB. http://bruxelles.blogs.liberation.fr/coulisses/2011/02/la-dette-grecque-bientôt-restructurée.html

Depuis la sortie de ce reportage, la presse, les journaux télévisés et les émissions politiques se sont relayés pour réagir aux propos de DSK oubliant complètement le travail de journaliste qui consiste à vérifier ses sources avant de divulguer des déclarations aussi polémiques qui ne sont basées que sur des traductions. Ainsi, le documentaire de Canal +, si inoffensif en apparence, a donné libre cours à l’imagination des journalistes qui ont tous affirmé que DSK aurait eu des propos très durs sur la Grèce.

Ainsi le journal ʺKathimeriniʺ a titré dans son édition du 10 mars http://news.kathimerini.gr/4dcgi/_w_articles_politics_100073_10/03/2011_435299 que Strauss-Kahn s’était exprimée sur la Grèce en utilisant les pires des mots « La réalité est que ces gens sont dans le caca (…) même si c’est eux qui ont cuisiné un peu, ils ne payent pas d’impôts, c’est un peu un sport national, du vagabondage à l’extrême ».

Selon le journal ʺto vimaʺ

http://www.tovima.gr/opinions/article/?aid=388946&h1=true

DSK aurait dit « Les gens sont dans le caca et même très profondément. Toute cette colère est juste. Les gens dans la rue ont le sentiment d’avoir été escroqués. Et ce même si ce sont eux-mêmes qui ont mijoté cette cuisine, qui ne payent pas d’impôts. La fraude atteint des sommets. On n’avait pas besoin de la confession de Strauss-Kahn pour voir le trou noir dans lequel nous nous trouvons. Ce qui nous dérange, c’est quand certaines vérités sont dites par des étrangers et tout particulièrement par le patron du FMI qui, du moins selon l’avis de l’opposition, est responsable de tout le mal qui nous arrive ».

 

Le journal ʺta neaʺ

http://www.tanea.gr/default.asp?pid=2&ct=3&artid=4621749

a fait sa une sur DSK en titrant « Si nous n’avions pas été là, VOUS seriez tombés dans l’abysse » comme si l’intéressé avait tenu ces propos en s’adressant directement aux Grecs.

 

D’autres journaux ont cru utile d’écrire que selon DSK « Les Grecs baignaient ou nageaient dans le caca » ou encore « qu’ils étaient plongés dans le caca jusqu’au cou » en expliquant que DSK aurait parlé d’eux de la pire des manières imaginables, traitant tous les Grecs de voleurs, de fraudeurs, d’escrocs et de tout ce qu’on veut.

 

Comme vous le voyez, l’acharnement des journalistes est incroyable et ils vont jusqu’à lui prêter des mots qu’il n’a jamais prononcés.

 

Qu’en pensent les Grecs que j’ai rencontrés sur place de tout cela ?

 

Et bien, il y a ceux qui ont très bien compris que l’Europe les a sauvés et qui reconnaissent volontiers qu’il y a plus de choses qui ont changé en six mois dans ce pays que pendant dix ans sous les gouvernements précédents tout en affirmant que la vie est devenue très dure pour eux. Après, il y a les mécontents qui tapent à fond sur Papandréou, surtout les fonctionnaires et les indépendants qui voient leur activité asphyxiée depuis qu’ils ne peuvent plus tricher comme avant et puis, il y a ceux qui pensent sincèrement que la Grèce s’en serait mieux sortie s’il elle était sortie de l’euro en disant que tout allait bien avant et que tous leurs problèmes sont venus avec l’euro.

 

Après, il faut dire aussi qu’ils ont l’impression que l’effort demandé n’a pas été réparti équitablement. Selon eux, les salariés et les retraités seraient les plus pénalisés. Mais ce qui fait râler les Grecs, c’est surtout le fait que ceux qu’ils croient responsables de leur situation n’ont pas été traduits devant la justice. Ils ont le sentiment que certaines personnes se sont enrichies impunément sur leur dos alors qu’on vient leur prendre leurs dernières économies.

 

Pour les supposés propos de DSK, il faut dire qu’ils ont du mal à digérer et on peut le comprendre. Il y en a un qui m’a dit : « Et bien si nous, on est dans le caca, on n’a qu’à le payer avec notre caca, comme ça, il sera aussi dans le caca et l’Europe avec ». On a beau leur expliquer, ils ont tellement été bombardés avec cette information qu’ils ne vous croient plus quand vous leur dites que DSK n’a pas dit ces choses-là.

Pour ce qui est du prochain déplacement du patron du FMI dans ce pays, je pense qu’il est un peu prématuré et qu’il ferait mieux d’attendre que les choses se soient clarifiées. J’estime qu’il est en droit d’exiger une rectification, voire des excuses publiques de la part des médias grecs qui se sont tellement acharnés sur lui. Quelles que soient nos convictions politiques, quoi que l’on pense de DSK par ailleurs, j’estime que Dominique Strauss-Kahn n’a pas mérité un tel traitement de la part des Grecs.

http://www.lepost.fr/article/2011/03/18/2439234_dsk-victime-d-un-lynchage-mediatique-en-grece.html?doFbPublish=2439234

La crise, le monde, le FMI, l’impact de la vision de Dominique Strauss-Kahn


« Le Monde Interconnecté » est un film en quatre parties sur le Fonds Monétaire International et la crise économique mondiale.

Bande annonce du film :


De la crise à la coopération :


La Chine :


Le Ghana :


La Pologne :


Sources : http://theinterconnectedworld.com/index.php